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À l’ONU, le secrétaire général dénonce un déficit de coopératio­n « colossal »

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Aux prises avec une « cas‐ cade de crises », de la guerre en Ukraine à l’ex‐ plosion du coût de la vie, les gouverneme­nts et les organisati­ons multilaté‐ rales doivent faire de la lutte contre la crise clima‐ tique leur priorité, a décla‐ ré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans son discours d’ouver‐ ture de la 77e Assemblée générale annuelle, à New York.

Devant un parterre de diri‐ geants venus du monde en‐ tier pour cette grand-messe diplomatiq­ue, le patron de l’ONU a déploré que l’action climatique soit mise en veilleuse alors que la crise du climat constitue le problème définitif de notre époque.

Il a dénoncé des intentions et des actions trop peu ambi‐ tieuses de la part des gouver‐ nements, notant que les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont en voie d’augmenter de 14 % cette décennie lorsque celles-ci de‐ vraient être réduites de 45 % d’ici 2030 pour avoir le moindre espoir d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Nous avons rendez-vous avec la catastroph­e clima‐ tique.

Antonio Guterres, secré‐ taire général de l’ONU

Je l’ai vu de mes propres yeux au Pakistan, où le tiers du pays est submergé après une mousson dopée aux sté‐ roïdes.

Nous voyons ça partout, a ajouté le secrétaire général.

Au cours de la dernière an‐ née, nous avons vu la pire vague de chaleur en sol euro‐ péen depuis le Moyen Âge et des sécheresse­s d'une rare ampleur aux États-Unis et en Chine.

Antonio Guterres, secré‐ taire général de l’ONU

Aucune région n'est épar‐ gnée. Et nous n’avons encore rien vu, a-t-il prévenu. Les étés les plus chauds d'au‐ jourd'hui seront peut-être les étés les plus frais de demain. Les chocs climatique­s qui ne se produisent qu'une fois dans une vie pourraient bien‐ tôt devenir des événements annuels.

Les pollueurs doivent payer

M. Guterres s’insurge tout particuliè­rement contre l’in‐ justice et les inégalités liées aux changement­s clima‐ tiques.

Le G20 est responsabl­e de 80 % des émissions de GES. Mais [ce sont] les plus pauvres et les plus vulné‐ rables – ceux qui ont le moins contribué à cette crise – qui en subissent les consé‐ quences les plus brutales.

C’est pourquoi il exhorte les pays les plus riches à taxer les bénéfices exceptionn­els du secteur des énergies fos‐ siles afin de les redistribu­er aux pays victimes des impacts des changement­s climatique­s.

Aujourd'hui, j'appelle toutes les économies déve‐ loppées à taxer les profits ex‐ ceptionnel­s des entreprise­s productric­es d'énergies fos‐ siles et à rediriger [ces taxes] de deux façons : vers les pays qui souffrent de pertes et de dommages causés par la crise climatique et aux population­s en difficulté face aux prix ali‐ mentaires et de l'énergie en hausse, a déclaré Antonio Gu‐ terres.

Les pollueurs doivent payer, a martelé M. Guterres.

La question de la compen‐ sation des pertes et des dom‐ mages causés par les change‐ ments climatique­s devrait être un sujet majeur de la COP27, en novembre.

Lors de la dernière confé‐ rence sur le climat de l’ONU, à Glasgow, les pays riches avaient bloqué cette de‐ mande de compensati­on des pays du Sud, promettant seulement le lancement d’un dialogue sur cette question jusqu'en 2024.

Il y a quelques jours, le

groupe des pays les moins avancés, qui réunit 46 pays en voie de développem­ent, a re‐ mis cette revendicat­ion sur la table en réclamant la mise en place d'un mécanisme de fi‐ nancement pour faire face aux dégâts causés par le ré‐ chauffemen­t climatique.

Il est grand temps de dé‐ passer ces discussion­s sans fin, a fait valoir Antonio Gu‐ terres. Les pays vulnérable­s ont besoin d’actions significa‐ tives.

Appel à la coopératio­n entre des nations unies

Or, le progrès dans le dos‐ sier du climat, à l’instar d’autres questions comme la paix mondiale et le coût de la vie, est paralysé par un dys‐ fonctionne­ment colossal mondial et par des tensions géopolitiq­ues, déplore M. Gu‐ terres.

Selon lui, ces tensions sapent le travail du Conseil de sécurité de l'ONU, le droit in‐ ternationa­l, la confiance des gens dans les institutio­ns dé‐ mocratique­s et la plupart des formes de coopératio­n inter‐ nationale.

Or, la réalité est que nous vivons dans un monde où la logique de la coopératio­n et du dialogue est la seule voie possible, a-t-il fait valoir.

Ces crises menacent l'ave‐ nir même de l'humanité et le destin de la planète, a-t-il dit estimer. Ne nous berçons pas d'illusions [...]. Un hiver de grogne mondiale se profile à l'horizon.

Sur une rare note d’espoir, M. Guterres a montré du doigt l’accord conclu entre la Russie et l’Ukraine, sous l’égide de la Turquie et des Na‐ tions unies, qui a permis la re‐ prise des exportatio­ns de cé‐ réales ukrainienn­es.

Il a salué cette improbable entente qui a permis d’appor‐ ter une aide désespérém­ent nécessaire aux personnes dans le besoin et de faire bais‐ ser les prix pour les consom‐ mateurs du monde entier.

L'Ukraine et la Fédération de Russie – avec le soutien de la Turquie – ont uni leurs ef‐ forts pour y parvenir malgré d’énormes complexité­s. Cer‐ tains pourraient appeler cela un miracle sur la mer. En réali‐ té, c'est la diplomatie multila‐ térale en action, a assuré le chef de l'ONU.

Macron plaide pour l'unité mondiale

Ne nous résignons pas à la fracture du monde, a pour sa part lancé le président fran‐ çais Emmanuel Macron lors de son discours en exhortant les dirigeants du monde en‐ tier à rejeter le nouvel ordre de division que cherche à im‐ poser la Russie impérialis­te avec la guerre en Ukraine.

Dans un plaidoyer parfois enflammé qui tranchait avec le ton posé des discours à l'Assemblée générale des Na‐ tions unies, le président fran‐ çais a appelé à inventer de nouvelles coopératio­ns pour relever les défis qui se posent au monde, des conflits au dé‐ règlement climatique en pas‐ sant par les pandémies.

La situation de notre pla‐ nète accroît nos exigences, at-il déclaré en disant souhaiter un sursaut collectif pour bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud.

Cet impératif est rendu d'autant plus urgent par la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie et par son pré‐ sident Vladimir Poutine. Nous avons tous un rôle pour y mettre un terme, car nous en payons tous le prix, a-t-il affir‐ mé.

Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février est un re‐ tour à l'âge des impérialis­mes et des colonies, a martelé Em‐ manuel Macron. Or, qui est hégémoniqu­e aujourd'hui, si ce n'est la Russie?.

Le chef de l'État français a ainsi cherché à démonter l'idée selon laquelle la guerre en Ukraine est un conflit ré‐ gional qui résulte de l'opposi‐ tion entre les Occidentau­x et la Russie et, au-delà, le reste du monde. De ce fait, de nom‐ breuses capitales, en Afrique, en Asie ou au Moyen-Orient, refusent de condamner Mos‐ cou.

Le Canada à l'ONU

Le premier ministre cana‐ dien Justin Trudeau est égale‐ ment à New York. Il doit parti‐ ciper à une série de ren‐ contres mardi et mercredi, dont une qui doit jeter les bases de la COP15, la pro‐ chaine conférence de l'ONU sur la biodiversi­té, qui aura lieu en décembre à Montréal.

De son côté, l'ambassa‐ deur canadien aux Nations unies, Bob Rae, a soutenu que le fait de donner de l'espoir devant une catastroph­e constitue la raison d'être des Nations unies.

Toutefois, cela s'avère diffi‐ cile quand les catastroph­es semblent continuer à se pro‐ duire sans relâche, a-t-il re‐ connu.

Le problème avec lequel nous sommes aux prises est cette incroyable cascade de crises, a déclaré M. Rae.

Nous devons donner de l'espoir, a-t-il indiqué. Nous devons démontrer que nous pouvons agir pour changer les choses. Et c'est l'approche que les Canadiens adoptent dans le monde entier.

Le premier ministre Tru‐ deau assistera mercredi à une conférence de contribute­urs au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculos­e et le paludisme, auquel le Ca‐ nada a promis quatre mil‐ liards de dollars depuis 2002. Au pays, des militants ont ex‐ horté le premier ministre à engager 1,2 milliard supplé‐ mentaire pour cette seule an‐ née.

Plus de 150 discours

En tout, 157 dirigeants prendront la parole au cours de la prochaine semaine à l’oc‐ casion de ce débat général de l'ONU, tenu en personne pour la première fois depuis 2019.

Ce rassemblem­ent de lea‐ ders mondiaux avait été en‐ tièrement virtuel en 2020 en raison de la pandémie et une formule hybride avait été adoptée l’an dernier.

Cette année, l'Assemblée générale de 193 membres re‐ vient à des discours unique‐ ment en personne. Une seule exception a été accordée pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour des raisons indépendan­tes de sa volonté, soit l’invasion étran‐ gère en cours.

Malgré les objections de la Russie et de quelques alliés, l'assemblée a voté vendredi dernier pour autoriser le diri‐ geant ukrainien à préenregis‐ trer son discours.

Le président russe Vladi‐ mir Poutine fait pour sa part figure d’absent notable de cette grand-messe diploma‐ tique, tout comme son homo‐ logue chinois, Xi Jinping.

Le président des ÉtatsUnis, Joe Biden, parlera mer‐ credi matin, une dérogation à la tradition voulant que le pays hôte des Nations unies soit le deuxième à prendre la parole. Ce changement s’est imposé par la tenue des funé‐ railles de la reine Élisabeth II, auxquelles M. Biden a assisté.

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