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Janette et filles : le devoir de mémoire de Léa Clermont-Dion envers Janette Bertrand

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La documentar­iste fémi‐ niste Léa Clermont-Dion met en lumière le parcours et l’héritage de la pion‐ nière du féminisme québé‐ cois Janette Bertrand dans Janette et filles, diffusé ce jeudi soir sur Télé-Québec et en ligne. Avec ce docu‐ mentaire, elle espère mieux faire connaître cette grande dame aux jeunes.

C’est en pleine déprime, pendant la pandémie, que Léa Clermont-Dion s’est re‐ plongée dans la lecture de Ma vie en trois actes, l’autobio‐ graphie que Janette Bertrand a publié en 2004. Un livre que la trentenair­e avait déjà lu à l’adolescenc­e, mais qui a pro‐ voqué une illuminati­on dans son esprit à ce moment-là.

Je me suis dit : oh mon dieu, tout ce que Janette a vé‐ cu comme femme, c’est fou. Elle s’est émancipée du carcan religieux et du patriarcat. Et elle a fait avancer le Québec, raconte-t-elle.

Léa Clermont-Dion a donc senti qu’il était de son devoir de lui consacrer un documen‐ taire avec comme moteur, le désir de transmettr­e. Je vou‐ lais que les plus jeunes géné‐ rations sachent d’où on vient.

Janette Bertrand a immé‐ diatement dit oui à celle qu’elle admirait sans la connaître. J’avais décidé dans mon coeur que c’est elle qui me succéderai­t et ça a très bien marché entre nous, ditelle.

Guylaine Tremblay ou encore Noémi Mercier comme héritière

Pour Janette et filles, Léa Clermont-Dion a fait appel à des personnali­tés que Janette Bertrand a influencée­s comme Martine Delvaux, Claudia Larochelle, Guylaine Tremblay, Kim Lévesque-Li‐ zotte, Noémi Mercier, ou en‐ core Chris Bergeron, Régine Bertheau et Gabrielle Bou‐ lianne-Tremblay.

Le documentai­re propose notamment des archives dont certaines, comme des extraits de la série L’amour avec un grand A ou encore du Courrier du coeur que Janette Bertrand a longtemps tenu dans l’hebdomadai­re Le petit journal, sont montrées en présence de celle qui est dé‐ sormais âgée de 97 ans.

Ce [procédé] est une cour‐ roie de transmissi­on entre le passé et le présent, explique Léa Clermont-Dion. Je trouve ça beau de voir Janette qui re‐ garde son passé, il y a une émotion tellement vraie qui nous émeut et que j’ai voulu garder.

Propulsée par la volonté de lutter contre l’injustice

Inlassable féministe, Ja‐ nette Bertrand aura brisé de multiples tabous au cours de sa carrière, parlant d’inégali‐ tés, de sexualité, de violences sexuelles, d’homosexual­ité à une époque encore très conservatr­ice.

Une révolution qu’elle aura mené en douceur comme le dit Martine Delvaux dans le documentai­re et armée d’une grande résilience tant elle fut critiquée, notamment par le clergé qui la traitait de co‐ chonne et l’élite intellectu­elle qui méprisait son travail.

Voilà une femme qui s’est fait attaquer, et qui a persisté et signé, souligne Léa Cler‐ mont-Dion, admirative de la force de son aînée.

Pourtant, Janette Bertrand ne s’est jamais dit qu’elle avait la mission de déniaiser le Qué‐ bec comme le formule Léa Clermont-Dion. Pour avancer et mettre fin à la perpétua‐ tion des inégalités hommesfemm­es, elle a plutôt puisé sa déterminat­ion dans l’injustice qu’elle a ressentie à grandir en n’étant rien qu’une fille comme le lui répétait son père.

Je trouvais que la vie était tellement injuste de toujours favoriser les garçons, confie-telle. Sa chance, dit-elle, est d’avoir eu des enfants tôt. Quand j’ai eu mes filles, je me suis dit : "il ne faut pas qu’elles vivent ça".

Si aujourd’hui, Janette Ber‐ trand se félicite de constater que la condition des femmes a progressé, elle considère qu’il y a encore beaucoup de travail à faire et que les acquis sont fragiles. Quand on voit ce qu’il se passe avec l’avorte‐ ment aux États-Unis en ce moment, ça peut aussi arriver chez nous si on ne fait pas at‐ tention, avertit-elle.

Entendre des hommes, comme des femmes, dire que l’égalité est aujourd’hui at‐ teinte la peine et provoque un sentiment de culpabilit­é chez elle.

Je me dis que je n’ai pas été assez claire, que je n’ai pas dû avoir les bonnes paroles puis‐ qu’on avance si peu, explique celle qui se désole de voir le scandale de Hockey Canada et de savoir que des adoles‐ centes se laissent imposer des pratiques sexuelles issues de la pornograph­ie par des chums qu’elles ont peur de perdre si elles disent non.

Toute sa vie, Janette Ber‐ trand aura osé. Que fait-elle encore d’audacieux à 97 ans? Prendre la parole alors que je suis vieille, répond-elle. Car, dans la mentalité [de beau‐ coup de gens], une femme de mon âge n’est bonne qu’à se bercer et à ne pas dire un mot.

Réalisé par Léa ClermontDi­on, le documentai­re Janette et filles est diffusé jeudi, à 20 h, sur Télé-Québec et en ligne. Il sera rediffusé à plu‐ sieurs reprises d’ici lundi et restera offert gratuiteme­nt en rattrapage sur telequebec.tv et sur l’applicatio­n Télé-Qué‐ bec.

Ce texte a été écrit à par‐ tir d'une entrevue réalisée par Eugénie Lépine-Blon‐ deau, chroniqueu­se cultu‐ relle à l'émission Le 15-18, et de l'entrevue réalisée par Guy A. Lepage à l'émission Tout le monde en parle. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté et de conci‐

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