Hydrogène vert : une première usine de production à grande échelle prend forme en Ontario
La semaine dernière, Atura Power annonçait son choix de fournisseur pour le sys‐ tème d’électrolyse qui de‐ viendra la pièce maîtresse de la première usine d’hy‐ drogène vert en Ontario. La construction du Centre d’hydrogène de Niagara est l'initiative phare de la pro‐ vince pour développer sa production de ce gaz qui re‐ présente une solution de rechange aux combus‐ tibles fossiles.
La multinationale Cum‐ mins s’est vu accorder le contrat pour concevoir le sys‐ tème qui séparera la molécule d’eau pour en extraire l’hydro‐ gène à l'aide d’un fort courant électrique. Le dispositif sera fabriqué à Mississauga, en banlieue de Toronto.
C’est la pièce d’équipement principale [de l’usine], sou‐ tient Kelly Grieves, directrice par intérim de la division de l’hydrogène d’Atura Power, une filiale de la société pu‐ blique Ontario Power Genera‐ tion.
Le projet du Centre d’hy‐ drogène de Niagara a été an‐ noncé en avril dernier alors que le gouvernement Ford dévoilait sa stratégie de pro‐ duction d’hydrogène à faible émission de carbone.
Dans son plan, la province étale son ambition de devenir un chef de file de l’économie de l’hydrogène qu’elle perçoit comme un carburant promet‐ teur dans la transition énergé‐ tique mondiale.
Le gouvernement estime que l’hydrogène pourrait rem‐ placer les combustibles fos‐ siles dans certains procédés industriels énergivores comme la fabrication d’acier par exemple, mais aussi pour alimenter les véhicules lourds qui peuvent difficilement être électrifiés. Le plan identifie également l’hydrogène comme une source poten‐ tielle pour chauffer les bâti‐ ments de la province, bien qu’une initiative similaire soit critiquée en Alberta.
La combustion de l’hydro‐ gène ne génère pas de di‐ oxyde de carbone, d’où son intérêt dans la transition énergétique. Son empreinte écologique dépend avant tout de sa méthode de pro‐ duction. L’industrie distingue essentiellement trois types d’hydrogène :
L’hydrogène vert : produit à partir d’énergies renouve‐ lables ou à faible émission (hydroélectricité, énergie nu‐ cléaire, énergie solaire, etc.)
L’hydrogène bleu : produit à partir de combustible fossile combiné avec un système de capture d’émissions de car‐ bone.
L’hydrogène gris : produit à partir de combustible fossile sans système de capture d’émissions de carbone. Source : KPMG
En août dernier, le Canada et l’Allemagne ont signé un ac‐ cord d’approvisionnement en hydrogène. L’entente prévoit que le Canada augmente sa production de ce gaz, alors que l’Allemagne s’engage à dé‐ velopper un corridor mari‐ time pour transporter l’hydro‐ gène entre l’Amérique et l’Eu‐ rope.
Les deux pays estiment que les premières livraisons seront possibles dès 2025, ce que remettent en doute cer‐ tains experts, notamment en raison du manque d’infra‐ structure pour acheminer l’hydrogène vers les régions côtières.
De l’hydrogène vert pro‐ duit dans le Niagara
Selon Mme Grieves d’Atura Power, l’usine du Niagara dont la mise en service est prévue en 2024 produira jus‐ qu’à 7200 kilogrammes d’hy‐ drogène par jour, soit la quan‐ tité nécessaire pour alimenter 360 autobus qui parcourent 200 kilomètres quotidienne‐ ment.
Les centrales hydroélec‐ triques Sir Adam Beck fourni‐ ront l’énergie nécessaire à la production de l’hydrogène.
La société énergétique es‐ time que les activités de l’usine permettront une ré‐ duction des émissions de gaz à effet de serre équivalente au retrait de 4000 voitures de la route.
C’est une goutte dans l’océan par rapport à nos be‐ soins en hydrogène, explique Jacquie Hoornweg, directrice générale du Brilliant Energy Institute de l’Ontario Tech University, elle qui est pour‐ tant emballée par le projet.
[Ce projet] prouve que l’Ontario commence à recon‐ naître l’importance de l’hydro‐ gène dans l’équation de l’éner‐ gie propre.
Jacquie Hoornweg, direc‐ trice générale du Brilliant Energy Institute de l’Ontario Tech University
La chercheuse estime que le projet d’Atura Power est l’occasion de tester le modèle d’affaires de l’hydrogène vert ainsi que les infrastructures logistiques nécessaires à son acheminement vers les utilisa‐ teurs.
Y a-t-il un marché pour l’hydrogène vert ontarien?
La grande inconnue est la portée du marché, mais aussi le coût que ce marché sera prêt à supporter pour faire place à l’hydrogène, soutient Jean-Thomas Bernard, profes‐ seur au Département de science économique de l'Uni‐ versité d'Ottawa.
Pour lui, c’est une industrie encore embryonnaire.
Dans sa stratégie, le gou‐ vernement ontarien admet‐ tait que la production d’hy‐ drogène à faible émission est pour l’instant marginale. En 2020, l’hydrogène vert re‐ présentait 0,1 % de la produc‐ tion mondiale de ce gaz, selon le groupe de recherche Wood Mackenzie qui est cité dans le rapport de la province.
La grande majorité de l'hy‐ drogène est produite à partir d’hydrocarbure, un procédé plus abordable.
Le fait d’être premier sur le marché ontarien n’inquiète pas Atura Power qui croit que le Centre d’hydrogène de Nia‐ gara connaîtra un succès commercial. Mme Grieves soutient être en discussion avec des clients potentiels dans plusieurs secteurs.
Atura Power estime être en mesure de contrôler le coût du système d’électrolyse ainsi que celui de l’énergie né‐ cessaire à la production de l’hydrogène, les deux princi‐ paux déterminants du prix de ce gaz, selon la société. Nous sommes stratégiquement po‐ sitionnés pour être les pro‐ ducteurs d’hydrogène à plus faible coût en Ontario, juge Mme Grieves.
L’Ontario prévoit le déve‐ loppement de quatre projets supplémentaires, dont trois usines de production, pour propulser le secteur de l’hy‐ drogène dans la province. Ces projets sont également cha‐ peautés par Atura Power.