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Occupation d’Ottawa : des résidentes et des commerçant­s racontent leur enfer

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Des résidentes du centrevill­e d'Ottawa et des repré‐ sentants d'associatio­ns de commerçant­s ont témoi‐ gné, vendredi, devant la Commission sur l'état d'ur‐ gence, des préjudices et des séquelles qu'a entraî‐ nés l'occupation des ca‐ mionneurs chez les ci‐ toyens et les marchands du centre-ville d'Ottawa.

Les audiences publiques présidées par le juge Paul Rouleau ont pour but d'exa‐ miner la décision du gouver‐ nement Trudeau d’invoquer la Loi sur les mesures d'ur‐ gence pour mettre un terme à l'occupation du centre-ville d'Ottawa par des milliers de camionneur­s et de manifes‐ tants qui étaient opposés aux restrictio­ns sanitaires contre la COVID-19.

Lors de l'ouverture des té‐ moignages, deux résidentes du centre-ville d'Ottawa, qui demeurent dans des rues qui ont été occupées par les ma‐ nifestants pendant trois se‐ maines, ont décrit les pro‐ blèmes de bruit et l'état d'an‐ goisse qu'elles ont dû subir pendant l'occupation.

L'une des deux femmes appelées à la barre, Victoria De La Ronde, qui souffre d'un handicap visuel, a témoigné du bruit incessant des klaxons des camions qui a provoqué chez elle une perte de l'ouïe.

Bruit, privation de som‐ meil et odeur d'essence

Privée de sommeil pen‐ dant des jours dans son ap‐ partement où des feux d'arti‐ fice étaient à l'occasion tirés près de ses fenêtres par les manifestan­ts, Mme De La Ronde a rapporté avoir en‐ tendu pendant des semaines des sons de klaxons fantômes en plus de développer une in‐ tolérance physique à l'odeur du diesel.

L'odeur de carburant était à ce point forte chez elle qu'elle essayait de dormir avec un masque pour l'atté‐ nuer.

Avocate à la retraite, Mme De La Ronde a expliqué avoir vécu beaucoup d'an‐ goisse aussi hors de chez elle pendant cette période, sur‐ tout lorsqu'elle devait circuler dans les rues non déneigées, encombrées de camions, de manifestan­ts et d'obstacles de toutes sortes.

Le bruit des klaxons était par ailleurs si fort et constant, a-t-elle confié, qu'elle ne pou‐ vait entendre les avertisse‐ ments sonores pour per‐ sonnes non voyantes aux in‐ tersection­s.

La femme, qui réside de‐ puis plus de 30 ans au centrevill­e d'Ottawa, a aussi raconté avoir été régulièrem­ent apos‐ trophée ou narguée par les manifestan­ts parce qu'elle portait un masque. Certains se tenaient aussi debout de‐ vant elle en sautant pour l'empêcher de poursuivre son chemin.

Intimidati­on et harcèle‐ ment

Zexi Li, une jeune fonction‐ naire de 22 ans qui réside aus‐ si au centre-ville d'Ottawa, a également témoigné des klaxons, des feux dans la rue, des déjections humaines un peu partout et du désordre général qui régnait dans son quartier.

Selon des mesures prises à l'intérieur de son apparte‐ ment, le bruit ambiant y attei‐ gnait jusqu'à 85 décibels et parfois plus. Or, 85 décibels, cela correspond environ au bruit généré par une ton‐ deuse à essence.

La jeune femme, plai‐ gnante principale d'un re‐ cours collectif intenté le 3 fé‐ vrier dernier par un groupe de résidents d'Ottawa, a affirmé avoir elle aussi été intimidée et apostrophé­e à plusieurs re‐ prises par des protestata­ires parce qu'elle circulait dans la rue en portant un masque.

La jeune femme a ajouté qu'elle avait peur chaque fois qu'elle devait sortir de chez elle et que la police d'Ottawa, qui aurait dû assurer la sécuri‐ té des résidents du quartier en priorité, était plus occupée, selon elle, à acheter la paix avec les manifestan­ts qu'à veiller au maintien de la loi et de l'ordre.

Zexi Li a déclaré avoir été particuliè­rement contrariée lorsque des policiers se sont empressés d'interroger les lo‐ cataires de son immeuble après que des oeufs eurent été lancés contre des manifes‐ tants, alors que ces derniers violaient à peu près tous les règlements municipaux direc‐ tement dans la rue depuis des jours, et ce, sans être ennuyés par les policiers.

Fermeture forcée pour les commerçant­s

Invités à témoigner, Na‐ thalie Carrier, directrice géné‐ rale de la zone d'améliorati­on commercial­e de Vanier, et Ke‐ vin McHale, directeur général de la zone d'améliorati­on commercial­e de la rue Sparks, ont expliqué que l’occupation du centre-ville avait coûté très cher aux commerçant­s qui se relevaient à peine des restric‐ tions sanitaires des mois pré‐ cédents.

Selon M. McHale, 85 % des commerçant­s de la rue Sparks n’ont eu d’autres choix que de fermer leurs portes pour toute la durée de l’occupation.

Déplorant le fait qu’il in‐ combait alors aux commer‐ çants d’exiger le port du masque dans leur commerce, M. McHale a expliqué que ces derniers se sont vite heurtés au refus catégoriqu­e des ma‐ nifestants. Ceux-ci occupaient les commerces toute la jour‐ née pour profiter des toilettes et s’y réchauffer, souvent sans rien acheter.

Aucun constat d’infraction n’a, selon lui, été distribué par la police d’Ottawa aux mani‐ festants qui ignoraient les règles sanitaires ou qui harce‐ laient le personnel des com‐ merces pour les inciter à abandonner les règles sani‐ taires, a témoigné Kevin McHale.

Mme Carrier et M. McHale s’entendaien­t par ailleurs sur le peu d’informatio­ns qu’ils ont reçues et le fait que les autorités policières sem‐ blaient avoir nettement sousestimé l’ampleur de la mani‐ festation, devenue occupa‐ tion.

Nathalie Carrier, qui cu‐ mule une vingtaine d’années d’expérience dans l’organisa‐ tion d’événements, s’est par ailleurs dite très étonnée de ce que les autorités n’aient pas décidé de fermer d’avance les rues qui mènent à la col‐ line du Parlement et au centre-ville, alors qu’on savait que des centaines de camions

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