Québec solidaire et le Parti québécois misent sur le maintien à domicile des aînés
À coup de milliards de dol‐ lars promis en campagne électorale, Québec soli‐ daire (QS) et le Parti québé‐ cois (PQ) viendraient tous deux au chevet des aînés dont le traitement actuel relève « de la honte natio‐ nale », s’indigne QS, tandis que le PQ se désole de la marginalisation de cette population, véritable « ri‐ chesse de la société ». Les deux partis partagent la même vision: le maintien à domicile, le plus longtemps possible.
Le Parti québécois s'en‐ gage à investir 3 milliards de dollars par année en calculant que le nombre d’heures of‐ fertes en soins à domicile sera triplé. Cette somme distri‐ buée de façon équitable entre les régions sera gérée régiona‐ lement. Le PQ veut aussi al‐ louer la moitié du budget des soins de longue durée aux soins à domicile durant un éventuel mandat péquiste, a présenté vendredi son chef Paul St-Pierre Plamondon.
De son côté, Québec soli‐ daire promet un investisse‐ ment total de plus de 1,1 mil‐ liard de dollars répartis ain‐ si : 750 millions de dollars par an pour garantir l’accès aux soins à domicile et 380 mil‐ lions de dollars supplémen‐ taires pour soutenir les proches aidants. Cette der‐ nière somme s’ajouterait au crédit d’impôt déjà existant et prendrait la forme d’une allo‐ cation pouvant atteindre jus‐ qu’à 15 000 $ par année.
Les deux chefs ont chacun de leur côté fustigé l’approche politique des précédents gou‐ vernements en ce a trait à la gestion du grand âge.
Malheureusement, les quatre dernières années ont été marquées par la continui‐ té du modèle libéral, [...] conti‐ nuer dans des annonces qui sont davantage fondées sur des stratégies de communica‐ tion et des coupages de ru‐ ban, sans pour autant ré‐ pondre aux demandes des aî‐ nés, ni remettre en question le modèle de l'institutionnali‐ sation et le modèle hospitalo‐ centriste pour ce qui est de prodiguer des soins, a dénon‐ cé le chef péquiste Paul StPierre Plamondon.
De son côté, Gabriel Na‐ deau-Dubois a évoqué un sys‐ tème qui traite [les aînés] comme des choses encom‐ brantes. Ça fait trop long‐ temps que les gouverne‐ ments regardent ailleurs, a-t-il ajouté en appelant de ses voeux un changement de cap pour inverser le modèle. Et la décision est urgente à prendre, selon lui. Toutes les semaines, j’entends des phrases comme : "J’aimerais mourir plutôt que de finir dans un CHSLD".
Il faut prévenir à la maison plutôt que guérir en CHSLD [...] Il faut faire le grand virage vers les soins à domicile.
Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec soli‐ daire
Le Parti québécois a indi‐ qué s’appuyer sur les inten‐ tions de 91 % des Québécois souhaitant plutôt vieillir chez eux. Ce qu'ils nous disent très clairement, c'est de changer de modèle, soutient Paul StPierre Plamondon, ils veulent des soins à domicile, pas du béton.
Le béton en question, ce sont les maisons pour aînés, comme celle à Gatineau de‐ vant laquelle le chef péquiste a tenu sa conférence de presse, en contre-exemple de ce qu’il promeut.
M. St-Pierre Plamondon a néanmoins indiqué pour‐ suivre la construction des éta‐ blissements en cours de chan‐ tier, ce qui représente finale‐ ment le financement de 43 maisons pour aînés sur les 46 promises au Québec par le gouvernement caquiste.
J'en reviens pas, j'entends des partis politiques nous dire aujourd'hui : moi, je vais arrê‐ ter ça les maisons des aînés, je vais juste mettre de l'argent dans les soins et les services à domicile. C'est ne pas com‐ prendre la réalité de dire ça, a laissé tomber le chef de la CAQ en point de presse à Vic‐ toriaville pour sa propre an‐ nonce en matière de soins et de services à domicile pour les aînés.
On a besoin des deux. Oui, plus on va aider dans les soins et les services à domicile, plus on va retarder le moment où il faut aller dans les CHSLD ou les maisons des aînés. Mais le nombre de places qu'on est en train de construire, c'est le nombre de places qu'on avait sur les listes d'attente, a fait valoir François Legault.
Le chef caquiste a d'ailleurs promis vendredi 900 millions de dollars supplé‐ mentaires sur quatre ans pour financer les soins à do‐ micile des aînés. Son gouver‐ nement avait déjà prévu 2,7 millards dans le dernier budget, c'est donc 3,6 mil‐
liards d'investissements sur quatre ans que la CAQ prévoit désormais.
M. Legault a expliqué que cet argent servirait à ajouter des services, bonifier le finan‐ cement d'organismes com‐ munautaires, s'occuper plus tôt des aînés en perte d'auto‐ nomie, financer une partie des maisons intergénération‐ nelles et augmenter le crédit d'impôt pour les boutons pa‐ nique et les mécanismes de surveillance, entre autres.
Comment trouver les ressources humaines né‐ cessaires?
Reste l’épineuse question de la main-d'oeuvre dans un contexte où le personnel re‐ lève de la denrée rare. Le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamon‐ don, a cité l'élargissement de la catégorie de professionnels qui pourront contribuer à ces soins et libérer ainsi les méde‐ cins et infirmières de cer‐ taines tâches.
Les renforts pourraient se trouver du côté des civils qui ne sont pour l'instant pas im‐ pliqués dans le système hos‐ pitalier, comme des déten‐ teurs de bacs en nutrition, a-til cité. Un mot d'ordre : la flexi‐ bilité.
L’enjeu du recrutement possède aussi des ramifica‐ tions sociales importantes, a fait remarquer Gabriel Na‐ deau-Dubois, qui compte d'un même élan s’attaquer au problème du logement ou de l’accès aux garderies pour fa‐ voriser l’attraction et la réten‐ tion de main-d'oeuvre dans les régions les plus vulnérables.
Autre levier d’action : la fin de la privatisation des soins à domicile pour offrir des ser‐ vices 100 % publics ou com‐ munautaires, a promis Qué‐ bec solidaire.
François Legault estime de son côté être réaliste. Il y a des partis de l’opposition, on dirait qu’ils ont juste joué théoriquement avec les chiffres sans regarder com‐ bien de personnes vont être disponibles dans les quatre prochaines années.
Il a aussi prévenu qu'on ne réglera pas tout avec l'immi‐ gration. [...] Il faut tenir compte de la capacité d’inté‐ gration aussi.
Ceux qui nous disent qu’on va tout régler avec l’im‐ migration, c’est une recette magique et, en plus, ils ne se préoccupent pas du français. [...] On a atteint la capacité maximale d’intégration avec 50 000 [immigrants] par an‐ née.
Brouillage autour des caméras de surveillance
En début de matinée, Ra‐ dio-Canada a dévoilé que Québec allait recourir à l’ins‐ tallation de caméras de sur‐ veillance dans chaque chambre des maisons des aî‐ nés. Fraîchement informés de cette nouvelle mesure, les chefs n’ont pas rejeté fer‐ mement cette politique, oscil‐ lant entre une incrédulité pru‐ dente et une opposition nuancée.
Le chef péquiste Paul StPierre Plamondon a agité le spectre d’une société à la Big Brother tout en n'excluant pas la viabilité d’une telle offre si le locataire y consentait. Il a des enjeux de vie privée, ça me surprend énormément comme annonce, a néan‐ moins confié le candidat à brûle-pourpoint.
À Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois n’a pas non plus rejeté fermement une telle mesure lors de sa confé‐ rence de presse. C’est dur de s’y opposer par principe, a-t-il commenté tout en jugeant un peu triste qu’on en soit ren‐ dus-là.
Les caméras de sur‐ veillance ne remplaceront ja‐ mais des êtres humains qui prennent soin d'autres êtres humains, qui leur donnent des soins et qu'il leur té‐ moigne de chaleur humaine et de compassion, a défendu M. Nadeau-Dubois.
En fin de journée, François Legault a fait une légère mise au point. C'est seulement si l'aîné le veut. Donc l'aîné qui n'en veut pas de caméra dans sa chambre, il n'en aura pas dans sa chambre.
C'est la balance des incon‐ vénients. Je peux comprendre qu'il y a des avantages et des désavantages d'avoir une ca‐ méra dans sa chambre. Il faut que chaque patient, chaque aîné, pèse le pour et le contre et décide s'il en veut une ou pas.
Plus tôt, en entrevue à l’émission Tout un matin, le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait pour sa part assu‐ ré que cette mesure n'avait rien à voir avec le manque de personnel.