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Après Schwartz’s, un Sri Lankais séduit les Torontois et le guide Michelin

- Andréane Williams

En quatre ans, le « smoked meat » de Sumith Fernan‐ do est devenu un incon‐ tournable à Toronto. Après avoir passé 16 ans à par‐ faire son art au restaurant de viande fumée de renom‐ mée mondiale Schwartz’s, à Montréal, l’immigrant srilankais a ouvert son propre Deli. L’établissem­ent a ré‐ cemment été primé par le célèbre guide Michelin.

Derrière le comptoir de son restaurant, dans le quar‐ tier de Scarboroug­h de Toron‐ to, Sumith Fernando coupe de fines tranches de poitrines de boeuf fumé avec l'agilité d’un grand chef. Son restau‐ rant, SumiLiciou­s, n’a ouvert ses portes qu’en 2018, mais la réputation de ses sandwichs et de sa poutine à la viande fumée n’est plus à faire.

En septembre, le guide Mi‐ chelin lui a d’ailleurs attribué un Bib Gourmand, une dis‐ tinction accordée aux restau‐ rants qui servent une cuisine de grande qualité à des prix abordables.

Depuis, l’engouement pour la cuisine de M. Fernan‐ do ne cesse de grandir. Chaque jour, dès l’ouverture, les clients s’enchaînent. Ces derniers doivent parfois même faire la file jusque sur le trottoir pour avoir la chance de déguster la viande fumée de M. Fernando.

Leur viande fumée est fan‐ tastique, lance Mike Babi‐ neau, qui mange au SumiLi‐ cious plusieurs fois par mois. Qu’une personne du Sri Lanka ait appris à fumer de la viande pour ensuite la vendre ici est vraiment quelque chose d’unique dans ce quartier, ditil.

Faire ses classes chez Schwartz’s

C’est au célèbre restaurant montréalai­s Schwartz’s que Sumith Fernando a découvert la viande fumée. Pendant près de 16 ans, il a fait ses classes dans le mythique éta‐ blissement de la rue SaintLaure­nt qui lui a offert son premier emploi au Canada.

Chaque jour je voyais des gens croquer dans leur sand‐ wich et hocher la tête tant c’était bon. [...] Je me suis dit qu’un jour, j’allais faire pareil, raconte le cuisinier.

M. Fernando raconte avoir perfection­né sa technique et sa recette pendant des an‐ nées dans sa cour arrière et à l’aide d’un fumoir acheté chez Home Depot, avant de se lan‐ cer en affaires.

Il continuait d’essayer même quand je me fâchais contre lui parce qu’il mettait la maison sens dessus dessous. Au début, ce n’était pas très bon, donc je n’ai pas tout de suite cru en lui, mais il n’a ja‐ mais abandonné, raconte sa femme Shalika de Fonseka.

Quand il a réussi à at‐ teindre le goût parfait, je lui ai dit: "vas-y, ça va fonctionne­r", ajoute-t-elle.

Un pari risqué

Les deux amoureux ont alors quitté leur emploi et vendu leur maison au Québec pour s’installer à Toronto.

M. Fernando se souvient encore de l’angoisse qu’il a ressentie en faisant le grand saut.

C’était un gros risque. Après avoir déménagé, si quelque chose ne s’était pas bien terminé, nous nous se‐ rions retrouvés devant rien, raconte-t-il.

Shalika de Fonseka admet à la blague que servir une spé‐ cialité de charcuteri­e intro‐ duite par les immigrants juifs, cuisinée par des Sri Lankais, au coeur d’une communauté asiatique, était un pari risqué.

Il a choisi cet emplace‐ ment, où beaucoup d’Asia‐ tiques vivent. Tout le monde était surpris et au début, nous n’avions pas de clients asia‐ tiques. Nos clients venaient d’autres communauté­s et d’assez loin. Nous étions in‐ quiets. Avions-nous choisi le bon endroit?, se demande-telle.

Les débuts du restaurant ont été difficiles. Pendant les six premiers mois, Sumith Fer‐ nando s’est tué à la tâche sept jours sur sept.

J’allais mourir. J’ai dit à ma femme: je n’en peux plus. Je dois trouver un autre emploi

Sumith Fernando, co-pro‐ priétaire, SumiLiciou­s

Au bout d’un an, dit-il, le bouche à oreilles a toutefois fait son oeuvre.

L’après Michelin

Depuis septembre, Sumith Fernando et Shalika de Fonse‐ ka savourent leur nouvelle notoriété.

Le couple a des projets d’agrandisse­ment et M. Fer‐ nando espère introduire de nouveaux plats, même si la pression est grande pour la petite famille qui vient d’ac‐ cueillir son premier enfant.

Je pense que fumer de la viande est la chose la plus dif‐ ficile dans un restaurant. C’est très difficile de contrôler le processus. Si on la fait cuire à la vapeur trop longtemps, on ne peut pas l’utiliser. [...] Si le goût n’est pas parfait, je ne la servirai pas, dit le père de fa‐ mille qui dit puiser sa motiva‐ tion dans la satisfacti­on de ses clients.

Quand on lui demande ce qui l’a fait tomber en amour avec la viande fumée, il ré‐ pond simplement : j’adore son goût!

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