Quel genre de roi sera Charles III?
Après avoir vécu toute sa vie dans l’ombre de sa mère la reine, Charles Windsor devient aujourd'hui roi à l’âge de 73 ans, ce qui fait de lui le plus vieux mo‐ narque britannique à accé‐ der au trône. Perçu comme un homme froid et timide, saura-t-il rassembler ses sujets autour d’une monar‐ chie millénaire qu’il compte moderniser?
Né le 14 novembre 1948, le prince Charles Philip Arthur George a vu le jour au palais de Buckingham trois ans avant que sa mère ne de‐ vienne reine, en 1952. Premier héritier du trône dans l’ordre de succession, il aura dû at‐ tendre 73 ans avant de succé‐ der à sa mère. Un rôle pour le‐ quel il s’est préparé toute sa vie.
Il sera officiellement pro‐ clamé roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord samedi matin, au pa‐ lais Saint-James, à Londres.
Ce n’est pas un défi en soi pour le roi, qui aura 74 ans dans quelques semaines, c’est simplement la continuité de la monarchie, expliquait ce ma‐ tin Denis MacShane, ancien ministre britannique des Af‐ faires européennes sous Tony Blair, au micro de l’émission Tout un matin.
Premier membre de la fa‐ mille royale à avoir reçu une éducation hors des murs du palais, il a étudié l'histoire au Trinity College de l'Université de Cambridge, où il est aussi devenu le premier membre de la famille royale britan‐ nique à obtenir un diplôme universitaire.
Il a ensuite passé sept ans dans la Royal Navy, où il a ap‐ pris à piloter des hélicoptères. Il a terminé sa carrière mili‐ taire en tant que comman‐ dant du HMS Bronington, un dragueur de mines, en 1976.
Prises de position pu‐ bliques
Si sa mère, la reine Élisa‐ beth II, a observé toute sa vie une stricte neutralité par rap‐ port aux affaires de l’État, s’abstenant presque religieu‐ sement d’intervenir dans la gouvernance et les grands dé‐ bats au sein de son royaume, le prince Charles, lui, s’est pro‐ noncé publiquement à plu‐ sieurs reprises sur des enjeux politiques et sociétaux.
Élevé devant les caméras de télévision et les photo‐ graphes de presse, il s'est ex‐ primé plusieurs fois lors de discours et d’articles dans les journaux notamment sur les changements climatiques, la préservation de l’architecture, les énergies vertes et même sur la médecine alternative.
Une pratique qui déton‐ nait avec la réserve habituelle de la Couronne et qu’il ne re‐ grette pas. Je me demande toujours ce qu'est l'ingérence, j'ai toujours pensé que c'était motivant, avait-il déclaré en 2018 dans le documentaire Prince, Son and Heir : Charles at 70.
J'ai toujours été intrigué de savoir si c'est de l'ingérence de s'inquiéter des centresvilles, comme je l'ai fait il y a 40 ans et de ce qui s'y passait ou ne s'y passait pas, des conditions dans lesquelles les gens vivaient. Si c'est de l'in‐ gérence, j'en suis très fier.
Le prince Charles, extrait du documentaire Prince, Son and Heir : Charles at 70
Il avait cependant reconnu au cours du même entretien qu’une fois qu’il serait roi, il ne pourrait plus s'exprimer publi‐ quement de la sorte ou s'im‐ miscer dans la politique parce que le rôle de souverain est différent de celui de prince de
Galles.
Ils ne sont pas censés avoir des voix politiques. Ils ne sont pas censés avoir des opinions politiques. Et le fait qu'il ait utilisé, si vous voulez, son muscle politique est quelque chose avec lequel il devra faire très attention, de peur qu'il ne soit considéré comme inconstitutionnel, prévient l’historien Ed Owens, auteur de The Family Firm : Monarchy, Mass Media and the British Public, 1932-53.
Une mise en garde judi‐ cieuse dans la mesure où les convictions personnelles de Charles III seront certaine‐ ment mises à l’épreuve dès son arrivée sur le trône dans un Royaume-Uni déstabilisé par le Brexit et la crise écono‐ mique, où les premiers mi‐ nistres conservateurs se suc‐ cèdent ces derniers mois.
Par exemple, il est opposé aux opérations d’extraction du gaz de schiste par fractura‐ tion alors que la nouvelle pre‐ mière ministre Liz Truss est, elle, très pro-fracturation, sou‐ ligne Denis MacShane. Donc, est-ce qu’on va avoir un petit tête-à-tête entre le nouveau chef du gouvernement et le nouveau roi? Ce sera intéres‐ sant à découvrir.
Oui, il y aura probable‐ ment des désaccords, mais il ne faut pas exagérer. C’est le gouvernement élu qui décide ici de la politique et à moins d’un changement de gouver‐ nement, c’est la position de Mme Truss qui va prévaloir, rappelle l’ancien ministre bri‐ tannique des Affaires euro‐ péennes.
En ce qui a trait à la popu‐ larité défaillante du nouveau souverain, M. MacShane rap‐ pelle que la reine Élisabeth II n'a pas toujours été populaire non plus, notamment à la suite du décès de la princesse Diana, a-t-il rappelé, et l’insti‐ tution a tout de même survé‐ cu.
Le prince Charles arrive [sur le trône] avec une partie de la population [...] qui lui re‐ proche son comportement envers la princesse Diana [...] Les rapports qu’il a avec les riches milliardaires arabes [monarchies du Golfe], à qui il demande de l’argent pour ses oeuvres charitables, ce n'est pas absolument correct non plus aux yeux du public, rap‐ pelle M. MacShane.
Dans le premier discours qu'il a prononcé vendredi à titre de roi, Charles III a no‐ tamment mentionné qu'il ne serait plus possible pour lui désormais de se consacrer aux oeuvres caritatives aux‐ quelles il consacrait son temps.
Le royaume dans la tem‐ pête
Le défi auquel fait face l’An‐ gleterre et le Royaume-Uni, c’est d’abord de garder le Royaume-Uni uni, car les Écossais veulent quitter, se séparer grâce au Brexit […] et le roi ne peut rien faire contre ça, estime Denis MacShane.
Il y a un problème énorme avec l’économie, l’inflation qui monte maintenant à 11 % et 12 %, des milliers de foyers qui sont sous le seuil de la pauvreté. Il y a un problème avec le prix de l’électricité, la guerre en Ukraine, une police très critiquée pour son ra‐ cisme et son sexisme…
Il y a deux jours, mardi, Ip‐ sos a publié ici un grand son‐ dage où 69 % des Britan‐ niques pensent que le pays est en déclin. […] Ça, c’est le problème et ce n’est pas le roi qui est très âgé qui va ré‐ soudre tout ça.