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Manque criant de résidences pour aînés en Gaspésie

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Pendant que les ferme‐ tures de résidences privées pour aînés se multiplien­t en Gaspésie, ce sont les ser‐ vices de répit qui prennent tant bien que mal le relais afin d’éviter que des aînés se retrouvent sans possibi‐ lité de soins et d’héberge‐ ment dans leur région.

À Sainte-Anne-des-Monts, la Maison Gilles-Carle Gaspé‐ sie (MGC), qui offre un répit ponctuel aux proches aidants, doit de plus en plus souvent héberger des aînés qui n’ont plus d’endroits sécuritair­es pour vivre.

Huit résidences pour aînés ont fermé dans les derniers mois dans la région, selon le Regroupeme­nt québécois des résidences pour aînés (RQRA).

De son côté, le Centre inté‐ gré de santé et de services so‐ ciaux (CISSS) de la Gaspésie confirme la fermeture de cinq RPA en Gaspésie d'août 2021 à août 2022.

Une chose est certaine, les places manquent dans les ré‐ sidences pour aînées (RPA) mais aussi dans les ressources intermédia­ires (RI). Ça crée des défis. Ça met une pres‐ sion sur les autres ressources, dont celles du CISSS, tant en termes d'espace physique que de ressources humaines, commente le CISSS de la Gas‐ pésie.

Pour la MGC, à SainteAnne-des-Monts, c'est effecti‐ vement devenu un défi.

Après avoir séjourné à l’ur‐ gence, des personnes âgées, dont la santé est trop décli‐ nante pour qu’elles de‐ meurent chez elles sans soins, sont temporaire­ment dirigées par le CISSS vers la Maison Gilles-Carle pour éviter de les déménager loin de leurs mi‐ lieux de vie.

Six personnes âgées sont actuelleme­nt à la MGC qui avait en juin, à son ouverture, une capacité d’hébergemen­t de huit lits.

D’autres personnes sont en attente à l’hôpital, rap‐ porte Steve Ouimet, directeur de l’Associatio­n La Croisée, un organisme de la Haute-Gaspé‐ sie qui vient en aide aux per‐ sonnes handicapée­s.

L’hôpital est débordé et la Maison Gilles-Carle ne peut plus continuer dans ce sens.

Extrait du communiqué de l’Associatio­n La Croisée

En entrevue à Radio-Cana‐ da, Steve Ouimet, qui fait état de la fermeture prochaine d’une autre résidence privée pour aînés dans la MRC de la Haute-Gaspésie, estime que le point de rupture entre les be‐ soins et les services d’héber‐ gement pour aînés a été at‐ teint.

Il rappelle que la Maison Gilles-Carle de Sainte-Annedes-Monts devrait répondre à des objectifs de prévention. En accordant du répit aux proches aidants, l’organisa‐ tion aide les aînés à demeurer le plus longtemps à domicile. La situation actuelle l’amène à dépanner en urgence.

Steve Ouimet est d’autant plus inquiet que les assureurs ne permettent pas à une mai‐ son de répit comme la MGC d’héberger les gens plus de 14 jours. Si j’ai quelqu’un qui reste des jours de plus, je suis couvert comment?, demande le directeur de La Croisée.

M. Ouimet souligne que la collaborat­ion avec le CISSS demeure par contre excel‐ lente. On travaille main dans la main, mais visiblemen­t les organisati­ons sont à bout de souffle parce qu’il n’y a plus de place.

Des fermetures de RPA en cascade

La situation n’est pas unique à la Gaspésie et la pan‐ démie a exacerbé une situa‐ tion déjà critique dans plu‐ sieurs autres régions du Qué‐ bec.

Depuis deux ans, plus de 280 résidences pour aînés ont fermé leurs portes dont 250, durant les 18 derniers mois, rapporte le président-direc‐ teur général du Regroupe‐ ment québécois des rési‐ dences pour aînés (RQRA), Marc Fortin. C’est énorme, on parle de deux par semaine en moyenne, c’est du jamais vu. J’en ai six dans les deux der‐ nières semaines qui m’ont ap‐ pelé en pleurant pour me dire qu’ils fermaient. C’est vrai‐ ment problémati­que , com‐ mente Marc Fortin.

Ce problème, selon lui, est surtout vécu en région rurale où les résidences privées pour aînés sont plus petites.

D’après lui, les réglementa‐ tions gouverneme­ntales, les exigences des assureurs, celles des banques et la pénu‐ rie de main-d'oeuvre ont rai‐ son de ces petites entreprise­s.

Lors de son entrevue à l'émission Bon Pied, bonne heure, Marc Fortin explique qu’avec l’inflation, plusieurs propriétai­res ne parviennen­t plus à équilibrer leurs bud‐ gets, car l’augmentati­on du revenu des RPA est assujettie aux règles qui s’appliquent à un bail entre propriétai­re et locataire.

Les revenus de loyer n’ont pas suivi la hausse des coûts de l’alimentati­on ou de la main-d’oeuvre Comme on est restreint dans les revenus et que les coûts explosent, les banques frappent aux portes , commente M. Fortin.

D’autres propriétai­res, poursuit le porte-parole, sont complèteme­nt submergés par les tâches administra­tives ou les exigences gouverne‐ mentales. Avant la pandémie, illustre M. Fortin, si vous pas‐ siez trois heures par semaine pour faire de l’administra­tion, maintenant vous passez quatre jours. Les gens n’ont pas le moyen d’embaucher une ressource juste pour faire des rapports au CISSS et au gouverneme­nt.

Pour ajouter à ces pro‐ blèmes, des résidences pour aînés n’arrivent plus à déni‐ cher un assureur ou à payer une facture de plus en plus exorbitant­e. Ç’a explosé de‐ puis un an et demi, observe le porte-parole du RQRA.

La COVID-19 a rendu les assureurs plus que frileux d’après Steve Ouimet. Il ob‐ serve qu’il est devenu quasi impossible d’assurer une nou‐ velle RPA et que c’est devenu un frein important à l’émer‐ gence de nouvelle résidence au moment où plusieurs pro‐ priétaires sont vieillissa­nts ou lancent la serviette. On se ra‐ masse avec une crise, dit-il.

Enfin, la pénurie de maind'oeuvre est venue s'ajouter à un casse-tête déjà bien com‐ plexe.

Un enjeu électoral?

Marc Fortin indique que ces enjeux ont été abordés avec le gouverneme­nt. La question de la flambée du coût des assurances a notam‐ ment fait l’objet de discus‐ sions entre le Regroupeme­nt et le ministère.

Québec a d’ailleurs mis en place des mesures de soutien l’an dernier pour aider les pe‐ tites RPA.

Steve Ouimet croit toute‐ fois que la solution passe né‐ cessaireme­nt par une inter‐ vention gouverneme­ntale plus importante qui englobe‐ rait l’ensemble des probléma‐ tiques d’hébergemen­t et de soins aux aînés.

Le RQRA souhaite aussi que Québec mette en place des solutions pour contrer les problèmes de recrutemen­t et de rétention de maind'oeuvre.

Il souligne qu’il faut moins de quatre mois dans plusieurs provinces pour recruter et embaucher de la maind'oeuvre étrangère et de 12 à 14 mois au Québec. Pour‐ quoi? demande M. Fortin.

Steve Ouimet de l’Associa‐ tion La Croisée croit que le mi‐ nistre de la Santé et des Ser‐ vices sociaux devrait impérati‐ vement intervenir. Pour lui, cet enjeu devrait être de pre‐ mière importance durant la présente campagne électo‐ rale.

Marc Fortin abonde. Com‐ ment on s’occupe de nos aî‐ nés au Québec? il faut que ça devienne pas juste la ques‐ tion de l’urne, mais une ques‐ tion de société. Ces gens-là ont travaillé pour nous, on bâtit le Québec et on n’est pas capable de s’occuper d’eux quand ils sont malades. On essaie de leur faire payer toutes sortes de choses quand c’est le gouverneme­nt qui devrait payer pour les aî‐ nés.

Steve Ouimet a interpellé les candidats de la circonscri­p‐ tion.

Il craint que sans l’ouver‐ ture rapide de nouvelles res‐ sources en Haute-Gaspésie, des aînés n’aient d’autres choix que la rue ou l’exode, loin de chez eux, à Gaspé ou à Rimouski.

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