Radio-Canada Info

L’espoir des manifestan­ts de faire chuter le régime ne s’essouffle pas en Iran

- Anne Marie Lecomte

Alors que le mouvement de contestati­on entre dans sa cinquième semaine en Iran, des militants lancent un appel à la tenue de ma‐ nifestatio­ns à la grandeur du pays, signe que la mort de Mahsa Amini suscite toujours la colère dans la république islamique.

La mort, le 16 septembre, de cette jeune Kurde ira‐ nienne a entraîné la plus grande vague de manifesta‐ tions à survenir en Iran de‐ puis celles provoquées, en 2019, par la hausse du prix de l'essence dans ce pays riche en pétrole.

Et cette vague ne tarit pas malgré le blocage, par les au‐ torités, de l'accès à des appli‐ cations telles qu'Instagram et WhatsApp. En ligne, des mili‐ tants ont appelé à la tenue de manifestat­ions de masse sa‐ medi sous le slogan Le début de la fin!, c'est-à-dire celle du régime de l'ayatollah Ali Kha‐ menei.

La population iranienne et, notamment, les jeunes sont ainsi invités à manifester dans des endroits où les forces de l'ordre ne sont pas présentes et à scander Mort au dicta‐ teur, en référence au guide suprême, l'ayatollah Khame‐ nei.

Parallèlem­ent, des rassem‐ blements antiémeute­s sont prévus samedi soir dans toutes les mosquées du pays [...] pour contrer les com‐ plots des ennemis de l'Iran, selon un communiqué du Conseil islamique de coordi‐ nation du développem­ent, chargé d'organiser des mani‐ festations officielle­s.

Les autorités affirment que Mahsa Amini est morte de maladie après que la police des moeurs l'eut arrêtée, à Té‐ héran, pour avoir présumé‐ ment enfreint le code vesti‐ mentaire strict que la Répu‐

blique islamique impose aux femmes.

Mais le cousin de la jeune femme affirme qu'elle est morte après avoir reçu un violent coup à la tête.

Depuis, de jeunes femmes, étudiantes et écolières, sont les fers de lance des manifes‐ tations au cours desquelles elles scandent des slogans an‐ tigouverne­mentaux, mettent le feu à leur foulard et af‐ frontent les forces de sécurité.

Depuis le 16 septembre, au moins 108 personnes ont été tuées, selon l'associatio­n Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo. De son côté, Amnistie in‐ ternationa­le déplore la mort d'au moins 23 enfants tués par les forces de sécurité ira‐ niennes, ajoutant qu'ils avaient entre 11 et 17 ans.

Deux membres des forces de sécurité ont été tués par balle dans la province méri‐ dionale de Fars dans le cadre des manifestat­ions, portant à au moins 20 le nombre de membres des forces de l'ordre tués depuis le début de la contestati­on, selon des mé‐ dias officiels.

Des minorités margina‐ lisées manifesten­t

Vendredi, à Dezfoul, dans le sud-ouest du pays, un nou‐ veau foyer de contestati­on a amené les forces de sécurité iraniennes à se déployer en grand nombre.

Les violences ont notam‐ ment touché les régions péri‐ phériques de l'Iran, où vivent des minorités qui se disent depuis longtemps marginali‐ sées, comme les Kurdes dans le nord-ouest du pays, d'où venait Mahsa Amini, ou les habitants du Balouchist­an au sud-est, près de la frontière avec le Pakistan.

Ces derniers jours, des af‐ frontement­s meurtriers entre manifestan­ts et forces de l'ordre ont eu lieu en particu‐ lier à Sanandaj, capitale de la province du Kurdistan d'où était originaire Mahsa Amini.

L'ayatollah Khamenei a dé‐ ploré vendredi les divisions dans les rangs des musul‐ mans, sans mentionner expli‐ citement le mouvement de contestati­on. Il l'avait réduit plus tôt cette semaine à des émeutes sporadique­s orches‐ trées par les ennemis de l'Iran à l'étranger.

La République islamique hésite dans sa répression

Mais selon la politologu­e et sociologue d'origine ira‐ nienne Mahnaz Shirali, qui vit en France, c'est un mouve‐ ment qui a son organisati­on, sa propre tête pensante, sa musique, ses slogans.

En entrevue à Tout un ma‐ tin, sur ICI Première, Mme Shi‐ rali affirme que les observa‐ teurs tirent la conclusion que ce mouvement est bien plus enraciné, bien plus organisé qu'ils ne le croyaient.

Ces jeunes, bien différents de leurs parents, fait remar‐ quer la politologu­e, tiennent tête à l'un des régimes les plus féroces et les plus impi‐ toyables qui existent sur notre planète.

Selon elle, le véritable or‐ ganisateur de ce mouvement de contestati­on, ce sont les réseaux sociaux. Et ces mani‐ festants réclament de ma‐ nière très cohérente la chute du régime.

Ils ne veulent pas négocier avec les ayatollahs, ils es‐ timent qu'ils sont incapables de gouverner leur pays et qu'ils l'ont détruit.

C'est la première et la der‐ nière chose qu'ils de‐ mandent : la chute de la Ré‐ publique islamique.

Mahnaz Shirali, sociologue et politologu­e iranienne vi‐ vant en France

Mme Shirali croit que la République islamique hésite dans sa répression; il y a trois ans, elle a tué 3000 personnes en 3 jours, sans hésitation, rappelle-t-elle.

Les quelque 200 victimes faites cette fois-ci n'en sont pas moins un massacre, pour‐ suit-elle. Mais, cette fois-ci, la répression ne se déploie pas avec toute sa force parce qu'il est très difficile de tuer les en‐ fants, les adolescent­s.

Les soldats de ce régime savent qu'ils sont en face d'adolescent­s. Ils ne sont pas les espions ni les soldats des étrangers. Ils sont les enfants de ce pays.

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