Sport électronique : de championne du monde à chargée de cours à l’UQTR
Les étudiants inscrits au microprogramme en déve‐ loppement du sport élec‐ tronique de l’Université du Québec à Trois-Rivières re‐ cevront leurs leçons d’une championne du monde de jeux vidéo. Stéphanie Har‐ vey ajoute la fonction de chargée de cours à un cur‐ riculum vitae des plus aty‐ piques.
Bachelière internationale en architecture, gagnante de la deuxième saison de la téléréalité Big Brothers Célébrités et écrivaine, la trentenaire a porté plusieurs chapeaux dans sa vie, mais elle est sur‐ tout reconnue sous le pseu‐ donyme de missharvey.
Dans l’univers du sport électronique, on peut même accoler au nom de cette an‐ cienne joueuse profession‐ nelle la distinction de célébrité internationale. Cinq fois championne du monde du jeu vidéo de tir CounterStrike, elle est aujourd’hui di‐ rectrice du développement de la franchise de sport électro‐ nique pour la division Coun‐ ter Logic Gaming de l’entre‐ prise américaine Madison Square Garden Company.
C’est cette expertise qu’elle vient partager avec la tren‐ taine d’étudiants rassemblés dans une classe du pavillon Albert-Tessier, et en ligne, jeu‐ di, lors du premier cours de la session.
Je suis vraiment fébrile, mais c’est quelque chose que je voulais faire dans ma car‐ rière, redonner au sport élec‐ tronique , raconte-t-elle.
Le cours qu’elle anime, En‐ jeux éthiques, santé et bienêtre en sport électronique, est le deuxième offert dans le cadre d’un nouveau micropro‐ gramme en développement du sport électronique lancé cet été, une formation à la‐ quelle elle a grandement contribué.
Cette thématique résonne fort dans la vie de celle qui est devenue porte-parole du pro‐ gramme.
J'ai été pris dans cet engre‐ nage de manque de soutien, dans ma carrière, aussi en tant que femme dans un do‐ maine d'hommes. Ce do‐ maine se démocratise, de‐ vient de plus en plus gros, on parle de milliards de per‐ sonnes sur la planète qui jouent à des jeux vidéo. Com‐ ment on fait pour améliorer les choses pour notre pro‐ chain? , questionne l’ancienne joueuse professionnelle.
Exclusif à l’UQTR, le pro‐ gramme de premier cycle de 15 crédits est offert à temps partiel, à raison d’un cours par session. Visiblement, cette offre universitaire arrive à point nommé.
Au Québec, 85 % des jeunes de moins de 18 ans jouent à des jeux vidéo, pré‐ cise le responsable du déve‐ loppement du sport électro‐ nique à l’UQTR, Benoit Tellier. On fait de belles choses déjà dans la province, mais au ni‐ veau de l’encadrement, il y a du travail à faire. C’est pour outiller nos étudiants sur des notions comme le développe‐ ment sain et l’éthique que le microprogramme a été bâti.
Et les étudiants sont au rendez-vous. Ils proviennent de plusieurs villes différentes et gravitent dans l’industrie. Andy Bonin est parti de Jo‐ liette pour assister au premier cours. Il est venu parfaire ses connaissances pour bonifier ses capacités d’entraîneur au‐ près d’équipes de sport élec‐ tronique au secondaire et au collégial.
Alysson Gince, elle, a fait la route depuis Granby pour être présente. En plus d’être propriétaire d’un salon de jeux, elle offre du soutien en persévérance scolaire à des jeunes, par le jeu vidéo. L’éthique l’intéresse particuliè‐ rement : Il y a beaucoup d'en‐ jeux, et des enjeux qui peuvent faire peur aux gens. Mais plus on va pouvoir les démystifier, les encadrer, plus on va pouvoir ouvrir des portes.
L’UQTR est satisfaite du nombre d’inscriptions. Pour un nouveau cours, dans un nouveau domaine, c’est une participation qui dépasse pra‐ tiquement du double nos at‐ tentes , renchérit Benoit Tel‐ lier.
L’expérience de Stéphanie Harvey est certes un atout. Pour tous nos projets en cours, son expertise est très importante. Au niveau de la
place des femmes et de l'in‐ clusivité dans le domaine du sport électronique, Stéphanie est très importante et le fait qu'elle ait accepté de donner ce cours-là, c'est du bonbon pour nous, on est vraiment content de l'avoir , poursuit celui qui a également collabo‐ ré à l’élaboration du nouveau programme.
À 36 ans, l’ancienne cham‐ pionne, qui est aussi consul‐ tante au forum du développe‐ ment du sport électrique du Comité international olym‐ pique, a consacré plus de la moitié de sa vie au sport élec‐ tronique : 20 ans à jouer et à développer pour cette indus‐ trie où les femmes sont en‐ core peu nombreuses.
La native de Québec en‐ tend continuer à militer en fa‐ veur de l’encadrement de son sport, parce que oui, elle dé‐ fend ardemment le titre d’ath‐ lète associé à cet univers qui rejoint près de trois milliards d’adeptes, partout sur le globe. Elle partagera d’ailleurs son mode de vie dans le livre missharvey gameuse et fière de l’être qui doit paraître dans les prochains jours.
Aux yeux de Stéphanie Harvey, l’avenir du sport élec‐ tronique passe par l’éducation et la sensibilisation à diffé‐ rents enjeux, comme la sé‐ dentarité, la cyberdépen‐ dance, la violence dans les communautés virtuelles et la place des femmes dans le sport électronique. De grandes questions qui sont justement abordées dans le cours qu’elle offre cet au‐ tomne, dans l'objectif de faire du Québec une référence.
Peut-être qu'ils auront ap‐ pris des choses, qu'ils vont développer leur esprit critique et vont se dire : moi, j'ai la possibilité de faire quelque chose, parce que je pense que pour notre cybercitoyenneté, on est tous responsables de faire changer les choses.
Le microprogramme est la première étape du volet sport électronique à l’UQTR, qui nourrit de grandes ambitions, autant en recherche, qu’en encadrement et en dévelop‐ pement d’équipes de joueurs.
À lire et à écouter :
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