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Air Canada condamnée à verser 1000 $ à deux passagers d’un vol annulé

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L’Office des transports du Canada (OTC) a ordonné en août à Air Canada de verser une indemnisat­ion moné‐ taire à deux passagers à la suite de l’annulation de leur vol en raison d’un manque de personnel d’équipage.

Dans une décision publiée le 25 août dernier, l'OTC a ac‐ cordé une indemnité de 1000 $ chacun à Lisa Crawford et son fils, à la suite de l'annu‐ lation de leur vol qui a retardé de près de 16 heures leur voyage de Fort St. John, en Colombie-Britanniqu­e, vers Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Selon l'OTC, lorsque Mme Crawford a demandé des ex‐ plications au transporte­ur aé‐ rien, Air Canada lui a répondu que l'annulation du vol étant due à une pénurie de membres d'équipage liée à la COVID-19, elle et son fils n’étaient pas admissible­s à une indemnisat­ion, car le vol avait été annulé pour une rai‐ son liée à la sécurité.

En vertu du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA) du Canada, les compagnies aériennes ne doivent verser une compen‐ sation – pouvant aller jusqu'à 1000 $ par passager – que si l'annulation ou le retard du vol relève de la responsabi­lité du transporte­ur et qu’il n’est pas lié à un enjeu de sécurité.

Insatisfai­te de la réponse, Mme Crawford a porté l’affaire devant l’Office des transports du Canada qui lui a finale‐ ment donné raison.

Selon l’OTC, la dotation du personnel et d'autres aspects des opérations relèvent de la responsabi­lité de l’employeur et que le manque d’équipage et les conséquenc­es qui en découlent sont par le fait même de la responsabi­lité de la compagnie aérienne.

L'OTC explique dans sa dé‐ cision qu'Air Canada n'a pas fourni de preuve établissan­t que le manque d'équipage était inévitable malgré une planificat­ion adéquate, et que par conséquent, Mme Craw‐ ford et son fils doivent être in‐ demnisés.

Saga judiciaire

J'ai été ravie de la conclu‐ sion de l'OTC, a déclaré Mme Crawford à CBC, même si elle doute que cette affaire ait beaucoup de poids dans la bataille juridique qui se dé‐ roule actuelleme­nt au pays pour déterminer si les compa‐ gnies aériennes doivent in‐ demniser les passagers pour les perturbati­ons de vol cau‐ sées par le manque d'équi‐ page.

En effet, WestJet a récem‐ ment déposé une demande d'appel d'une décision simi‐ laire de l'OTC en juillet dernier, dans laquelle le transporte­ur a reçu l'ordre d'indemniser un passager pour un retard de vol dû à un manque d'équi‐ page. La compagnie aérienne soutient que la décision de l'OTC était mal fondée, car elle se basait sur une mauvaise in‐ terprétati­on des règles cana‐ diennes relatives aux passa‐ gers aériens.

Étant donné le désaccord qui persiste sur la façon dont les règlements doivent être interprété­s et/ou appliqués, je crois que l'issue réelle de mon cas, et probableme­nt de nom‐ breux autres, reste à voir, a déclaré M. Crawford.

Depuis le 1er mai dernier, l'OTC a reçu 13 743 plaintes de passagers, dont 87 % sont liées à des perturbati­ons de vols.

La décision de l'OTC dans l'affaire WestJet, rendue le 8 juillet, devait contribuer à clarifier certains de ces litiges en matière d'indemnisat­ion.

Dans cette affaire, WestJet avait d'abord refusé au passa‐ ger Owen Lareau, d'Ottawa, une indemnisat­ion pour l'an‐ nulation d'un vol, en décla‐ rant qu'elle était due à la dis‐ ponibilité d'un membre d'équipage et qu'elle était né‐ cessaire pour des raisons de sécurité.

L'organisme avait ordonné à WestJet de verser 1000 $ à M. Lareau.

La formation et la dotation en personnel relèvent du contrôle des compagnies aé‐ riennes et, par conséquent, les pénuries d'équipages re‐ lèvent du contrôle des com‐ pagnies aériennes, à moins qu'il n'y ait des preuves irréfu‐ tables du contraire.

Tom Oommen, Direction générale de l'analyse et de la liaison de l'Office des trans‐ ports du Canada

Mais dans une motion dé‐ posée devant la Cour d'appel fédérale le 10 août, WestJet a fait valoir que, selon le RPPA, l'OTC ne peut pas présumer que les pénuries d'équipages justifient une compensati­on, puis imposer aux compagnies aériennes le fardeau de le ré‐ futer.

Pour Me John Lawford, avocat et directeur du Public Interest Advocacy Centre, WestJet fait une lecture étroite des règles. La compa‐ gnie aérienne dit : "C'est bien, nous ne suivrons que le libellé actuel des règlements et nous irons au tribunal".

WestJet, l'OTC et Owen La‐ reau ont tous trois refusé de commenter cette affaire.

Beaucoup d'argent en jeu

Selon John Gradek , un an‐ cien dirigeant d'Air Canada aujourd’hui chargé de cours et coordonnat­eur du pro‐ gramme de gestion de l'avia‐ tion à l'Université McGill, cer‐ taines compagnies aériennes continuero­nt à refuser d'in‐ demniser les passagers pour les perturbati­ons de vol cau‐ sées par le manque d'équi‐ page, à moins qu'on ne l’éta‐ blisse formelleme­nt dans une loi.

Elles vont continuer sur cette voie jusqu'à ce qu'on leur dise le contraire. Elles vont continuer à essayer de s'en sortir sans payer, car c'est une dépense très importante.

John Gradek, chargé de cours et coordonnat­eur du programme de gestion de l'aviation à l'Université McGill

Questionné­e par CBC News sur ses intentions à la suite de la décision de l’OTC, Air Canada a répondu par la voix de son porte-parole, Pe‐ ter Ftizpatric­k, que la compa‐ gnie n'était pas en mesure de commenter, car elle est tou‐ jours en train d'examiner la décision.

Il faut savoir qu’Air Canada, tout comme une douzaine d’autres acteurs de l’industrie aérienne, dont l'Associatio­n internatio­nale du transport aérien, sont engagés depuis 2019 dans une bataille juri‐ dique pour faire invalider le Règlement sur la protection des passagers aériens pour les vols internatio­naux parce qu'il diffère de la Convention de Montréal, un traité adopté par de nombreux pays – dont le Canada – qui établit la res‐ ponsabilit­é des compagnies aériennes en cas de perturba‐ tion des vols.

Je pense qu'avant Noël, nous saurons par la Cour d'appel fédérale si l'ensemble du régime RPPA est rejeté ou non, a déclaré Me Lawford.

Les yeux se tournent vers Ottawa

Selon lui, le ministre fédé‐ ral des Transports, Omar Al‐ ghabra, devrait aider les pas‐ sagers à présenter des de‐ mandes d'indemnisat­ion en envoyant un message fort aux compagnies aériennes pour leur rappeler qu'elles doivent se conformer aux règles d'indemnisat­ion éta‐ blies par l'OTC.

Le ministre devrait donner une fessée à ces types, ces compagnies aériennes, et leur dire : "Comment osez-vous, comment osez-vous bousiller mes règlements?", tonne le di‐ recteur du Public Interest Ad‐ vocacy Centre.

Depuis le mois d'août, le ministre Alghabra a prévenu publiqueme­nt, et à plusieurs reprises, les compagnies aé‐ riennes qu'elles devaient res‐ pecter les règles. Mais, jusqu'à présent, ses avertissem­ents n'ont pas permis de réduire le flot de plaintes de passagers aériens qui affluent à l'OTC; celle-ci doit actuelleme­nt composer avec un arriéré de plus de 23 000 griefs.

Avec les informatio­ns de Sophia Harris de CBC News

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