Les boissons végétales : des produits ultratransformés?
« Les boissons végétales, il ne faut pas que ça soit le centre ou la base de notre alimentation. C'est pra‐ tique pour remplacer le lait et les produits laitiers dans notre alimentation », explique la nutritionniste Anne-Marie Roy. Ces bois‐ sons sont appréciées pour leur praticité, mais sontelles santé?
Une étude sur près de 650 boissons végétales a été menée par Adam Drewnows‐ ki, professeur en épidémiolo‐ gie à l'Université de Washing‐ ton. D'un côté, ce sont des boissons avec un certain inté‐ rêt nutritionnel. Et de l'autre côté, c'est sûr que ce sont des boissons ultratransformées par l'industrie. Alors que faire? se questionne-t-il.
Des produits classés ul‐ tratransformés
Le système brésilien NO‐ VA, reconnu internationale‐ ment et utilisé par des ins‐ tances de santé publique, évalue les aliments selon leur degré de transformation. Les boissons végétales ont été classées par ce système comme des produits ultra‐ transformés, et donc dans la même catégorie que les frites, les hamburgers ou les frian‐ dises.
Les boissons végétales contiennent en général de très longues listes d’ingré‐ dients. Ces boissons peuvent par exemple contenir des iso‐ lats de concentrés de pro‐ téines pour améliorer leur taux en protéines, mais aussi du sucre, des gras, des gommes, des vitamines, des agents de conservation et des rehausseurs de goût.
La nutritionniste Anne-Ma‐ rie Roy met un bémol sur l’ap‐ proche NOVA, puisque cette dernière classe dans la caté‐ gorie des ultratransformés tous produits contenant des additifs. Mais on ne fait pas la différence entre les additifs qui sont inoffensifs et les ad‐ ditifs qui sont dangereux. Si
on avait mis du polysor‐ bate 60 dans les boissons vé‐ gétales, j'aurais dit attention. [...] Mais on ajoute par exemple de la lécithine de so‐ ja ou de la lécithine de tourne‐ sol, qui est un additif qui n'est pas classé dangereux.
Les produits végétaux sont-ils la solution?
Pour Michel Lucas, doc‐ teur en épidémiologie nutri‐ tionnelle à l’Université Laval, si les boissons végétales bénéfi‐ cient actuellement de l’aura de la science sur les produits végétaux, ces produits res‐ tent ultratransformés et su‐ crés. Il estime par ailleurs qu’on en demande beaucoup à un simple liquide.
On a tendance chez l'hu‐ main à tout mettre sous forme liquide parce que ça va plus vite. On devrait peut-être manger la forme initiale, comme des légumineuses ou des noix, dit-il.
Michel Lucas va même jus‐ qu’à se demander pourquoi tant de gens veulent une boisson qui, pour imiter le lait, doit être autant transformée. Le régime végétal n’est pas la solution pour ce chercheur.
Ce n'est pas le modèle ali‐ mentaire le plus santé. L'ali‐ mentation méditerranéenne ou l'alimentation japonaise ont très bien montré que le véganisme, ce n'était pas le ré‐ gime supérieur au niveau pla‐ nétaire. Il y a plein d'autres modèles alimentaires.
Michel Lucas, docteur en épidémiologie nutritionnelle, Université Laval
Les ventes de boissons vé‐ gétales augmentent annuelle‐ ment de 33 % depuis cinq ans. C'est une mode, ajoute l’épi‐ démiologiste. C'est l'aura des produits végétaux qui fait en sorte que les gens se tournent vers ça. Il y a une offre et, des fois, ces produits sont moins chers. Le pro‐ blème, c'est que les gens ne goûtent pas vraiment ce pro‐ duit parce qu'on y ajoute beaucoup de sucre.
Il faut être réaliste. Il faut offrir une alternative aux gens qui veulent éliminer les pro‐ duits laitiers. Si on prend une boisson végétale de bonne qualité, je pense que c'est un aliment qui fait vraiment par‐ tie d'une alimentation saine, explique de son côté la nutri‐ tionniste Anne-Marie Roy.
Des produits plus inté‐ ressants que d’autres
Nos experts s'entendent tout de même pour dire qu’il y a des produits plus intéres‐ sants que d’autres sur le mar‐ ché.
Si on prend une boisson, par exemple de soja, qui est une légumineuse, c'est quand même très complet. Comme aliment, il y a beaucoup de protéines, de nutriments, de vitamines, de minéraux. C'est sûr qu'on a ajouté certaines choses en termes de quantité de calcium pour équivaloir au lait de vache, explique AnneMarie Roy.
Certaines boissons qui tentent d’imiter la texture et le goût du lait, et qui ont de l’eau et de l’huile comme pre‐ miers ingrédients, sont moins intéressantes, selon la nutri‐ tionniste.
Sans grande surprise, les boissons aromatisées à la va‐ nille, à la fraise ou au chocolat sont aussi plus sucrées que les boissons originales.
Mon premier choix, ça se‐ rait une boisson de soja qui est enrichie et qui est le plus possible sans sucre et qui est produite le plus localement possible, explique la nutrition‐ niste Anne-Marie Roy.
Sinon, une façon d’éviter les additifs est de faire ces boissons soi-même à la mai‐ son, à base de chanvre ou d’amandes. Plusieurs recettes sont disponibles sur le web.
Un produit végétal [...], si on n'a pas d'émulsifiants, si on n’a pas trop de sucre, c'est une bonne alternative aux produits laitiers pour les gens qui n'en veulent pas ou qui ne peuvent tout simplement pas en boire, conclut l’épidémiolo‐ giste Michel Lucas.
Le reportage de Johane Despins et Caroline Gagnon sur les laits végétaux est diffu‐ sé à l’émission L’épicerie mer‐ credi à 19 h 30 sur ICI TÉLÉ.
Avec les informations d’Annette Gonthier et Johane Despins
Département de marketing à l’Université Laval, Jessica Dar‐ veau, qualifie notre dépen‐ dance au plastique de très grande. Mais ce problème n’est pas sans issue : elle cite l’exemple des sacs de plas‐ tique à usage unique, qui sont de moins en moins utilisés dans les épiceries. Au début, ça a été difficile pour les gens, mais ça s’est fait malgré les ha‐ bitudes bien ancrées.
Au sujet des emballages, la professeure évoque le cas de la compagnie Dove, qui offre à ses clients des recharges pour ses déodorants, mais en ligne seulement. Selon elle, cette démarche est louable sans être aboutie. Ça a pour effet d’augmenter les déplace‐ ments des camions de livrai‐ son, explique-t-elle. Le mou‐ vement Zéro déchet, c’est aussi favoriser les achats dans le moins d’endroits ou de commerces possible. Cela étant dit, j’hésite à tirer à bou‐ lets rouges sur ce genre d’ini‐ tiatives parce que les entre‐ prises sont en période de transition. C’est déjà un effort appréciable.
Julie Ramos croit aussi qu’à court et à moyen terme, les gros joueurs de l’industrie de‐ vront faire le virage vers des emballages écoresponsables.
Les milléniaux et la généra‐ tion Z sont plus écoanxieux et ils veulent des produits verts. Le marché va changer.
Julie Ramos
Jessica Darveau renchérit. Les entreprises marchent sur des oeufs. Les consomma‐ teurs les critiquent sur les ré‐ seaux sociaux. Ils veulent des gestes concrets pour la pla‐ nète, des résultats. Et le public en général est aussi mieux in‐ formé sur la question.
D’autres pressions s’ajoutent : Les règlements municipaux, les lois provin‐ ciales et fédérales poussent également les acteurs du mi‐ lieu à changer leur emballage, signale Philippe Cantin, viceprésident aux Affaires pu‐ bliques et aux Relations gou‐ vernementales à Éco Entre‐ prises Québec. L’organisme à but non lucratif représente les entreprises qui mettent sur le marché québécois des conte‐ nants, des emballages et des imprimés, et qui financent les coûts des services munici‐ paux de collecte sélective.
La Loi fédérale interdisant la vente de certains articles en plastique à usage unique, qui doit entrer en vigueur en dé‐ cembre 2023, en est une. Le Pacte canadien sur les plas‐ tiques est une autre initiative qui va dans le bon sens, selon lui. Ce pacte rassemble des entreprises, des gouverne‐ ments et d’autres organisa‐ tions qui travaillent à faire en sorte que les déchets de plas‐ tique soient réintégrés dans la chaîne de production, dans une logique d’économie circu‐ laire, plutôt que d'être rejetés dans l’environnement.
Dans le cas des sacs et des pellicules de plastique, Phi‐ lippe Cantin observe une nette réduction des tonnages déclarés en 2021 par les entre‐ prises, comparativement à 2020. Selon les données dont il dispose, il y a eu une baisse de 1000 tonnes de plastique en un an, sur les 8000 tonnes déclarées par les entreprises.
Ça, c’est positif. Mille tonnes, ça ne semble pas beaucoup, mais ça prend beaucoup de sacs pour faire 1000 tonnes.
Philippe Cantin Il mentionne aussi le nou‐ veau règlement sur la Res‐ ponsabilité élargie des pro‐ ducteurs (REP), entré en vi‐ gueur au Québec le 7 juillet dernier, qui vise les conte‐ nants et emballages imprimés qui se retrouvent dans la col‐ lecte sélective.
Dans les prochaines an‐ nées, une transition impor‐ tante s’opérera : la responsa‐ bilité de la gestion de la col‐ lecte, du tri et du recyclage passera des municipalités aux entreprises, explique Philippe Cantin d’Éco Entreprises Qué‐ bec.
Ça va amener toutes sortes d'exigences plus éle‐ vées pour les entreprises en termes de traçabilité, de taux de recyclage minimum et de taux de recyclage local de leurs produits. C’est un gros changement. Ça va donner de nouveaux leviers et des outils d’intervention que les munici‐ palités n’avaient pas avant in‐ dividuellement, explique Phi‐ lippe Cantin.
Au chapitre des initiatives moins heureuses, Philippe Cantin cite le cas d’entreprises qui, en pensant bien faire, cèdent aux chants des sirènes marketing en optant pour des matières qui ne sont pas né‐ cessairement mieux pour l'en‐ vironnement, comme les plas‐ tiques compostables et bio‐ dégradables.
Il explique qu’en général, au Québec et au Canada, ces types de plastique ne sont pas compostés parce que les centres de compostage ne sont pas équipés pour les trai‐ ter. Ils finissent leur vie à l'en‐ fouissement ou contaminent des matières recyclées, ce qui contribue à déprécier leur va‐ leur sur les marchés.
À cet effet, Éco Entreprises Québec offre des services d’accompagnement aux com‐ pagnies pour les guider vers le juste emballage : un embal‐ lage qui demeure fonctionnel tout en ayant une faible em‐ preinte sur l’environnement.