Radio-Canada Info

Avec la fonte des glaces, la sécurité dans le passage du Nord-Ouest devrait évoluer

- Vincent Bonnay

Le mois dernier, Robert Youens a tenté de réaliser la traversée du passage du Nord-Ouest dans une barque à moteur de moins de 5 mètres. Le Texan a fi‐ nalement été forcé de faire demi-tour à cause d’une avarie et a pu reve‐ nir à Tuktoyaktu­k, aux Ter‐ ritoires du Nord-Ouest, avec l'aide de résidents. La fonte des glaces attire de plus en plus de marins, ce qui pose la question de la sécurité dans le passage.

Myles Pedersen, de Ku‐ gluktuk, au Nunavut, n’y est pas allé par quatre chemins. Quand il a vu l’étendue des dégâts sur l'embarcatio­n, il a dit à Robert Youens : Votre bateau devrait être au fond de l'océan.

Parti de Tuktoyaktu­k, c’est à peine arrivé à Cambridge Bay que le Texan de 68 ans s'est rendu compte qu’un trou de 45 centimètre­s s’était formé dans le fond de son embarcatio­n. Il a alors dû se rendre à l’évidence et décidé de faire demi-tour. L’avarie étant plus grave que prévu, Robert Youens a dû s’arrêter à Kugluktuk chez ceux qui res‐ teront des amis pour le reste de [sa] vie.

Myles Pedersen et ses amis Kevin Ongahak et Robin Paco IIgok ont passé une se‐ maine à réparer l’embarcatio­n pour que le Texan puisse ral‐ lier Tuktoyaktu­k, refusant même d’être payés. L’aven‐ ture de Robert Youens s’est fi‐ nalement bien terminée, car, même s’il n’a pas réussi à at‐ teindre son objectif, il s’était préparé pendant plus de quatre ans pour ce voyage.

Me rendre dans l’Arctique, c’était comme me préparer pour une expédition sur Mars.

Robert Youens

L'aspirant aventurier était bien plus préparé que l’aspect de son embarcatio­n ne le lais‐ sait penser. Auparavant, il avait déjà tenté de battre un record Guinness en parcou‐ rant 3611 kilomètres avec son bateau de pêche, et il avait planifié son parcours ainsi que son ravitaille­ment en es‐ sence, en communiqua­nt en amont et à plusieurs reprises avec les commerçant­s des communauté­s.

À lire aussi :

Le couvert de glace s’est réduit dans le passage du Nord-Ouest Un navire de la Marine effectue le passage du Nord-Ouest, une première depuis 1954

Il était également en contact constant avec les au‐ torités canadienne­s qui, même si elles lui avaient dans un premier temps conseillé de renoncer a son projet, lui ont apporté, à lui de même qu'à son routeur resté à terre, toutes les informatio­ns néces‐ saires concernant les condi‐ tions météorolog­iques et de navigation en plus de vérifier quotidienn­ement sa position.

C’est important que les gens comprennen­t ce dans quoi ils s’embarquent. On doit être autonome à 100 % et ne pas y aller si on n'est pas prêt à faire face seul à tout ce qui pourrait arriver, dit Robert Youens. Il doit son salut à sa préparatio­n et au matériel qu’il avait embarqué pour pa‐ rer à toute éventualit­é, ce qui lui a permis de rejoindre Ku‐ gluktuk, où la gentilless­e des habitants a fait le reste.

Comme Robert Youens, ils sont de plus en plus nom‐ breux à se lancer dans les eaux du passage du NordOuest, qu’ils soient croisié‐ ristes, plaisancie­rs ou même aventurier­s. La région, aussi reculée soit-elle, dispose d’un système de recherche et de sauvetage.

Un système de re‐ cherche et de sauvetage à l'épreuve de l'augmenta‐ tion du trafic

Chaque saison, sept à neuf brise-glaces sont déployés dans le passage avec des héli‐ coptères à leur bord, en plus des 46 navires qui y pa‐ trouillent. Les garde-côtes comptent 442 membres dans la région, mais ils s’appuient énormément sur les commu‐ nautés.

Les communauté­s locales sont un élément essentiel du système de recherche et de sauvetage, affirme le surin‐ tendant de Recherche et sau‐ vetage maritime pour la ré‐ gion de l’Arctique au sein de la Garde côtière canadienne, Steve Thompson.

En tout, 32 communauté­s composent les forces de la Garde côtière auxiliaire cana‐ dienne le long du passage. Elles représente­nt un atout pour les opérations, car ces bénévoles connaissen­t les menaces et les risques des eaux dans leur région, ex‐ plique Steve Thompson.

Avec l’ouverture du pas‐ sage du Nord-Ouest causé par le réchauffem­ent clima‐ tique, le trafic s’intensifie et, avec lui, les besoins potentiels en matière de sécurité. Steve Thompson explique que la Garde côtière va y répondre en se concentran­t sur le ren‐ forcement des capacités com‐ munautaire­s au niveau local, mais qu'il est important de sensibilis­er le public.

Nous encourageo­ns toute personne qui compte entre‐ prendre cette traversée à vrai‐ ment prendre conscience des risques que cela comporte et représente pour d’autres, par exemple les profession­nels et les intervenan­ts des commu‐ nautés.

Steve Thompson, surin‐ tendant de Recherche et sau‐ vetage maritime pour la ré‐ gion de l’Arctique

On est passé de 1 à 2 ba‐ teaux par an à environ 300 à 400 bateaux par an, de toutes sortes, des voiliers aux briseglace­s, ce qui augmente les dangers et le besoin de ser‐ vices de recherches et sauve‐ tage, dit le sénateur Tony Dean, qui préside le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la dé‐ fense et des anciens combat‐ tants.

Actuelleme­nt en visite dans la région pour pour‐ suivre son étude sur la sécuri‐ té nationale et la défense dans l’Arctique, il dit qu'il est conscient des répercussi­ons de l’évolution de la navigation dans le passage du NordOuest et répète l’importance des communauté­s et de leurs bénévoles qui resteront des acteurs essentiels. Il a toute‐ fois des réserves.

L’ouverture de ce passage

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada