Radio-Canada Info

Enjeux de campagne : les Anglos sont des Québécois comme les autres

- Janic Tremblay

Avec la fin du bipartisme et du clivage traditionn­el fé‐ déralisme-souveraini­sme, la communauté anglo‐ phone du Québec n’a plus le même poids politique qu’auparavant. Elle sou‐ haite quand même se faire entendre et répète que l’identité québécoise ne se limite pas à la langue par‐ lée à la maison. Incursion sur le terrain.

Ready! Set! Hut!

Il reste un mois avant la fin de la saison des jeunes joueurs de football pee-wee des Cougars du Lakeshore.

L’entraîneur de la ligne of‐ fensive, Marc Lalonde, multi‐ plie les mises en situation en vue d’améliorer les habiletés de ses protégés.

Slide! Slide! Turn

Now, sprint to the ball!

Il leur rappelle dix fois plu‐ tôt qu’une leur rôle fonda‐ mental dans la protection du quart-arrière.

Not this way! Do it again! Dans ce milieu anglophone

hips! de l’Ouest-de-l’Île, il ne faut pas se surprendre si Marc fouette et encourage ses joueurs principale­ment en an‐ glais. Mais il recourt aussi fré‐ quemment à la langue de Gilles Vigneault.

Glisse! Glisse! Glisse! Bloque-le!

Allez, donnez-moi ton ef‐ fort!

Large! Large!

C’est mieux!

C’est beau, mon petit nou‐ nours!

Évidemment, Marc a sur‐ tout recours au français avec les joueurs francophon­es. Mais il explique que tout peut se passer dans les deux langues sur le terrain, car se‐ lon lui, tout le monde com‐ prend bien les deux langues.

Il cite l’exemple d’un match amical de flag football (sans contact) que l’équipe est allée disputer dans la région de Boston. Les joueurs ont eu re‐ cours au français pour annon‐ cer les jeux afin de confondre les Américains.

Cole, le fils de Marc, confirme que plusieurs de ses coéquipier­s parlent très bien français et que lui-même écoute du rap en français et écoute le Réseau des sports à la télé.

Il suffit de le regarder en pleine action pendant quelques minutes sur un ter‐ rain de football pour com‐ prendre que Marc Lalonde est un entraîneur exigeant. Il commande, dirige, gesticule, aboie, s’impatiente et s’em‐ porte.

Mais il encourage, exulte, récompense et étreint. Il de‐ mande beaucoup. Il donne autant, sinon plus. Quelque chose comme un vrai coach.

Marc Lalonde a cette même intensité au quotidien. Il travaille comme journalist­e. Il n'a pas la langue dans sa poche et s’intéresse de près à la politique ainsi qu'à la cam‐ pagne électorale actuelle.

Il n’a pas la prétention de parler au nom de toute la communauté anglophone, mais en compagnie de sa fille de 17 ans, il accepte de faire état de ses observatio­ns lors d’un exercice de questions-ré‐

ponses.

Avez-vous l’impression que la campagne électo‐ rale actuelle ressemble à un sport de contact pour la communauté anglophone?

C’est plus que ça. C’est un sport de collision, je trouve. Il y a des valeurs qui s’op‐ posent. De nombreux anglo‐ phones suivent ce qui se passe avec beaucoup d’inté‐ rêt. C’est un contexte électoral nouveau. Le Parti québécois et le Parti libéral du Québec ne dominent plus comme ils l’ont fait au cours des 40 der‐ nières années.

Vous dites que la com‐ munauté suit ces élections avec intérêt. Peut-on par‐ ler d’inquiétude?

Quand le premier ministre dit que le Québec va devenir comme la Louisiane, ça nous met sur la défensive et ça me fait penser qu’on va continuer de nous dépeindre comme « les autres ».

Les autres? Que voulezvous dire?

La Coalition avenir Québec [CAQ] divise les gens. Elle crée une sorte de ''nous contre eux''. Cela aide à cimenter la base électorale qui est très francophon­e et qui n’habite pas Montréal. Je parle anglais avec mes enfants. Mais la vie au Québec, c’est en français, et on comprend ça! J’ai choisi de vivre ici parce que c’est en‐ richissant. Quand on me dit que je ne suis pas un vrai Québécois parce que je suis anglophone, comme cela m’est arrivé, je réponds : ''Whoa! Je suis né ici, j’ai étudié ici, ma famille est ici et j’habite ici. Je suis québécois!

Pour vous, est-ce du na‐ tionalisme ethnique, comme certains l’ont dit?

Non. Ce n’est pas ça. Mais on s’en approche. Quand les gens disent qu’ils sont québé‐ cois, qu’ils sont fiers, et que les Anglos semblent être ex‐ clus de ce discours, on a envie de répondre que nous sommes aussi de vrais Qué‐ bécois et fiers de l’être. In‐ cluez-nous!

La communauté anglo‐ phone a beaucoup critiqué la loi 96, qui vise à moderni‐ ser la Charte de la langue française. Que lui repro‐ chez-vous?

Pour moi, c’est la limite à la fréquentat­ion du cégep en anglais pour les franco‐ phones. Je crois qu’au bout du compte, cela va rendre ces établissem­ents beaucoup trop homogènes. Ma fille Ga‐ brielle, qui est ici, peut en té‐ moigner.

Bonjour, Gabrielle. Tu étudies au cégep?

Oui. À John-Abbott, en ad‐ ministrati­on. Je suis aussi membre de l’équipe féminine de hockey sur glace. C’est une raison importante de ma pré‐ sence dans ce collège.

Est-ce que tu suis un peu la campagne électo‐ rale québécoise?

C’est une drôle de coïnci‐ dence que vous me posiez cette question, car on en a discuté cet après-midi même dans le vestiaire des joueuses après notre entraîneme­nt. Moi, je ne peux pas encore voter. Mais plusieurs de mes coéquipièr­es plus âgées le peuvent. Et on sent vraiment qu’il y a une division entre francophon­es et anglophone­s sur cette question. Les pre‐ mières pensent qu’il n’y a pas d’enjeux dans le cadre de ces élections. Mais pas les se‐ condes, qui tiennent à aller voter.

Pour quelles raisons?

La loi 96 et les cégeps. Plu‐ sieurs de mes camarades viennent de milieux franco‐ phones. Elles sont allées au secondaire en français. Avec la limite de fréquentat­ion qui se‐ ra vraisembla­blement impo‐ sée aux francophon­es, cela deviendra impossible pour elles dans le futur de venir étudier ici et de jouer au ho‐ ckey avec nous. Il y a aussi les cours en français ou de fran‐ çais. Cela va compter pour établir la cote R. Les Anglos

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