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Afficher ses conviction­s démocrates dans un État très républicai­n

- Frédéric Arnould

BOISE, IDAHO - Dans les États américains tradition‐ nellement républicai­ns, le simple fait d'afficher ses conviction­s plus progres‐ sistes peut vous mener à être la cible de menaces. En Idaho, par exemple, être démocrate peut être un défi, surtout face à des partisans conservate­urs prêts à tout pour découra‐ ger les discours divergents.

Prévues pour le 8 no‐ vembre prochain, les élec‐ tions de mi-mandat ap‐ prochent aux États-Unis. Et alors que le compte à rebours semble égrener ses jours de campagne de plus en plus vite, le candidat démocrate Ned Burns fait le point avec son assistante sur le travail sur le terrain dans le sud-est de l’Idaho.

Il y a des jours meilleurs que d’autres, dit-il. Je défends mes principes lors du porte-àporte, mais il y en a toujours un qui va me dire qu’il ne vo‐ tera jamais pour moi, juste parce que je suis démocrate.

Il brigue le poste de repré‐ sentant à la législatur­e dans cet État particuliè­rement conservate­ur et, qui plus est, dans un comté récemment redécoupé qui donne un cer‐ tain avantage aux républi‐ cains.

Se faire élire sous la ban‐ nière démocrate en Idaho est donc un défi, surtout en de‐ hors des grands centres ur‐ bains. À Boise, la capitale, il existe au niveau municipal une petite bulle bleue dans l’océan rouge de l’État. C’est là qu’habite Emily Walton, issue d’une famille très conserva‐ trice, mais qui se définit comme démocrate. Elle ven‐ tile sa frustratio­n d’avoir un gouverneme­nt républicai­n au niveau de l’État qui ne repré‐ sente pas du tout sa pensée politique.

« Je sens qu’on a un gou‐ vernement qui défend des en‐ jeux qui ne rendent pas notre vie meilleure. Il y a aussi le droit à l’avortement qui touche tout le monde. C’est très frustrant de se faire reti‐ rer des libertés que les gens ont toujours eues. »

Pour Jaclyn Kettler, profes‐ seure adjointe à l’École de ser‐ vice public à l’Université de Boise, il est difficile de vaincre les supermajor­ités républi‐ caines en Idaho. Les républi‐ cains décident de presque toutes les politiques de l’État et le résultat donne des poli‐ tiques qui reflètent un côté très conservate­ur. Ils rem‐ portent en général au moins 60 % des votes, donc c’est dif‐ ficile pour les démocrates d’être compétitif­s au niveau de l’État.

Le souvenir amer des mesures sanitaires

Ce qui n’aide pas non plus les démocrates à l’approche des élections, ce sont les me‐ sures sanitaires adoptées par l’administra­tion Biden et d’autres instances démo‐ crates qui semblent avoir lais‐ sé un impact durable dans la mémoire des électeurs de l’Idaho. Ned Burns en entend encore parler.

Tout ça à cause d’ap‐ proches pourtant plutôt me‐ surées de la part de pouvoirs publics au niveau municipal, mais certains sont encore fu‐ rieux même si, depuis 18 mois, on peut faire à peu près ce qu’on veut en Idaho sur ce point.

Certains partisans conser‐ vateurs ont manifesté bruyamment face à ces me‐ sures. Certains se sont même présentés armés, comme lors d’une réunion des autorités municipale­s de Boise. Ce qui a choqué Emily Walton.

« Ils parlaient de masques et de vaccins et un groupe ar‐ mé est arrivé et a proféré des menaces. La mairesse et le chef de police ont décidé d’ar‐ rêter la réunion. Je me suis as‐ sise chez moi quand j'ai en‐ tendu parler de ça et j'ai juste pensé : "Est-ce que nous diri‐ geons ce pays ou sommesnous dirigés par une foule ar‐ mée?" »

Déménager pour ses idées politiques

À cause de cet amalgame entre les décisions précau‐ tionneuses en temps de pan‐ démie et les démocrates, cer‐ tains candidats du parti sont, depuis, devenus eux-mêmes la cible de menaces. Le candi‐ dat Ned Burns déplore cette polarisati­on néfaste pour la démocratie.

Dans le nord de l’Idaho, il y a eu de l’intimidati­on dans les bureaux de vote. Il y a des candidats qui envisagent de se présenter aux élections, mais ils sont diabolisés. Ils se font traiter de tueurs de bébés ou de pornograph­es, alors que tout cela est évi‐ demment complèteme­nt faux.

Ned Burns, candidat dé‐ mocrate en Idaho

Des exemples qui écoeurent Emily Walton. J’avais une bonne amie qui s’occu‐ pait d’une campagne démo‐ crate et elle a reçu des me‐ naces d’une élue républicai­ne.

Elle est partie. Je connais une autre femme qui est partie avec sa famille en Arizona parce qu’elle a eu trop de me‐ naces ici.

Face à ces démocrates qui quittent leur État pour d'autres plus progressis­tes, à cause de menaces ou simple‐ ment parce qu’ils sont rési‐ gnés à ne jamais voir leurs idées représenté­es chez eux, la professeur­e Jaclyn Kettler s’interroge sur les impacts po‐ litiques à long terme.

Je ne sais pas quelles sont l’ampleur et la durée de cette tendance, mais je comprends pourquoi ces gens veulent vivre dans des États où les po‐ litiques reflètent mieux leurs intérêts. Mais il y a un risque dans cette polarisati­on en‐ couragée par la politique du « chacun-chez-soi », « qui rend aussi plus difficile d’avoir une vraie concurrenc­e saine dans certains comtés parce qu’il n’y a plus assez de diversité poli‐ tique. »

En attendant, à défaut d’influencer l’issue du vote, Emily Walton a lancé l’orga‐ nisme Idaho 97 Project. Elle y conseille les démocrates quant aux candidats républi‐ cains à faire élire lors des pri‐ maires de ce parti. Car, oui, des démocrates peuvent s’en‐ registrer comme républicai­ns et voter lors des primaires.

Nous avons publié un guide sur les candidats répu‐ blicains les moins extrêmes. Est-ce que cela veut dire qu’on aime et qu'on est d’accord avec chaque candidat? Non, mais on préfère un candidat qui respecte la loi, plutôt qu’un autre qui veut foutre l’État en l’air. Le jour de l’élec‐ tion générale, par contre, les partisans démocrates vote‐ ront évidemment pour les candidats de leur parti.

Alors qu'il ne reste plus qu’une poignée de semaines pour que Ned Burns arrive à convaincre les électeurs de voter pour lui, dans un Idaho très républicai­n, les espoirs sont grands pour l'avenir.

La politique a tendance à osciller comme un pendule. Parfois c’est à gauche. Parfois c’est à droite. Et parfois aussi au milieu. Je pense qu’on est pas mal vers la droite extrême maintenant. Mais je crois que nous allons voir un retour vers le centre.

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