Une animatrice de CP24 dénonce la discrimination « systémique » au sein de Bell Média
Une personnalité bien connue du réseau toron‐ tois CP24, qui appartient à Bell Média, a déposé une plainte contre son em‐ ployeur à la Commission canadienne des droits de la personne. Patricia Jagger‐ nauth dénonce ce qu’elle qualifie de discrimination « systémique » au sein de l’entreprise.
L’animatrice et journaliste, qui a démissionné mardi, pré‐ cise avoir vécu du racisme et du sexisme, en plus d’avoir été traitée comme de la mar‐ chandise et une commodité.
Dans sa plainte déposée le lendemain, elle souligne éga‐ lement avoir été ignorée en tentant d’obtenir une promo‐ tion et avoir empoché moins qu’un salaire lui permettant de vivre.
D’origine jamaïcaine et guyanaise, Mme Jaggernauth indique que plusieurs col‐ lègues blancs, notamment des nouveaux employés, ont gravi l’échelle corporative alors qu’un contrat ne lui a ja‐ mais été offert. Selon elle, le fait qu’elle soit une femme ra‐ cisée aurait contribué à ceci.
J’ai quasiment perdu la vie en faisant ce que j’adore parce qu’un travailleur autonome ne peut jamais dire non. Chaque heure est de l’argent, une partie du loyer ou un plein d’essence, explique-telle.
Mme Jaggernauth prétend qu’on lui a refusé un poste stable à temps plein, ce qui la forçait à travailler plusieurs semaines de suite sans obte‐ nir de journée de congé. Elle raconte avoir été admise à l'hôpital avec une pneumonie puisqu’elle n’avait pas le choix de prioriser son emploi plutôt que sa santé.
Dans un courriel envoyé à
CBC, un porte-parole de Bell Média dit ne [pas commenter] des dossiers impliquant des employés, anciens ou actuels.
Cependant, nous confir‐ mons que Bell Média prend les allégations de possible dis‐ crimination très au sérieux et nous nous engageons à four‐ nir un environnement de tra‐ vail sécuritaire, inclusif et res‐ pectueux à nos travailleurs, poursuit-il.
Le porte-parole précise que si on nous avise qu’un employé ne se sent pas adé‐ quatement soutenu, une en‐ quête sera lancée.
De longues journées
Cette plainte survient seulement quelques se‐ maines après le congédie‐ ment de la journaliste et chef d’antenne de CTV National News, Lisa LaFlamme, qui dit avoir été prise au dépourvu lorsque Bell Média a mis fin à son contrat après 35 ans à son emploi.
Pour Mme Jaggernauth, cette plainte sert à réclamer des changements pour le bien des femmes comme elle dans l’industrie et des femmes en général.
Mme Jaggernauth raconte que son séjour à l’hôpital en 2019 était le produit de plu‐ sieurs années de longues journées, de délais courts, de longues périodes de travail et de se faire dire de travailler se‐ maine après semaine, sans ar‐ rêt.
C’est finalement après un congé de maladie sans solde de trois mois qu’elle a com‐ mencé à supplier Bell Média pour plus de stabilité.
Elle explique qu'on lui au‐ rait donc offert un contrat à temps partiel, soit de deux jours par semaine, avec béné‐ fices médicaux et dentaires mais sans possibilité d'heures supplémentaires, de change‐ ment de salaire ou de tra‐ vailler à l’extérieur du réseau comme travailleur autonome.
D’après sa plainte, Mme Jaggernauth indique que le traitement qu’elle a su‐ bi durant ses 11 ans à l’emploi de Bell Média l’a mené à s’ef‐ fondrer lors de la diffusion d’une émission spéciale pour la journée Bell Cause pour la cause, durant laquelle cinq animateurs se sont ouvert au sujet de leur santé mentale.
Dans cette industrie, vous avez la chance d’être sous les projecteurs, d’avoir une grande carrière et les gens pensent que vous êtes multi‐ millionnaire et chanceux. Mais voulez-vous être dans mes souliers? a-t-elle raconté les larmes aux yeux durant un segment.
Mme Jaggernauth allègue qu’aucun supérieur ne l'a contactée après cette déclara‐ tion en ondes.
Je vais persévérer
Ce n’est que deux se‐ maines après cette émission qu’on lui aurait offert de l’aide d’un thérapeute après avoir parlé avec un gestionnaire. Puisqu’elle n’était pas éligible aux services offerts par l’en‐ tremise de bénéfices, on lui aurait offert de rencontrer un spécialiste recommandé par Bell.
Elle aurait refusé la propo‐ sition puisqu’elle ne se sentait pas à l’aise avec l’arrange‐ ment.
Selon la plainte, Mme Jag‐ gernauth aurait eu plusieurs conversations avec ses supé‐ rieurs au sujet de ses craintes chez Bell, qui selon elle n’ont pas été prises au sérieux et mises de côté.
Parmi ces cadres, il y aurait le vice-président du service des nouvelles de Bell Média, Michael Melling, qui est en congé depuis fin août à la suite de la controverse entou‐ rant le congédiement de Lisa LaFlamme.
Bien que les employés de Bell Media soient syndiqués, l’animatrice estime important de déposer une plainte à la commission des droits de la personne afin de rendre la si‐ tuation publique. De nom‐ breux litiges de cette natures sont bien souvent régler dis‐ crectement entre l'employeur et les employés.
L'avocat de Patricia Jagger‐ nauth, Kathryn Marshall, ex‐ plique qu’une telle plainte peut mener à plus qu’au ver‐ sement de salaires dus et de dommages monétaires cau‐ sés par de la discrimination. Ça peut aussi amener un changement de certaines poli‐ tiques au sein de l’entreprise, notamment en matière d’équité salariale.
Quant à son avenir dans les médias, Patricia Jagger‐ nauth rappelle qu’elle a com‐ mencé [sa] carrière en vivant des difficultés et qu'[elle a] persévéré.
Maintenant je quitte et je vais persévérer.
Avec les informations de Shanifa Nasser de CBC