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Antipsycho­tiques sans diagnostic pour près de 25 % des aînés en résidence à Winnipeg

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Des médicament­s antipsy‐ chotiques sont prescrits de plus en plus fréquemmen­t aux résidents de foyers de soins à Winnipeg.

Dans les trois premiers mois de 2022, plus de 23 % d'entre eux se sont vu pres‐ crire des antipsycho­tiques sans diagnostic de psychose, selon l'Office régional de la santé de Winnipeg (ORSW).

Militante pour les droits des aînés manitobain­s et an‐ cienne infirmière, Trish Raws‐ thorne a été témoin des effets de ces prescripti­ons sans diagnostic quand sa soeur a reçu une prescripti­on de ris‐ péridone.

Ce médicament sert sur‐ tout à traiter les psychoses causées par une schizophré‐ nie ou un trouble bipolaire. Dans le cas de sa soeur, Linda, le médicament était utilisé pour traiter l'anxiété liée à une démence, causée par des commotions cérébrales plus tôt dans sa vie.

Quand elle prenait ce mé‐ dicament, elle devenait très nerveuse. Elle ne comprenait pas trop ce qui se passait. Elle ne pouvait plus parler [...] Elle ne pouvait plus manger nor‐ malement, se rappelle Mme Rawsthorne.

Quand Linda Rawsthorne a emménagé au foyer Miseri‐ cordia Place en 2013, Trish Rawsthorne a entrepris que sa soeur arrête de prendre de la rispéridon­e.

Je voulais qu'elle puisse vivre aussi normalemen­t que possible et qu'elle garde les souvenirs qui lui restaient.

Trish Rawsthorne, mili‐ tante pour les droits des aînés manitobain­s et ancienne infir‐ mière

Trish Rawsthorne a réussi à démontrer au médecin de sa soeur les effets qu'avait le médicament sur elle. Le mé‐ decin a alors accepté d'arrêter la prescripti­on. Elle est rede‐ venue elle-même, se souvient la militante.

Cependant, si elle n'avait pas insisté, Mme Rawsthorne croit que sa soeur aurait conti‐ nué de prendre de la rispéri‐ done.

Linda Rawsthorne est dé‐ cédée en 2019, mais au moins il y avait des moments où elle se souvenait de qui j'étais, de sa famille et où elle était heu‐ reuse.

Un usage répandu

Selon l'OSRW, 15 des 38 foyers de soins à Winnipeg ont prescrit des antipsycho‐ tiques à leurs résidents dans une proportion plus forte que la moyenne nationale, qui est de 22 %, pour les trois pre‐ miers mois de 2022. Sur ces foyers, 7 en ont prescrit à 30 % ou plus.

Les risques d'utiliser des antipsycho­tiques chez des pa‐ tients âgés atteints de dé‐ mences incluent des pro‐ blèmes cardiovasc­ulaires et des infections qui peuvent mener au décès, selon Santé

Canada.

D'autres études ont aussi démontré des risques plus élevés de chutes et de frac‐ tures.

Le Dr Samir Sinha, direc‐ teur du départemen­t de gé‐ riatrie du réseau d'hôpitaux Sinai Health à Toronto, confirme que ces risques sont bel et bien réels.

C'est presque comme mettre une personne dans un état de zombie.

Samir Sinha, directeur du départemen­t de gériatrie du réseau d'hôpitaux Sinai Health à Toronto

Problème lié à la pénu‐ rie de personnel

Un porte-parole de l'OSRW confirme que la proportion de résidents de foyers de soins qui prennent des anti‐ psychotiqu­es sans diagnostic a augmenté et a atteint son plus haut point depuis 2015.

Selon le porte-parole, ces données ont donné une nou‐ velle perspectiv­e sur l'utilisa‐ tion de ces médicament­s dans les foyers. Il existe peutêtre d'autres options pour gé‐ rer les symptômes psycholo‐ giques et comporteme­ntaux de la démence, dit-il.

Une des raisons derrière cette augmentati­on notable serait davantage de nou‐ veaux résidents dans les foyers de soins, alors que leur capacité a été réduite par la pandémie de COVID-19.

Pour le Dr Sinha, cette aug‐ mentation peut être liée à des problèmes de personnel. C'est la raison pour laquelle cer‐ tains comporteme­nts sont plus difficiles à gérer [...] Avec le personnel suffisant, il n'y aurait pas de besoin pour ces médicament­s, soutient-il.

De son côté, le porte-pa‐ role de l'OSRW explique que la médication des résidents de foyers de soin est revue tous les trois mois. En ré‐ ponse à l'augmentati­on, ces révisions se concentren­t sur la dé-prescripti­on des médica‐ ments antipsycho­tiques et la possible réduction dans leur dosage.

Avec les informatio­ns de Kristin Annable

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