Les gestes bons pour l’environnement trop peu montrés dans les séries télé
Omniprésence des VUS, pailles en plastique… Les gestes nuisibles pour l’envi‐ ronnement persistent dans les séries télévisées québécoises, même si la re‐ présentation des écogestes à l’écran progresse, selon une première étude sur le sujet publiée ce mercredi par le Conseil québécois des événements ponsables (CQEER).
L’équipe du CQEER a vi‐ sionné 20 épisodes diffusés depuis le mois de janvier de 10 séries québécoises popu‐ laires, comme District 31, Toute la vie, La faille ou en‐ core 5e rang. Et elle a compta‐ bilisé les écogestes, mais aussi les comportements nuisibles pour la planète, vus à l’écran, comme le fait de rouler en so‐ lo dans un gros véhicule pol‐ luant, de boire dans un gobe‐ let à usage unique ou encore de jeter à la poubelle un dé‐ chet recyclable ou compos‐ table.
Si elle note des avancées sur certains points, Stéfany Boisvert, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui s’est plongée dans l’étude, déplore que beaucoup d’éco‐ gestes ne sont pas représen‐ tés, ou normalisés, dans les séries télévisées.
Directrice générale du CQEER, Caroline Voyer est également une grande consommatrice de télévision. Ça me fait réagir très forte‐ ment quand je vois des choses qui sont selon moi in‐ acceptables vu notre crise cli‐ matique actuelle, comme un personnage qui brûle de l’es‐ sence en disant que ce n’est pas grave.
Le pouvoir de l’image pour changer les habitudes
Partant du constat que les représentations véhiculées dans les médias influencent les comportements des gens dans leur vie quotidienne, le CQEER espère sensibiliser l’in‐ dustrie audiovisuelle avec son étude, mais aussi amorcer un dialogue avec elle.
Quand les juges de "La voix" ont eu des gourdes réutilisables plutôt que des bouteilles d’eau jetables [sur le plateau], cela a normalisé le fait d’avoir une gourde avec soi.
Caroline Voyer, directrice générale du Conseil québé‐ cois des événements écores‐ ponsables
Sur ce point, Caroline Voyer constate une baisse du nombre de bouteilles en plas‐ tique qui apparaissent à l’écran. Il y a une nette amélio‐ ration par rapport à il y a deux ou cinq ans. Le recours aux tasses réutilisables lors des scènes se déroulant au bureau est devenu fréquent, à l’image des personnages de District 31 que l’on pouvait voir, en pleine réunion, bu‐ vant leur café dans de la vais‐ selle en céramique.
Le VUS plutôt que le mé‐ tro ou le vélo
Toutefois, des progrès res‐ tent à faire en matière de dé‐ placements. Les gros véhi‐ cules polluants, c’est vraiment ce que nos personnages pré‐ fèrent peu importe leur mé‐ tier, souligne Caroline Voyer.
On a souvent l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de personnages qui utilisent les transports en commun, re‐ grette également Stéfany Boisvert.
Autre ombre au tableau relevée par le CQEER : le tri des matières résiduelles reste invisible à l’écran. Cela encou‐ rage la pensée magique selon laquelle les matières dispa‐ raissent sans qu’on ait de res‐
ponsabilités liées à ça, ex‐ plique Caroline Voyer.
Des solutions faciles
Avec son étude, l’organisa‐ tion, qui travaille également à rendre les plateaux de tour‐ nage écoresponsables avec son programme On tourne vert, ne vise pas à entraver la liberté artistique des scéna‐ ristes, mais à suggérer des pe‐ tits changements qui ne bou‐ leverseront pas la trame nar‐ rative ou la manière dont sont écrits les protagonistes.
Par exemple, une série ou un film pourrait montrer un personnage conduisant un véhicule moins énergivore qu’un VUS, éteignant le mo‐ teur de sa voiture dès qu’il ou elle arrive à destination, man‐ geant un plat végétarien plu‐ tôt qu’un steak de boeuf ou se déplaçant à vélo comme Cha‐ nelle Chouinard, incarnée par Evelyne Brochu dans la nou‐ velle série Chouchou lancée sur Noovo.
Dans le cas des séries qui mettent l’accent sur le quoti‐ dien de la vie familiale, on voit des fois les parents vider les assiettes. On pourrait sans trop de problème montrer le père ou la mère vider les as‐ siettes dans un bac à compos‐ tage.
Stéfany Boisvert, profes‐ seure à l’École des médias de l’UQAM
Pour aller plus loin, Stéfa‐ ny Boisvert croit que les séries télévisées devraient davan‐ tage s’intéresser aux enjeux environnementaux et aux va‐ leurs écologiques, plutôt que de tourner en dérision les pré‐ occupations écologiques comme c’est parfois le cas quand un personnage plus écolo que les autres a ten‐ dance à être marginalisé.
Il y a cette tendance à considérer que ces théma‐ tiques n’intéressent pas le monde, dit-t-elle. Il ne faut pas juste s’adresser aux créa‐ teurs de série, mais dire aux diffuseurs : "prenez le risque de mettre en ondes des séries télé qui vont aborder ça, et pas juste ridiculiser un peu les préoccupations environne‐ mentales".
Quant au CQEER, son étude sur les gestes environ‐ nementalement responsables ou non dans les séries consti‐ tue une première étape. Il ai‐ merait réitérer l’exercice en s’intéressant à d’autres conte‐ nus comme les films ou les té‐ léréalités.
Ce texte a été écrit à par‐ tir d'entrevues réalisées par Catherine Perrin, animatrice de l'émission Feu vert. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté et de conci‐ sion.