Le bateau électrique est l’avenir du transport maritime au Canada, selon des experts
La Ville de Kingston a dévoi‐ lé cette semaine la pre‐ mière borne de recharge rapide pour bateaux en Ontario. La municipalité souhaite ainsi devenir une pionnière de la transition énergétique du transport maritime, qui, selon des experts, pourrait et devrait s'étendre à tout le pays.
À la marina Confederation Basin à Kingston, Tim Markou et Cam Heaps s’apprêtent à aller faire une promenade sur le lac Ontario. À première vue, rien ne différencie leur bateau des autres embarcations, mais lorsque M. Markou ap‐ puie sur le bouton de démar‐ rage, le moteur ne fait aucun bruit. Et pour cause: il est ali‐ menté par une batterie au li‐ thium.
C’est l'un des plaisirs des bateaux électriques, lance Cam Heaps, le cofondateur et président-directeur général de l’entreprise Voltari, qui a créé le bateau.
Normalement vous enten‐ driez le moteur, nous verriez un peu de fumée, vous senti‐ riez l'odeur de l’essence et vous créeriez des émissions, explique l’entrepreneur.
Selon lui, il s’agit du pre‐ mier bateau de performance électrique entièrement fabri‐ qué en Amérique du Nord.
Son partenaire d'affaires et lui étaient à Kingston, jeudi, pour l’inauguration de leur borne de recharge rapide, la première du genre en Onta‐ rio. Elle permet de recharger une embarcation électrique en 40 minutes seulement.
C’est un moment très exci‐ tant pour notre ville, dit le maire de Kingston, Bryan Pat‐ terson.
Au cours des dernières an‐ nées, la Ville a installé de nom‐ breuses stations de recharge pour inciter les automobi‐ listes à acheter des voitures
électriques. Le maire espère que cette nouvelle station de recharge dans la marina aura le même effet sur les plaisan‐ ciers.
Il s’agit vraiment de rendre cela accessible, explique-t-il. Électrifier tout le Cana‐ da
Le président-directeur gé‐ néral de Mobilité électrique Canada, Daniel Breton, consi‐ dère que le Canada, avec ses millions de lacs et de rivières, est un endroit idéal pour en‐ tamer cette transition énergé‐ tique.
Selon lui, cela permettrait au pays de développer une in‐ dustrie et d’autres produits comme des motoneiges et des motomarines électriques en plus de réduire les émis‐ sions de gaz à effet de serre et la pollution des cours d’eau.
La pollution atmosphé‐ rique causée par le secteur maritime est extrêmement importante, dit-il.
On doit faire beaucoup plus vite que ce qu’on a fait à date.
Daniel Breton, présidentdirecteur général, Mobilité électrique Canada
Il pense que le Canada se‐ rait capable d’électrifier ses transports maritimes d’ici 2040 à 2050.
Quand on voit des pays qui ont pris le pôle en matière de développement de la mo‐ torisation électrique pour le secteur de plaisance, le sec‐ teur maritime, on voit que tout cela est faisable. Cela de‐ mande une volonté politique, dit Daniel Breton, qui a récem‐ ment assisté à un symposium sur le sujet en Norvège. À regarder :
Transition énergétique : Vers le bateau de plaisance électrique Impacts sur l’environne‐ ment
La professeure adjointe au département des sciences biologiques de l’Université de Montréal Sandra Ann Binning croit elle aussi que l’électrifica‐ tion des bateaux aurait des impacts positifs sur l’environ‐ nement.
Elle souligne que le bruit causé par les moteurs à car‐ burant rend difficiles la com‐ munication et la navigation chez les mammifères marins comme les baleines. Les mo‐ teurs électriques pourraient remédier à ce problème.
La scientifique s’inquiète cependant de l’impact de la fabrication des batteries sur les écosystèmes.
Les batteries demandent énormément de ressources pour les produire, surtout des métaux rares. Et de plus en plus, on parle de récolter ces métaux dans les océans parce qu’il y a des réserves dans les océans profonds, explique-telle en ajoutant qu’il faudra trouver une manière de recy‐ cler les batteries en fin de vie.
Je ne pense pas qu'on a les connaissances encore pour bien comprendre l’impact d’une production de batteries
à grande échelle.
Sandra Ann Binning, pro‐ fesseure adjointe au départe‐ ment des sciences biolo‐ giques de l’Université de Montréal Démocratiser les ba‐ teaux électriques
Décrit comme un bateau de performance de luxe par Cam Heaps et Tim Markou, le bateau construit par Voltari coûte environ 400 000 $. Un prix compétitif pour une em‐ barcation de cette catégorie, assurent les deux entrepre‐ neurs.
Il mesure 26 pieds et peut atteindre une vitesse d'envi‐ ron 100 kilomètres à l’heure en plus d’avoir une autono‐ mie d’environ 60 kilomètres. Le recharger coûte environ 12 $ pour une fin de semaine.
Il y a une demande depuis 10 ans, assure Cam Heaps.
Son entreprise a déjà ven‐ du cinq bateaux.
Il ajoute que l’industrie n’en est qu’à ses balbutie‐ ments et que les prix des ba‐ teaux diminueront avec le dé‐ veloppement de la technolo‐ gie.
C'est comme quand les premières voitures Tesla sont arrivées sur le marché.
Tim Markou, président, Voltari
Le maire de Kingston, lui, se dit prêt à accueillir davan‐ tage de bateaux électriques. Il souligne qu'en plus de la nou‐ velle borne de recharge ra‐ pide de la ville, chaque marina compte déjà de nombreuses bornes de rechargement pour permettre aux bateaux de charger leurs appareils élec‐ triques et que ces dernières peuvent être utilisées pour re‐ charger un bateau.
Nous voyons bien la tran‐ sition qui est en train de s’opérer avec les véhicules électriques et en tant que Ville nous voulons être en pre‐ mière ligne de cette transi‐ tion, dit-il.