Radio-Canada Info

Des infirmière­s travaillen­t près de 70 heures par semaine pendant un an

- Jean-Marc Belzile

Les salaires des infirmière­s en Abitibi-Témiscamin­gue sont en constante aug‐ mentation depuis 2019, se‐ lon des données consultées par Radio-Canada. Les nombreuses primes of‐ fertes par le gouverne‐ ment caquiste y ont contri‐ bué, mais aussi le fait que plusieurs font beaucoup de temps supplément­aire.

À la suite d’une demande d’accès à l’informatio­n, nous avons pu obtenir le salaire des 10 infirmière­s les mieux payées en Abitibi-Témisca‐ mingue au cours de l'an‐ née 2021.

Deux d'entre elles ont em‐ poché près de 200 000$ en 2021, soit 196 000$. À titre comparatif, le salaire annuel de la présidente et directrice générale du CISSS-AT est de 198 000$.

Ce qui est impression­nant dans ces statistiqu­es, c’est le nombre d’heures de travail qu’elles ont effectuées.

L’infirmière la mieux payée a travaillé un total de 3418 heures en 2021, dont 1412 en temps supplémen‐ taire, soit l’équivalent de 66 heures par semaine pen‐ dant toute une année.

Les gens qui ont gagné ces salaires ont fait pratiqueme­nt le double du nombre d’heures prévues à leur poste. Ce sont des personnes qui, dans cer‐ tains cas, ont même couché sur leur lieu de travail pour être en mesure de maintenir les services.

Jean-Sébastien Blais, pré‐ sident de la Fédération inter‐ profession­nelle de la santé en Abitibi-Témiscamin­gue

L’infirmière de la région ayant le plus travaillé en 2021 est une infirmière auxiliaire. Son salaire de base est de 43 800$, mais elle a finale‐ ment empoché 165 000$.

Pour y parvenir, elle a effectué un total de 3543 heures de travail, soit l’équivalent de 68 heures par semaine en moyenne pendant 52 se‐ maines consécutiv­es.

Plus les années avancent et plus on a besoin que les gens fassent du surtemps et ç'a des effets pervers tout ça, parce que faire autant d’heures sans tomber malade, ça finit toujours par rattraper nos profession­nels en soin, souligne le président du syn‐ dicat.

À titre comparatif

Pour donner une idée de la différence de travail, pre‐ nons par exemple un tra‐ vailleur qui a deux semaines de vacances et qui travaille 37,5 heures par semaine le reste de l’année, soit 50 se‐ maines. Il aura effectué 1875 heures de travail pen‐ dant l’année, soit à peine un peu plus de la moitié des heures travaillée­s par ces in‐ firmières.

Il s’agit d’importante­s hausse par rapport à 2020. L’infirmière la mieux payée avait empoché 182 000$ et seulement une infirmière avait effectué plus de 3000 heures de travail.

C’est vraiment pas humain de penser qu’on peut conti‐ nuer comme ça pendant bien des années et c’est clair que ces gens-là vont finir par s’épuiser, tomber en congé de maladie. On ne peut pas continuer à étirer l’élastique pendant bien des années. [...] De le faire à l’année longue comme ça, honnêtemen­t, c’est extrêmemen­t dange‐ reux. Nous, on sensibilis­e beaucoup nos membres làdessus, de s’écouter aussi et, un moment donné, elles ont le droit de dire non aussi, ajoute Jean-Sébastien Blais, tout en précisant que dans le cas de ces deux infirmière­s, la plupart du temps supplémen‐ taire devait être volontaire.

Imposer un maximum d’heures de travail?

Selon le syndicat, des études démontrent qu’après deux ou trois quarts de 16 heures de travail consécu‐ tives, les infirmière­s sont plus à risque de commettre des er‐ reurs.

Jean-Sébastien Blais estime donc que l’employeur prend des risques à faire travailler ainsi des infirmière­s.

« C’est sûr qu'il faudrait peut-être qu'il y ait quelque chose qui vient baliser ça. On pense notamment aux ca‐ mionneurs qui ont des black books, puis après un certain nombre d’heures, ils doivent arrêter. Pour nos profession‐ nels en soins, il n’y a pas de maximum. Comment seraiton en mesure de légiférer? Combien d’heures est-il pos‐ sible de faire en une semaine tout en offrant un service de qualité? Je pense que ça va être une question assez diffi‐ cile parce que chaque per‐ sonne a des limites diffé‐ rentes », mentionne Jean-Sé‐ bastien Blais.

Des primes majorées en 2021

Selon le syndicat, les sa‐ laires des infirmière­s sont aussi particuliè­rement élevés cette année en raison des nombreuses primes mises en place par le gouverneme­nt.

Les infirmière­s ont reçu des primes qui varient entre 19 000 et 57 000$ en 2021. À titre comparatif, en 2019, les primes variaient entre 6000 et 28 000$.

Le syndicat s’attend à une certaine baisse lors de la pro‐ chaine année, puisque de nombreuses primes ont été ou seront retirées sous peu.

Cette année est une année particuliè­re aussi avec les primes du plan Dubé et le temps supplément­aire à taux double aussi qui a été mis pour une bonne partie de l’année. Donc, on se rend compte que tout ça est aussi éphémère, signale Jean-Sébas‐

tien Blais.

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