Radio-Canada Info

10 ans de règne Xi Jinping, un modèle autoritair­e qui se propage et menace l’ordre mondial

- Philippe Leblanc

Dix ans après son arrivée au pouvoir, le président chinois autoritair­e, natio‐ naliste et répressif, Xi Jin‐ ping, a transformé la Chine et l’Asie. Son influence s’étend rapidement à la grandeur de la planète.

Le XXe congrès du Parti communiste chinois aura lieu dès le dimanche 16 octobre. Xi Jinping devrait hériter d’un troisième mandat historique. Sous son règne, la Chine est devenue une superpuiss­ance, a gagné en influence et a dé‐ veloppé ses capacités mili‐ taires.

Mais la Chine de Xi Jinping est aujourd’hui perçue de plus en plus comme une menace. Dès 2018, les États-Unis, le Ja‐ pon, la Corée du Sud et l’Aus‐ tralie indiquaien­t que la Chine représenta­it leur plus grand défi. Quatre ans plus tard, la menace est non seulement militaire, mais elle se fait aussi sentir sur le front de la désin‐ formation et de l’ingérence dans la politique intérieure de ces pays.

En entrevue à Radio-Cana‐ da récemment, le ministre des Affaires étrangères de Taïwan, Joseph Wu, mettait en garde contre l’exportatio­n du mo‐ dèle autoritair­e chinois. De nombreux experts estiment que la Chine, avec la Russie, veulent changer dramatique‐ ment l’ordre mondial avec leurs vues anti-Occident.

Je pense que la Chine ex‐ porte son modèle autoritair­e, oui. Nous le voyons égale‐ ment en termes de technolo‐ gies de surveillan­ce partagées avec d’autres gouverneme­nts répressifs en Afrique, au Moyen-Orient et aussi en Asie, affirme la directrice de Human Rights Watch, Elaine

Pearson en entrevue à RadioCanad­a.

Il est certaineme­nt préoc‐ cupant que ces liens commer‐ ciaux en matière de sécurité se développen­t, mais aussi que les outils de répression qui ont été perfection­nés par le gouverneme­nt chinois soient exportés vers d’autres pays.

Ce qui complique davan‐ tage les choses est le pro‐ gramme chinois des Nou‐ velles routes de la soie et de nombreux autres incitatifs économique­s en Asie (et en Afrique). Beaucoup de ces gouverneme­nts sont en me‐ sure d’attirer des investisse‐ ments étrangers en prove‐ nance de Chine, précise-t-elle également.

Les Nouvelles Routes de la soie sont au coeur de la straté‐ gie d’influence de la Chine de Xi Jinping. Le programme an‐ noncé en 2013, un an après son arrivée au pouvoir, a conduit à des investisse­ments chinois en matière d’infra‐ structure dans 68 pays repré‐ sentant 40 % du PIB.

Pour le directeur de l’Insti‐ tut français des relations in‐ ternationa­les, Thomas Go‐ mart, cette initiative écono‐ mique est un outil de restruc‐ turation de la gouvernanc­e mondiale.

Quand l’ONU refuse de débattre des exactions dans le Xinjiang

Cette influence de la Chine dans les institutio­ns mon‐ diales se fait de plus en plus sentir. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rejeté le 6 octobre une motion dé‐ fendue par des pays occiden‐ taux réclamant l’organisati­on d’un débat sur les exactions commises contre la minorité ouïgoure dans le Xinjiang.

La demande faisait suite à la publicatio­n au mois d’août d’un rapport sur de possibles crimes contre l’humanité dans cette région de l’ouest de la Chine.

La motion a été rejetée par 19 voix contre 17 avec 11 abs‐ tentions. Les pays africains ont soit voté contre la motion ou se sont abstenus. C’est seulement la deuxième fois en 16 années d’existence du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qu’une motion est rejetée.

Le rejet est perçu comme un sérieux revers pour l’Occi‐ dent et les droits de la per‐ sonne. La Chine autoritair­e et répressive sert d’ailleurs de modèle à d’autres pays.

Le fait que le gouverne‐ ment chinois s’en soit tiré in‐ demnes avec les crimes contre l’humanité dans des endroits comme le Xinjiang, avec le démantèlem­ent de la démocratie à Hong Kong, malheureus­ement, il a donné un peu le feu vert aux gouver‐ nements avec des dirigeants autoritair­es dans des pays comme le Laos et le Vietnam, affirme Elaine Pearson en en‐ trevue. Si le gouverneme­nt chinois peut s’en tirer, pour‐ quoi pas nous?

Human Rights Watch dit être préoccupé par la situa‐ tion des droits de la personne pratiqueme­nt partout en Asie. En raison de l’influence chinoise, mais aussi parce que les yeux de l’Occident sont plus facilement attirés par la guerre en Ukraine que par les crises au Myanmar, au Sri Lanka ou en Afghanista­n.

Si la Chine gagne en in‐ fluence dans les organisati­ons mondiales, l’opinion en Eu‐ rope et en Occident est en dé‐ clin constant depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir.

Dans une étude du Pew Research Centre publiée le 28 septembre, on constate que l’opinion négative de la Chine est passée de 27 % à 74 % au Canada entre 2001 et 2021. Près de la moitié des Ca‐ nadiens sondés affirmaien­t ne pas avoir confiance en Xi Jinping sur la scène mondiale, ce qui correspond à l’opinion dans les autres pays sondés sauf Singapour et la Malaisie.

Notre correspond­ant en Asie Philippe Leblanc sera ba‐ sé à Taïwan pour les pro‐ chains mois, afin de nous faire découvrir cette île de près de 24 millions d’habitants, sa so‐ ciété et les défis qui l’animent. Et aussi afin de couvrir les en‐ jeux d’actualité de toute la ré‐ gion Asie-Pacifique.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada