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Les amours adolescent­es de Falcon Lake ouvrent le 51e Festival du nouveau cinéma

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Après avoir été présenté à Cannes en mai dernier, le premier long métrage de la Québécoise Charlotte Le Bon, qui a surtout fait car‐ rière en France, a lancé mercredi soir le 51e Festi‐ val du nouveau cinéma, à Montréal. Empreint de nos‐ talgie et de mélancolie, ce film sur les premiers émois amoureux et sexuels met en vedette la jeune Sara Montpetit, Révélation de l’année au dernier Gala Québec Cinéma pour son rôle dans Maria Chapde‐

laine.

Librement adapté du ro‐ man graphique français Une soeur, de Bastien Vivès, Falcon Lake est centré autour de deux personnage­s en va‐ cances estivales en famille dans un chalet : Chloé, âgée de 16 ans et incarnée par Sara Montpetit, et Bastien, un Français de treize ans presque quatorze qui est en visite au Québec.

On sent qu’elle est attirée par des garçons un peu plus vieux qu’elle, mais une partie d’elle a encore envie de rester dans l’enfance avec Bastien, explique Charlotte Le Bon, qui en plus d’être réalisatri­ce et actrice, a aussi été mannequin et animatrice télé.

Ce que je trouvais hyper beau, mais aussi tragique, c’est qu’une histoire entre une fille de 16 ans et un garçon de 13 ans est impossible sur le papier.

Petit à petit, une relation de confiance se noue entre les deux personnage­s. Ce qui m’intéressai­t, c’est cette petite jonction où ils se rencontren­t et se découvrent, dit-elle.

La nature des Lauren‐ tides en toile de fond

La nostalgie de l’adoles‐ cence est présente dans Fal‐ con Lake, mais aussi celle qui accompagne les étés québé‐ cois.

Il y a une espèce de mélan‐ colie qui accompagne nos étés. Nos étés sont généreux, ils nous enveloppen­t et, très vite, ils nous quittent, un peu comme comme les premiers amours parfois.

Charlotte Le Bon, réalisa‐ trice de « Falcon Lake »

Si Une soeur se déroule au bord de la mer en Bretagne, la réalisatri­ce a choisi de camper son récit sur les rives d’un lac des Laurentide­s, elle qui a passé tous ses étés de jeu‐ nesse dans ce coin du Qué‐ bec.

Notre nature a quelque chose d’intimidant. Elle est à la fois très belle, mais il y a tout le temps une espèce d'ambiguïté, explique Char‐ lotte Le Bon.

Encore aujourd’hui, c’est toujours une expérience à double tranchant quand je me baigne. L’eau est envelop‐ pante et douce, elle nous ca‐ resse d’une autre façon que la mer, mais les eaux sont noires et on ne voit jamais le fond, alors il y a toujours une pointe d’inquiétude.

La réalisatri­ce a d’autant plus voulu explorer cette am‐ bivalence qu’elle fait écho à ce que Chloé et Bastien vivent à l’écran. C’est comme un miroir de ce qu’il se passe quand on tombe amoureux pour la pre‐ mière fois et qu’on ressent les premières pulsions sexuelles. On ne sait pas du tout ce que c’est, on se jette dans l’incon‐ nu.

Raconter un rêve pour décrocher une audition

Si Charlotte Le Bon a très vite choisi Joseph Engel pour jouer le rôle de Bastien, déni‐ cher celle qui allait interpréte­r Chloé fut plus laborieux. Après avoir auditionné de nombreuses jeunes actrices québécoise­s, elle a lancé un casting sauvage, sous forme d’un appel aux filles âgées entre 15 et 19 ans pour leur demander de lui envoyer une vidéo racontant un rêve qu’elles avaient fait.

Nous sommes alors en mars 2020 et Sara Montpetit, qui vient d’achever une partie du tournage de Maria Chap‐ delaine, est confinée avec sa mère et sa petite soeur. Au dé‐ part, elle n’a pas osé postuler, mais elle a fini par se décider à tenter sa chance.

Dans une vidéo, la jeune actrice a raconté un rêve noc‐ turne étrange dans lequel elle dansait avec des amis dans un champ, égratignée par des branches de buissons, puis elle réalisait que ces buissons étaient des ronces de rosiers, mais ses amis et elles conti‐ nuaient de danser malgré la douleur, les bras, les jambes et le visage en sang.

La vidéo était la troisième que j’ai regardée sur les 300 à 400 vidéos reçues. Le rêve de Sara était merveilleu­x, il collait à 100% au personnage de Chloé, se rappelle Charlotte Le Bon. J’ai rencontré Sara et ça a été un coup de foudre absolu.

Sara Montpetit s’est servie de ses souvenirs d’étés passés dans le chalet de son père dans les Laurentide­s et de sa propre adolescenc­e pour se glisser dans la peau de Chloé et incarner son désir d’être in‐ cluse, de se sentir à sa place, de ne pas avoir peur d’être seule ou incomprise, ex‐ plique-t-elle.

C’est un film de sensations : on entend le bruit, la mu‐ sique, les couleurs. Il me rap‐ pelle des étés passés avec des amis dans un chalet pendant lesquels je me sentais parfois un peu rejetée. Le film m’a permis de faire la paix avec ce que j’ai vécu.

Sara Montpetit, actrice

Un 2e film en tant que réalisatri­ce en préparatio­n

Bien que Falcon Lake ne soit que le premier long mé‐ trage de Charlotte Le Bon, il lui a ouvert les portes de la sé‐ lection de la Quinzaine des réalisateu­rs lors du dernier festival de Cannes.

Quand une société comme la Quinzaine des réalisateu­rs te dit : "oui, tu as ta place par‐ mi nous", c’est juste mer‐ veilleux. C’est un sentiment de consécrati­on ultime.

Charlotte Le Bon a tou‐ jours eu le désir de raconter des histoires avec des images, mais elle pensait l’assouvir par l’intermédia­ire de la peinture et du dessin. Et puis, le métier d’actrice lui est tombé dessus, comme elle le raconte. Obser‐ ver les réalisateu­rs avec les‐ quels elle a travaillé lui a servi d’école et elle a réalisé Judith Hotel, son premier court mé‐ trage en 2018.

Désormais, elle souhaite choisir des rôles et réaliser des films qui la poussent hors de sa zone de confort et la mettent en danger.

Le métier de réalisateu­r est un métier coup de coeur. Il vient avec des chaudières de doutes et de peurs, mais les doutes et les peurs sont un moteur pour moi.

Charlotte Le Bon, réalisa‐ trice

Celle qui habite entre le Québec et la France écrit donc actuelleme­nt son deuxième long métrage. Au printemps prochain, elle jouera aussi dans le premier film de l’ac‐ trice française Céline Sallette, qui portera sur la vie de l’ar‐ tiste visuelle Niki de Saint Phalle.

Projeté à Montréal lors du Festival du nouveau cinéma, Falcon Lake sortira dans les cinémas le 14 octobre.

Ce texte a notamment été écrit à partir d’entrevues réa‐ lisées par Nabi-Alexandre Chartier, journalist­e culturel, et par Catherine Richer, chro‐ niqueuse culturelle à l’émis‐ sion Le 15-18. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté ou de concision.

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