De la recherche aux zones grises de la loi : les champignons magiques sortent de l’ombre
Charley Dutil, Katherine Brulotte Avec une façade entière‐ ment blanche décorée d'une enseigne en néon géant, le premier magasin torontois de champignons magiques se démarque de ses voisins du quartier Queen Ouest, au centreville. Nommé Shroomyz, le commerce fait partie d’une chaîne qui tient déjà une boutique à Ottawa depuis mai.
À l’intérieur, les étalages contiennent plusieurs pro‐ duits contenant de la psilocy‐ bine, l'ingrédient actif dans les champignons hallucinogènes. Les produits sont présentés de manière ludique et sur des présentoirs illuminés. Cette image est un geste politique selon le gérant.
Nous voulons générer beaucoup de conversation autour de notre commerce. Avoir une boutique avec un éclairage coloré et qui ac‐ croche est le moyen le plus simple d'y parvenir.
Radio-Canada a accepté de préserver l'anonymat du gé‐ rant de Shroomyz, puisque l'illégalité de son commerce et de la vente de la psilocybine au Canada lui fait craindre des répercussions sur sa vie per‐ sonnelle et professionnelle.
Une manifestation mé‐ dicale
Shroomyz est un moyen de manifester pour pousser le gouvernement à légaliser la vente de psilocybine à des fins médicales, explique le gé‐ rant. Le commerce dit vendre de la psilocybine uniquement à des fins médicales et non ré‐ créatives. Le but principal du commerce, selon lui, est de générer du soutien pour la lé‐ galisation de l’utilisation médi‐ cale de la psilocybine.
Schroomyz est le résultat de lois médicales sur la psilo‐ cybine que nous croyons in‐ justes [...] Notre seule raison d'être est un mouvement de protestation médical. Le gérant de Shroomiz
Bien que le site Internet du commerce énonce qu’une prescription ou une visite mé‐ dicale est nécessaire pour se procurer la substance, le gé‐ rant de Shroomyz admet au téléphone que ce n'est pas le cas pour le moment.
C’était notre processus ini‐ tial, mais nous avons eu des problèmes avec les horaires, nous anticipons que dans le futur nous allons pouvoir avoir un professionnel de la santé en magasin, mais pour l’instant, cette partie de notre site web doit être mise à jour, explique le gérant.
Le site web a depuis été mis à jour. Il y est maintenant indiqué qu’il est simplement nécessaire de remplir un for‐ mulaire médical en magasin et signer une décharge avant d'effectuer un achat.
La décharge informe les clients des risques et avan‐ tages potentiels de la psilocy‐ bine et semble libérer Shroo‐ myz de toute responsabilité légale quant à l'utilisation de ses produits. Le gérant af‐ firme que le formulaire de dé‐ charge a été révisé par un avocat, mais il refuse de le nommer.
Le marché gris
Bien qu'à présent Shroo‐ myz semble être le seul com‐ merce physique à vendre de la psilocybine à Toronto, les affiches faisant la promotion de produits hallucinogènes et de commerces en ligne poussent un peu partout.
Un de ces commerces est Chocolat Magique, qui offre une variété de produits contenant de la psilocybine. Les deux fondatrices du com‐ merce, Julia et Sam, ont ellesmêmes été surprises par la popularité de leur entreprise.
Radio-Canada a accepté de n’utiliser que le prénom des deux entrepreneures parce qu’elles craignent les poten‐ tielles répercussions judi‐ ciaires sur leur entreprise.
Nous avons de bons chiffres d’affaires. Beaucoup de gens veulent essayer la psi‐ locybine. Nous avons plu‐ sieurs types de clients, cer‐ tains ont des années d’expé‐ rience et d’autres n’ont jamais essayé, ces personnes cherchent souvent simple‐ ment une façon sécuritaire d’essayer
Sam, cofondatrice de Cho‐ colat Magique
Chocolat Magique affirme vérifier que ses clients sont âgés de 19 ans ou plus avant de compléter une vente et offre la livraison, en personne ou par Postes Canada. Jamais, jusqu’à maintenant, un de ses paquets n’a été saisi lors du transport, prétendent les pro‐ priétaires.
Sur les paquets que nous emballons et envoyons par la poste, nous indiquons claire‐ ment qu’il s’agit de la psilocy‐ bine. Nous faisons ceci, pour nous assurer qu’une per‐ sonne ne mange pas le choco‐ lat s’il trouve le paquet par ac‐ cident. Nous espérons vrai‐ ment que rien ne se perd dans la poste. C’est notre but! , dit Julia.
Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, Postes Canada affirme que son équipe d’ins‐ pecteurs travaille afin d’identi‐ fier et enlever les substances illicites du courrier. Le service dit avoir plusieurs protocoles en place qui assurent la sécu‐ rité et la détection des items suspects.
Sur un plan national, nous coopérons avec les forces de l’ordre locales et nationales ainsi que les différentes agences gouvernementales afin de protéger le courrier, Postes Canada et ses clients.
Chocolat Magique affirme que tous les colis envoyés par
Postes Canada se sont rendus à destination sans problème. Les cofondatrices affirment connaître les risques qu'amène l’utilisation des ser‐ vices postaux, mais ne se disent pas inquiètes.
Au cours des neuf pre‐ miers mois de 2022, la police de Toronto affirme avoir pro‐ cédé à 31 arrestations en rela‐ tion à la possession et à la vente de psilocybine ou autre substance psychédélique telles la diéthyllysergamide (LSD) et la diméthyltrypta‐ mine (DMT).
Le gérant de Schroomyz et les cofondatrices de Chocolat Magique disent tous deux n’avoir eu aucun problème à ce jour avec les forces de l’ordre.
Pour l’instant il n’y a au‐ cune sorte d’action prise et la communauté nous reçoit très bien, affirme le gérant de Shroomyz.
Nos bénévoles en magasin