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L’environnem­ent au coeur des préoccupat­ions de la relève en jeu vidéo

- Stéphanie Dupuis

Créer en neuf mois un jeu vidéo sur le thème de l’en‐ vironnemen­t, c’est le défi qu’a lancé le studio mont‐ réalais Reflector à une co‐ horte de l’école ISART Digi‐ tal. Résultat : un titre d’une quinzaine de mi‐ nutes, une jouabilité qui sort des sentiers battus et un profond message envi‐ ronnementa­l provenant de la relève de l’industrie.

Ça fait trois ans mainte‐ nant que le studio montréa‐ lais Reflector impose un thème à teneur sociale aux élèves d’ISART. L’an dernier, la directive était de concevoir un jeu accessible aux personnes avec un trouble du spectre de l’autisme. Cette année, c’est l’environnem­ent qui a animé les discussion­s dans la salle de classe, donnant naissance à

Lorekheim: Rise of a Fallen World, un jeu solo qui critique la surconsomm­ation.

Dans ce jeu, on incarne un gardien de la nature qui tente de maintenir l’équilibre de l’environnem­ent. [Pour y arri‐ ver], tu dois utiliser tes res‐ sources d’une manière res‐ ponsable, résume Joanna Bendaoud, directrice artis‐ tique du jeu.

Le personnage, par exemple, doit s’assurer de ne pas écouler toutes ses res‐ sources, sinon elles ne se re‐ nouvellero­nt pas.

On a voulu recréer cet ef‐ fet papillon de l’environne‐ ment dans le jeu. Si tu consommes trop, ça va avoir un effet sur ta jouabilité et l’expérience sera plus ardue. [À l’inverse], si tu remets de l’énergie dans les [ressources], tu vas changer ton environne‐ ment de manière positive, [...] en ouvrant de nouveaux che‐ mins par exemple, explique Xavier Rouyer, designer du jeu.

Et tout ça se concrétise vi‐ suellement : une masse vis‐ queuse semblable à du pé‐ trole, appelée corruption par les élèves, s’empare de l’envi‐ ronnement lorsque les res‐ sources sont surutilisé­es.

On voulait vraiment que le joueur comprenne que ce sont ses choix qui le mènent à la conclusion du jeu, comme c’est le cas dans la vie de tous les jours : on doit faire atten‐ tion à ce qu’on fait, car les conséquenc­es sont là.

Joanna Bendaoud

Le jeu met donc l’accent sur le chemin à parcourir plu‐ tôt que sur le résultat final. Il s’agit d’une mécanique de jeu très innovante, selon Christo‐ pher Cimbaro, directeur tech‐ nique de Reflector qui cha‐ peaute les cohortes d’ISART depuis trois ans.

La façon de combattre l’en‐ nemi est aussi bien différente de celle de la plupart des jeux traditionn­els : au lieu de de‐ voir l’anéantir, le but est de l’attaquer avec de l’énergie afin de le purifier.

Des vertes réflexions plus

Avant de se lancer dans la création de ce jeu, les étu‐ diantes et étudiants d’ISART n’avaient pas les mains vides. Pour s’inspirer, et même s’in‐ former, les membres du per‐ sonnel de Reflector et les élèves du collège ont participé à des ateliers et des confé‐ rences organisées par Hugue Asselin, un expert en environ‐ nement et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

[On voulait] former les étu‐ diants afin qu’ils puissent dé‐ velopper du contenu informa‐ tif juste et vérifié, peut-on lire dans le communiqué de presse.

Parmi les données les plus marquantes mises en lumière lors de ces séances d’informa‐ tion, Xavier Rouyer nomme celle selon laquelle l’industrie du jeu vidéo dans le monde émet autant de carbone que l’industrie automobile au Québec.

Je suis très conscient que de faire un jeu vidéo sur l’envi‐ ronnement peut être iro‐ nique. Je me suis beaucoup questionné à cet effet, men‐ tionne-t-il.

Au fur et à mesure que j’ai travaillé sur le jeu, j’ai fait la paix avec ça. Car on n’est pas un studio AAA [superprodu­c‐ tion], et c’est un moyen de s’exprimer sur un sujet crucial, poursuit Xavier Rouyer.

Le jeu vidéo est l’un des médias les plus vus au monde, et ça touche beau‐ coup de personnes. C’est un bon médium pour faire pas‐ ser des messages.

Dorian Duroyaume, artiste environnem­ental et habilleur de niveau

Les soucis environnem­en‐ taux pèsent aussi dans la ba‐ lance quand vient le temps de choisir si un titre est seule‐ ment jouable en solo ou en‐ core en mode multijoueu­r en ligne. C’est que les jeux multi‐ joueur nécessiten­t l’utilisatio­n de serveurs, qui sont énergi‐ vores.

C’est l’une des raisons, outre des questions tech‐ niques, qui ont motivé le choix de faire de Lorekheim: Rise of a Fallen World un jeu solo.

Ce n’est pas parce que l’in‐ dustrie du jeu vidéo n’est pas la meilleure sur l’environne‐ ment qu’il ne faut pas en par‐ ler. On a un moyen de faire entendre ce message [à grande échelle], insiste Chris‐ topher Cimbaro.

Par ailleurs, l’exercice a en‐ couragé le studio Reflector Entertainm­ent à acheter des crédits carbone auprès de Carbone Boréal. L’initiative, pi‐ lotée par l’Université du Qué‐ bec à Chicoutimi (UQAC), a permis de planter 50 arbres dans la province.

Une relève engagée

Une fois leur diplôme en main, les élèves d’ISART comptent bien continuer à se faire entendre au sujet de l’en‐ vironnemen­t. Joanna Ben‐ daoud, par exemple, a décro‐ ché un stage dans un studio qui travaille justement sur ce thème.

En tant qu’artiste de per‐ sonnage, c’est difficile de trier les offres d’emploi sur ce sujet [car il n’y en a pas des tonnes]. Mais c’est toujours un plus pour moi si le studio est enga‐ gé en matière d’environne‐ ment, que ce soit le sujet du jeu, le sujet secondaire ou en‐ core si l’entreprise fait des ef‐ forts en ce sens, souligne Joanna Bendaoud.

Pour Xavier Rouyer, qui travaille pour l’instant sur des projets personnels, c’est même un thème qu’il compte pousser par la bande dans ses emplois futurs dans l’industrie du jeu vidéo.

Ça a changé la façon dont je compte aborder le design de jeu vidéo. Même si un jeu n’est pas conçu avec l’inten‐ tion d’aborder des thèmes complexes [comme l’environ‐ nement], on peut réussir à l’intégrer dans les discussion­s. Xavier Rouyer

Dorian Duroyaume com‐

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