Le MCH revisite 70 ans d’émissions jeunesse du petit écran canadien
Bobinette, Caillou, PassePartout ou encore Fergus, le compagnon canin de Ma‐ rie-Soleil, quittent la petite lucarne pour s’installer au Musée canadien de l’his‐ toire (MCH), le temps de l’exposition De Pépinot à La
Pat’ Patrouille – Notre en‐ fance télévisuelle, qui dé‐
marre vendredi.
À travers une centaine d’émissions jeunesse, incluant Watatatow, Bobino, Toc Toc Toc, ou encore Théodore le remorqueur, l’exposition re‐ trace l’évolution de l’offre télé‐ visuelle canadienne pour en‐ fants, de 1952 à nos jours.
Près de trois années ont été nécessaires pour conce‐ voir cette exposition. Ça a né‐ cessité beaucoup de re‐ cherches. J’ai dû recenser les émissions pour enfants de ces 70 dernières années, raconte le conservateur des médias et des communications au Mu‐ sée canadien de l’histoire, Oli‐ vier Côté.
Historien de la télévision, ses recherches pour l’exposi‐ tion ont exploré près de 1 000 productions cana‐ diennes jeunesse. Parmi elles, une centaine d’émissions au‐ réolées de prix et ayant mar‐ qué les générations a été rete‐ nue.
Le défi qu’on avait était de présenter des émissions fran‐ cophones, anglophones et aussi autochtones. Il y en a pour tout le monde, assure Olivier Côté, qui souligne l’am‐ bition de cette exposition de refléter la télévision cana‐ dienne dans toute sa diversi‐ té.
En plus de créer une expé‐ rience interculturelle, l’autre défi était de créer un équilibre intergénérationnel. On a fait cet effort de proposer du contenu contemporain, ré‐ cent, comme les émissions Pat'Patrouille, Dino Dana, etc. Puis d’autres émissions comme Caillou, Cornemuse, Théodore le remorqueur, peut-être plus anciennes, mais encore connues des en‐ fants, poursuit le conserva‐ teur du MCH.
Olivier Côté évoque une scénographie qui mise sur l’émerveillement et la magie dans la première partie de l’exposition, tandis que la suite du parcours mise davan‐ tage sur une approche docu‐ mentaire et réflexive. Aux cô‐ tés d’extraits diffusés sur plu‐ sieurs dizaines d’écrans, 80 ar‐ tefacts rassemblant des ma‐ rionnettes, des costumes ori‐ ginaux et des accessoires re‐ tracent l’évolution de l’offre té‐ lévisuelle canadienne.
Au-delà des changements technologiques, l’exposition propose une perspective his‐ torique sur l’évolution des va‐ leurs dans les émissions, comme les identités de genre, la représentation des minori‐ tés racisées, ou la question de l’environnement, fait valoir Olivier Côté.
Je suis extrêmement fier des mini-documentaires sur toutes sortes de sujets, avec des collaborateurs [...] qui nous ont donné une autre vi‐ sion des émissions pour en‐ fant avec ce qu’elles ont d’in‐ clusif mais aussi de négatif aussi parfois malheureuse‐ ment, poursuit M. Côté, citant l’exemple des stéréotypes liés à l’identité de genre dans les années 1960.
Avant d’entamer ses re‐ cherches, le conservateur confie par ailleurs ne pas avoir anticipé la propension des émissions à proposer aux spectateurs des modèles de parentalité. On se rend compte qu’on passe d’un mo‐ dèle parental plus autoritaire à un modèle plus démocra‐ tique, relève le conservateur du musée.
Dans Caillou, Passe-Par‐ tout et dans de vieilles émis‐ sions comme Les Cadets de la forêt, ou même Maman Fonfon dans les années 1950, chaque émission propose des clés aux parents pour entrer en relation avec leurs enfants, fixer des limites, être à l'écoute de leurs émotions.
Olivier Côté, conservateur des médias et des communi‐ cations au Musée canadien de l’histoire
La boîte à souvenirs
Invitée à découvrir l’expo‐ sition, la créatrice et anima‐ trice franco-ontarienne de l’émission Marie-Soleil, Su‐ zanne Pinel, s’est dite très émue. Je suis tellement hono‐ rée et surprise que ma petite émission sans budget soit parmi toutes les émissions qu’on a eues au Canada du‐ rant ces années, confie-t-elle avec modestie. La Franco-on‐ tarienne fut aux commandes de cette émission phare qui proposait d'apprendre le fran‐ çais aux jeunes enfants anglo‐ phones.
On revit notre histoire, poursuit Mme Pinel, évo‐ quant les différentes émis‐ sions présentées par le MCH. Au fil des 145 épisodes de Ma‐ rie-Soleil, elle se souvient avoir reçu de prestigieux invi‐ tés, dont le premier astro‐ naute canadien et aujourd'hui député Marc Garneau, la chanteuse inuk Susan Aglu‐ kark, ou encore la patrouille acrobatique des Snowbirds.
Je voulais parler [aux en‐ fants], qu’ils aient un sens d’appartenance [là où ils vi‐ vaient], [qu’ils soient] ca‐ pables d’apprendre de nou‐ velles choses, d’être amis avec tous ceux qui les entourent, qu’ils parlent français ou an‐ glais, qu’ils soient heureux d'être enfants et qu’ils conti‐ nuent à explorer leur monde, se souvient Suzanne Pinel.
Dès l'entrée dans le musée, ce qui est extraordinaire, c’est qu’on retrouve un fauteuil où, à mon époque, tout le monde se rassemblait pour regarder la télé. Et plus on avance dans l’exposition, et plus on s’adresse à la nouvelle généra‐ tion, qui est beaucoup plus tactile, sur écran. Il y en a vrai‐ ment pour tout le monde. C’est vraiment impression‐ nant, relève pour sa part le marionnettiste Michel Le‐ doux.
Honoré d'être associé à cette exposition, Michel Le‐ doux a animé Bibi, l’extrater‐ restre aux cheveux verts de l’émission Bibi et Geneviève, dans les années 1980 et 1990. Ça fait 42 ans que je fais un métier de marionnettiste télé‐ visuel. Je ne veux pas dire que c’est l’aboutissement de ma carrière, car j’ai l’intention de continuer, mais ça me rap‐ pelle que les années passent tellement vite, et que ça évo‐ lue rapidement, analyse M. Ledoux.
Mais au fil des années, [...] que les personnages soient virtuels, que ce soit des ma‐ rionnettes en latex ou en pa‐ pier mâché, les messages transmis au jeune public res‐ tent les mêmes, relève le ma‐ rionnettiste, citant le partage, l’amour, ce que les enfants vivent dans la société, et le fait d’apprendre à s'écouter, à s'apprécier, et à ne pas faire de différence.
Réalisée par le MCH, en collaboration avec CBC/RadioCanada et avec la participa‐ tion de Télé-Québec, l’exposi‐ tion se poursuivra jusqu’au 1er septembre 2023.