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L’armée est trop sollicitée pour les catastroph­es naturelles, déplorent des spécialist­es

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Un ancien haut conseiller à la sécurité nationale, Ri‐ chard Fadden, a averti mardi une commission par‐ lementaire que les gouver‐ nements fédéraux succes‐ sifs s'étaient trop appuyés sur l'armée canadienne pour gérer les crises chez eux.

L'armée a été déployée ré‐ cemment afin d'aider au net‐ toyage après le passage de la tempête post-tropicale Fiona dans l'Est canadien. Environ 500 militaires sont actuelle‐ ment sur le terrain en Nou‐ velle-Écosse, et le gouverne‐ ment aimerait en avoir au moins le double.

Ayant servi les gouverne‐ ments libéral et conservate­ur en tant que conseiller à la sé‐ curité du premier ministre, sous-ministre de la Défense et chef du Service canadien du renseignem­ent de sécurité (SCRS), Richard Fadden a as‐ suré aux députés du comité de la défense de la Chambre des communes que ses com‐ mentaires n'étaient pas parti‐ sans.

Selon lui, les opérations d'urgence nationales de l'ar‐ mée lors des catastroph­es na‐ turelles ne devraient être utili‐ sées qu'en dernier recours.

Cela ne signifie pas que les Forces armées doivent rester à l'écart lorsque des Cana‐ diens sont frappés par des tragédies comme la tempête post-tropicale Fiona, a souli‐ gné M. Fadden.

Selon lui, envoyer dans l'armée est devenu trop facile. Le problème, a-t-il ajouté, est que ces dernières années, le gouverneme­nt fédéral a agi comme si l'armée était le seul outil vers lequel il pouvait se tourner en cas de catas‐ trophe.

Il devient trop facile pour les premiers ministres – pas en particulie­r celui-ci, mais les premiers ministres en géné‐ ral – de simplement dire : 'Je vais envoyer l'armée', a décla‐ ré Richard Fadden au comité quadripart­ite, qui étudie la préparatio­n aux urgences na‐ tionales des militaires.

Et nous le faisons sans par‐ ler aux provinces, aux munici‐ palités et à la société civile de ce qu'elles pourraient et de‐ vraient faire, a-t-il ajouté, ex‐ hortant le gouverneme­nt fé‐ déral à entreprend­re un exa‐ men approfondi et indépen‐ dant de toutes les capacités d'interventi­on d'urgence à travers le pays, tant au niveau fédéral que provincial.

Chaque fois plus de de‐ mandes

La semaine dernière, un haut commandant militaire a déclaré au comité que le nombre de demandes d'aide que les Forces armées re‐ çoivent des provinces a aug‐ menté rapidement au cours de la dernière décennie.

Le major général Paul Pré‐ vost a témoigné qu'en 2021, il y avait eu sept demandes de ce type pour une interventi­on militaire dans des situations d'urgence provincial­es – inon‐ dations, feux de forêt et autres catastroph­es natu‐ relles. La période entre 2017 et 2021 a vu en moyenne quatre demandes de ce type par an. De 2010 à 2017, la moyenne était de deux par an.

Ces chiffres n'incluent pas les 118 appels à l'aide aux‐ quels les militaires ont répon‐ du pendant la pandémie, par exemple en soutenant le per‐ sonnel de santé épuisé dans les foyers de soins de longue durée en Ontario et au Qué‐ bec.

Nous n'avons probable‐ ment pas d'autre outil dans ce pays en ce moment. Je pense que c'est vraiment pro‐ blématique pour un gouver‐ nement sophistiqu­é et com‐ plexe comme le gouverne‐ ment du Canada aujourd'hui, lorsqu'une catastroph­e se produit, si un premier mi‐ nistre n'a qu'un seul outil, a souligné Richard Fadden.

L'idée d'une force dédiée au sein de l'armée chargée de répondre aux catastroph­es naturelles a été fréquemmen­t évoquée depuis que Fiona a frappé la côte est.

Le général Wayne Eyre, le plus haut commandant mili‐ taire du Canada, a affirmé qu'une telle force nécessite‐ rait plus de capacité militaire. C'est aussi une mauvaise idée, a estimé M. Fadden. Deman‐ der aux Forces canadienne­s, par exemple, d'exploiter un chemin de fer serait une er‐ reur. Demander aux Forces canadienne­s de s'impliquer de manière excessive dans l'aide aux sinistrés, à mon avis, est également une er‐ reur, a-t-il dit.

L'ancien conseiller a fait va‐ loir que la réponse aux catas‐ trophes prive l'armée du temps qu'elle devrait passer à s'entraîner pour les engage‐ ments internatio­naux pen‐ dant une période de tensions internatio­nales accrues avec la Russie et, dans une moindre mesure, la Chine.

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L'armée, indispensa­ble

Johanu Botha, qui dirige l'Organisati­on des mesures d'urgence du Manitoba, a souligné pour sa part au co‐ mité que l'armée était indis‐ pensable dans une crise na‐ tionale, car elle relie les trois niveaux de gouverneme­nt – fédéral, provincial et munici‐ pal.

Selon lui, les recherches menées sur la réponse aux ca‐ tastrophes ont clairement dé‐ montré que des soldats se‐ ront nécessaire­s lors de fu‐ tures catastroph­es naturelles.

Pour Conrad Sauvé, pré‐ sident de la Croix-Rouge cana‐ dienne, le Canada a été pris au dépourvu par des catas‐ trophes naturelles qui néces‐ sitent une réponse rapide, ce que les militaires peuvent faire.

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