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Pauvreté dans les Maritimes : « l’hiver va être atroce », disent des intervenan­ts

- Pascale Savoie-Brideau

Au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, des in‐ tervenants communau‐ taires sur le terrain s’in‐ quiètent sérieuseme­nt du sort d’un nombre grandis‐ sant de citoyens qui vivent dans la pauvreté. L’ap‐ proche de l’hiver n’a rien de rassurant.

Les conséquenc­es de l’in‐ flation des derniers mois, la question de l’accès au loge‐ ment et la popularité crois‐ sante des banques alimen‐ taires, voilà autant de raisons de s’inquiéter sérieuseme­nt du sort d’un nombre grandis‐ sant de nos concitoyen­s, disent-ils.

À écouter :

Michel le samedi : Table ronde sur la pauvreté

Auréa Cormier, du Front commun pour la justice so‐ ciale à Moncton, travaille sur le terrain et a bien l’impres‐ sion que la situation empire chez les moins nantis.

Au cours du dernier mois, juste pour Moncton, on a eu 160 demandes d’aide, relate-telle. La majorité, c’est pour du logement : le problème de lo‐ gement est énorme.

Ce n’est pas seulement le coût du loyer qui complique la donne, précise-t-elle, c’est aussi le dépôt demandé par les propriétai­res, et les arré‐ rages accumulés par les loca‐ taires.

les gens vont accumuler des dettes. Ils vont peut-être aller chercher de l’argent chez des prêteurs qui leur charge un taux d’intérêt de 15 ou 20 %, et il reste pris dans ce trou là pour des années après sans s’en sortir.

Auréa Cormier, chapitre de Moncton du Front commun pour la justice sociale

Après le logement, sou‐ vent les gens ont besoin de nourriture, alors on leur donne de la nourriture. Bien de ces gens-là n’ont pas ce qu’il faut pour se payer des meubles, dit Auréa Cormier.

Selon le directeur général de l’Atelier R. A. D. O. à Ed‐ mundston, Yves Sévigny, l’hi‐ ver empirera le cycle de la pauvreté au Nouveau-Bruns‐ wick : la province risque de voir de plus en plus de per‐ sonnes en difficulté dans les mois à venir.

Avec le prix qu’est rendue l’huile à chauffage, on ajoute encore d’autres pressions sur le budget des familles, dit Yves Sévigny. Ça va empirer […] une fois le loyer payé et le chauffage de fait, il ne restera plus rien […] L’hiver va être atroce au Nouveau-Bruns‐ wick.

Le défi des banques ali‐ mentaires

Si Yves Sévigny s’inquiète, c’est en raison car la banque alimentair­e de l’Atelier R. A. D. O. a enregistré depuis des mois des données alar‐ mantes.

Depuis le début de l’année 2022, on vient de passer le cap du 33 % d’augmentati­on de nouveaux clients, des per‐ sonnes qu’on n’a jamais vues auparavant, affirme-t-il.

Malgré cette hausse de clientèle, la quantité des ali‐ ments sur les tablettes de la banque alimentair­e est ap‐ proximativ­ement la même que l’an dernier, bien que leurs coûts aient bondi de 20 %, en raison de l’inflation.

La problémati­que est d’être capable de fournir la quantité de nourriture — nu‐ tritive — qui est nécessaire pour tout le monde, explique Yves Sévigny, qui ajoute constater que la dernière an‐ née a été très difficile pour de plus en plus de gens.

Yves Sévigny souligne que le gouverneme­nt provincial soutient le réseau avec du fi‐ nancement pour les activités de la plupart des banques ali‐ mentaires, mais que cela cor‐ respond à à peu près 10 % du budget de celle-ci.

Tout le reste, c’est des re‐ venus que je dois aller cher‐ cher, dit-il; des efforts qui sont à refaire, chaque mois.

En plus des levées de fonds dans la communauté et des dons d’aliments d’épice‐ ries de la région, la recherche de partenaire­s devient plus que nécessaire, alors que sa clientèle a augmenté d’un

tiers.

Manger ou se loger

La directrice du Centre ca‐ nadien de politiques alterna‐ tives à Halifax, Christine Saul‐ nier, souligne que la pauvreté ne touche pas que les per‐ sonnes sur l’aide sociale, mais aussi de plus en plus de gens qui travaillen­t 40 heures par semaine.

C’est très difficile à accep‐ ter, dit-elle. Les services com‐ munautaire­s et les charités, c’est eux qui remplissen­t les lacunes […] Il y a tellement de gens qui n’ont pas assez d’ar‐ gent pour les nécessités, pour

les essentiels.

Christine Saulnier souligne que la dernière fois où une ré‐ duction de pauvreté a été en‐ registrée dans la province était en 2020, lors de la pan‐ démie.

Parce que le gouverne‐ ment fédéral a aidé les gens et vraiment, a donné assez d’ar‐ gent, avance-t-elle.

La même année, le Centre canadien des politiques alter‐ natives publiait néanmoins un rapport indiquant qu’un enfant sur quatre vivait dans la pauvreté dans cette pro‐ vince.

Il s’agit du plus haut taux de pauvreté infantile dans les provinces de l’Atlantique. La Nouvelle-Écosse se classe troi‐ sième au Canada, après le Ma‐ nitoba et la Saskatchew­an.

Pour les enfants, c’est une urgence. On ne veut pas que les enfants vivent en pauvre‐ té, ça va les impacter [toute] la vie, lance Christine Saulnier qui ajoute que les bébés de moins de 18 mois repré‐ sentent le plus grand pour‐ centage touché par la pauvre‐ té infantile.

On a besoin d’aider ces fa‐ milles-là qui essaient de prendre soin de leur famille, dit-elle. Les banques alimen‐ taires, ce devrait être une ur‐ gence. Les familles veulent avoir de l’argent pour aller à l’épicerie, comme tout le monde.

Un constat également ap‐ plicable au Nouveau-Bruns‐ wick, selon Yves Sévigny. Des familles se retrouvent à de‐ voir faire le choix dramatique de payer le loyer ou la nourri‐ ture. C’est ça la pauvreté, on est là dedans. C’est des cycles où on doit faire des choix dra‐ matiques de vie, dit-il.

Un toit sur la tête

Même en sachant que le problème de la pauvreté est très complexe et qu’il n’y a pas de solution magique, cer‐ taines mesures plus urgentes pourraient être instaurées, pour améliorer rapidement la situation, selon les trois inter‐ venants.

Le moteur principal qui amène les gens à la rue, c’est le coût inabordabl­e des loyers, dit Yves Sévigny. [Beaucoup de choses]] sont impossible à faire si tu n’as pas un toit au-dessus de ta tête.

Selon Auréa Cormier, un plus grand nombre de loge‐ ments subvention­nés par le gouverneme­nt doit être ac‐ cessible, et rapidement.

Elle indique que la ville de Moncton compte, à elle seule, approximat­ivement 400 sansabris. Essaie de trouver une chambre ou un appartemen­t abordable… Ça n’existe à peu près pas, dit-elle.

Il y a tellement de per‐ sonnes qui vivent dans leur voiture, dit pour sa part Chris‐ tine Saulnier, ajoutant qu’un grand nombre de campe‐ ments de personnes sansabri, sont aussi notable dans la capitale néo-écossaise. On ne peut pas vivre dans des tentes en hiver.

Yves Sévigny croit que des mesures de contrôle des hausses pour les loyers pour‐ raient aussi jouer un rôle dé‐ terminant.

Christine Saulnier ajoute qu'il est aussi primordial que les gouverneme­nts amé‐ liorent les programmes so‐ ciaux et augmentent les pres‐ tations pour les moins nantis.

Par ailleurs, une probléma‐ tique sociale qu’il faudrait ré‐ gler, selon Auréa Cormier, c’est qu’il existe beaucoup de préjugés envers les gens qui n’ont pas d’argent ou qui doivent faire appel à l’aide so‐ ciale.

Si on connaît les pauvres, si on connaît leur histoire, pourquoi ils en sont rendus là, on les appuie, on essaie de les encourager, ça aussi c’est un facteur important, sug‐ gère-t-elle.

Vivre en pauvreté, ça a vraiment un impact sur la santé : sur la santé mentale et sur la santé physique, indique Christine Saulnier. Ces per‐ sonnes-là, ils n’arrivent pas à atteindre leur potentiel. On a besoin de tout le monde dans notre communauté.

Le lundi 17 octobre, c’est la Journée internatio­nale pour l’éliminatio­n de la pauvreté. Des événements ont lieu au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse pour l’occa‐ sion.

Le chapitre de Moncton du Front commun pour la jus‐ tice sociale organise une marche et une conférence, à 15 h au Parc riverain.

Une rencontre de la Coali‐ tion Action de la NouvelleÉc­osse pour le bien-être com‐ munautaire a aussi lieu à la Bi‐ bliothèque centrale de Hali‐ fax, à 18 h 30.

Avec des renseignem­ents de l'émission de radio Michel le samedi

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