Immigration : le modèle d’intégration de Chantiers Chibougamau
Il y a environ 7500 âmes qui vivent à Chibougamau. Des Cris, des Inuits, des Jamé‐ siens, des Allochtones et maintenant des Philippins. L’entreprise de transforma‐ tion de bois Chantiers Chi‐ bougamau est un des prin‐ cipaux employeurs de la ville. Comme dans la majo‐ rité des entreprises au Québec actuellement, il manque de main-d'oeuvre.
L’immigration est donc de‐ venue essentielle à la survie de l’entreprise et ce sont sur‐ tout des Philippins qui viennent s’établir dans cette région nordique, explique Fré‐ déric Verreault, directeur exé‐ cutif au développement cor‐ poratif chez Chantiers Chi‐ bougamau.
Ils ont des compétences industrielles, manufacturières et technologiques aux Philip‐ pines. Ils ont aussi des com‐ pétences en produits fores‐ tiers et pâtes et papier. Et un bassin démographique extra‐ ordinaire, énumère M. Ver‐ reault.
Cependant, pour les ame‐ ner dans cette usine à la fine pointe de la technologie, c’est le parcours du combattant. Une fois l’employé sélectionné à l’étranger, il peut s’écouler des mois avant son arrivée.
On était absolument dé‐ couragé des délais et on a dé‐ cidé de faire contre mauvaise fortune, bon coeur, convient le directeur au développe‐ ment corporatif.
Après avoir sélectionné un nouvel employé et en atten‐ dant de remplir les dédales administratifs, Chantiers Chi‐ bougamau offre un salaire équivalent au travailleur même s’il est toujours aux Philippines. On va lui offrir des cours de français du lundi au vendredi du matin au soir à temps plein avec son plein sa‐ laire pour le préparer à son ar‐ rivée ici, à son enracinement au sein de la communauté et à son milieu de travail, détaille Frédéric Verreault.
Une pratique coûteuse pour l’entreprise qui dépense des dizaines de milliers de dol‐ lars avant même que l'em‐ ployé ait travaillé une minute au sein de l'entreprise. Un moindre mal, selon le direc‐ teur exécutif au développe‐ ment corporatif.
C’est exigeant, c’est long, c’est imparfait. Et le travail n’est pas terminé à leur arri‐ vée ici. Mais au moins, on aug‐ mente les chances de succès pour leur intégration dans la communauté.
Frédéric Verreault, direc‐ teur exécutif au développe‐ ment corporatif chez Chan‐ tiers Chibougamau
Francisation en commu‐ nauté
Malgré les efforts déployés en amont par l'employeur et les futurs employés, ce n’est pas suffisant. Il y en a qui ar‐ rivent avec un meilleur fran‐ çais que d’autres, lance le pré‐ sident David Morin, vice-pré‐ sident de la section locale du syndicat de Métallos.
Les cours de français se poursuivent donc à l'arrivée des Philippins dans la com‐ munauté, en partenariat avec l’entreprise. Pas question de jeter l’éponge. La francisation demeure une préoccupation. Est-ce qu’on a une baguette magique pour y arriver? En 6 mois? En 18 mois? Non. C’est un travail de longue ha‐ leine. Il ne faut pas qu’on jette le bébé avec l’eau du bain pour ces hommes et ces femmes qui choisissent de ve‐ nir aider le Québec, affirme Frédéric Verreault.
Alors que la caravane de Québec Solidaire était de pas‐ sage à l’usine plus tôt cette se‐ maine, la question de la fran‐ cisation en entreprise a été soulevée. Le parti veut sur‐ tout investir pour franciser en milieu de travail. Frédéric Ver‐ reault n’est pas contre. Toutes les idées sont valables. Le livre d’instruction de la francisation parfaite n’existe pas. On le dé‐ veloppe collectivement.
Un nouveau quartier construit par l’employeur
Le manque de logements est un autre des enjeux de la campagne électorale et Chi‐ bougamau n’y échappe pas.
Afin de réussir à loger les travailleurs et leur famille, Chantiers Chibougamau a dé‐ cidé de construire un quartier complet. Un boom démogra‐ phique de 50-100 personnes vient absolument déséquili‐ brer l’offre et la demande de logements ici, indique Frédé‐ ric Verreault.
Il a fallu trouver une solu‐ tion hors des sentiers battus. Le directeur exécutif au déve‐ loppement corporatif chez Chantiers Chibougamau ex‐ plique qu’une trentaine de maisons dont la construction doit débuter dans les pro‐ chaines semaines seront des‐ tinées à l’accueil des familles de ces travailleurs. Ici, on a pris le taureau par les cornes pour s’assurer qu'on ne manque pas de logements, se réjouit Manon Cyr, mairesse de Chibougamau.
Moins de paperasse : la priorité
Nombreux sont les tra‐ vailleurs de l’usine qui s’in‐ quiètent en raison du retard dans le renouvellement des permis de travail. L’immigra‐ tion au Québec, on en rajoute une couche. Je pense que c’est plus lourd que dans les autres provinces, confie le représen‐ tant syndical David Morin.
C’est aussi à cet enjeu de bureaucratie que le prochain gouvernement devra s’atta‐ quer. Chantiers Chibougamau déplore justement la lenteur pour rapatrier les familles des candidats sélectionnés.
On n’achète pas des ro‐ bots. On convainc des hu‐ mains qui vivent à des milliers de kilomètres de choisir de venir soutenir la vitalité de l’économie au Québec. C’est un choix qui est extrêmement digne et qu’on doit apprécier à sa juste mesure. Là où c’est regrettable, c’est qu’au jour un, nous on demanderait pas mieux que les familles s’en viennent.
Frédéric Verreault, direc‐ teur exécutif au développe‐ ment corporatif chez Chan‐ tiers Chibougamau
D’autant plus que toutes ces démarches d’intégration portent leurs fruits. Depuis quatre ans, le taux de réten‐ tion des nouveaux arrivants est de 98 %, soutient M. Ver‐ reault. Évidemment, ce ne sont pas toutes les entre‐ prises qui ont les moyens d’en offrir autant et il y a encore beaucoup à faire. La mairesse Manon Cyr trouve néanmoins qu’en matière d’intégration, l’exemple de Chibougamau, bien qu’imparfait, est valable.
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