Réforme municipale : JeanGuy Finn craint que les changements fiscaux soient oubliés
Jean-Guy Finn affirme que le succès des regroupe‐ ments municipaux au Nou‐ veau-Brunswick dépend d'une réforme du régime fiscal.
Celui qui a présidé la com‐ mission sur la gouvernance locale insistait notamment, dans son rapport de 2008, sur la réduction du nombre d’en‐ tités municipales.
Cela en en voie d'être réali‐ sé, sous la gouverne du mi‐ nistre Daniel Allain.
Toutefois, il manque en‐ core un gros morceau, rap‐ pelle monsieur Finn, un élé‐ ment qui pourrait venir gâter la sauce de cette réforme mu‐ nicipale.
Le succès de la réforme d'envergure qu'a entrepris le gouvernement depuis un an dépend d'une réforme du ré‐ gime fiscal, qui doit l'accom‐ pagner, insiste-t-il. Si on ne fait pas ça, je pense qu'on risque d'hypothéquer la ré‐ forme elle-même et de ne pas bénéficier de ses retombées.
Pas l'un sans l'autre
Il est risqué, à son avis, d'attendre jusqu'en 2025 pour réaliser cette réforme fiscale.
Cela a pour effet de re‐ mettre cette question-là après la prochaine élection, explique-t-il. Et cela risque de tomber dans l'oubli et la seule chose qu'on aurait finalement c'est une réforme de structure sans réforme fiscale. L'un ne va pas sans l'autre.
Il souligne que les gouver‐ nements locaux sont en quelque sorte dépendants de transferts de revenus du gou‐ vernement sous la forme de financement communautaire et de péréquation.
Tout ce qu'on a proposé à ce moment-ci, c'est de garder ce même montant de 56 ou 58 millions de dollars par an‐ née de transferts pour les cinq prochaines années, sans savoir comment tout ceci va s'arrimer avec une réforme fiscale qui viendrait après 2025.
Jean-Guy Finn, ex-pré‐ sident de la commission sur la gouvernance locale
Financer les responsabi‐ lités accrues
Jean-Guy Finn note que les nouvelles municipalités et les commissions de services ré‐ gionaux vont avoir de nou‐ velles responsabilités.
Donc, je pense que ces nouvelles municipalités sont en droit de voir comment elles vont financer l'ensemble de leurs responsabilités in‐ cluant les nouvelles, par le biais des commissions de ser‐ vices régionaux, plaide-t-il.
Il pense que le gouverne‐ ment provincial devrait éva‐ cuer le champ de taxation foncière, en partie, et transfé‐ rer aux municipalités un cer‐ tain nombre de points de taxation qui leur permettrait de lever elles-mêmes les reve‐ nus dont elles ont besoin pour livrer les services.
Mais, à l'heure actuelle, la province occupe une bonne partie du champ de taxation municipal dans l'ordre d'à peu près 600 millions de dollars par année, poursuit-il. Si, au moins, on prenait une partie des revenus que la province retire de ce champ de taxa‐ tion et le transférait aux mu‐ nicipalités, on améliorerait du même coup l'imputabilité et la transparence parce que ce serait le même gouvernement qui collecte les revenus et les dépense.
À l'heure actuelle, tout ça est un peu confus parce qu'il y a une partie des revenus dé‐ pensés par les municipalités qui viennent de la province sous forme de transferts.
Jean-Guy Finn, ex-pré‐ sident de la commission sur la gouvernance locale
Comme une douche froide
L'aspect financier de la ré‐ forme municipale est à l'ordre du jour de la réunion annuelle de l'Association francophone des municipalités, qui se tient cette fin de semaine, à Ed‐ mundston. Il ne fait pas de doute que cette question va aussi alimenter les discus‐ sions de coulisses entre élus.
Il s'agira aussi de la der‐ nière réunion annuelle à titre de président de l'AFMNB pour le maire de Bertrand, Yvon Godin. Il a décidé de ne pas briguer la mairie de la nou‐ velle municipalité de Rivièredu-Nord, mais il va tout de même tenter de se faire élire comme conseiller, le 28 no‐ vembre.
Il ne cache pas que ce sont justement les lacunes du cadre financier de la réforme municipale qui ont eu le plus de poids dans sa décision de ne pas se représenter comme maire.
Les maires et les conseillers vont être pris à un moment ou l'autre à prendre des décisions difficiles, dé‐ plore-t-il. Avec un manque d'argent suffisant pour offrir les services, il s'agira soit cou‐ per les services, soit d'aug‐ menter les taxes.
Chances inégales?
À Saint-Quentin, la mai‐ resse Nicole Somers va finale‐ ment se présenter à la mairie de la nouvelle municipalité qui va porter le même nom. Mais elle admet qu'elle a eu besoin de quelques tapes dans le dos pour la convaincre.
Le cadre financier de cette réforme municipale, juste‐ ment, l'a beaucoup fait hési‐ ter.
On parle de financement qui n'est pas garanti, men‐ tionne-t-elle. Ce n'est pas très bien accueilli, surtout dans les petites régions rurales. Ce n'est pas un financement qu'on peut budgéter. C'est un peu plus difficile, mais on va espérer que le gouvernement sera à la bonne place quand il y aura des demandes d'aide financière pour joindre les deux bouts ou poursuivre nos projets.
De telles réactions ont amené certains observateurs de la scène politique, notam‐ ment le constitutionnaliste Michel Doucet, à se demander si on n'assistait à un retour aux années 1950 en matière de financement des munici‐ palités, à une remise en ques‐ tion du programme Chances égales pour tous de Louis J. Robichaud.
Plus contextuel que structurel
L'ex-sous-ministre JeanGuy Finn estime que des mu‐ nicipalités pourraient bien se tirer d'affaire sans occuper une plus grande partie du champ de taxation foncière, étant donné l'augmentation des évaluations des proprié‐ tés.
Mais ça, c'est un concours de circonstances, prévient-il. Rien ne dit que dans trois ans les municipalités feront face à la même situation et aux mêmes conditions favorables. Si vous combinez ce que le ministre a offert comme stabi‐ lité, c'est-à-dire cinq ans avec le programme de subvention de 58 millions, les municipali‐ tés vont probablement pou‐ voir s'en sortir sans augmen‐ ter le taux de taxation de ma‐ nière trop importante. Mais ça ne veut pas dire que c'est la situation qui va prévaloir à plus long terme.
Il indique qu'il n'est pas en mesure de dire si les régions rurales seront désavantagées.
Je ne sais pas quelle for‐ mule le gouvernement va mettre en place ni qu'elle sera l'assiette fiscale des municipa‐ lités à la suite des regroupe‐ ments, conclut-il.