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L’architecte Étienne Gaboury, père de nombreux emblèmes manitobain­s, est décédé

- Gavin Boutroy

Le très réputé architecte franco-manitobain, créa‐ teur de nombreuses struc‐ tures emblématiq­ues du Manitoba et de diverses réalisatio­ns dans le monde, est décédé vendredi à l’âge de 92 ans, annonce sa fa‐ mille.

Parmi ses réalisatio­ns, on compte l'édifice de la Mon‐ naie royale canadienne, l’Es‐ planade Riel et la cathédrale de Saint-Boniface.

Décoré de l’Ordre du Cana‐ da en 2011 et de l’Ordre du Manitoba en 2012, M. Gabou‐ ry est à l'origine de plus de 300 bâtiments, surtout situés dans les Prairies, mais qui s’étendent jusqu’au Mexique.

Étienne Gaboury, benja‐ min d’une famille de 11 en‐ fants, est né en 1930. Il a gran‐ di à Bruxelles, un village situé au sud-ouest de la capitale manitobain­e.

Après des études clas‐ siques au Collège universita­ire de Saint-Boniface, il obtient un baccalauré­at en philoso‐ phie latine de l’Université du Manitoba. C’est là qu’il pour‐ suivra ses études en architec‐ ture. Sa formation est mar‐ quée par l’école du Bauhaus, qui préconise la simplicité des lignes, l’absence d’ornementa‐ tion et l’importance de la fonction.

Il remporte des prix pour ses dessins et reçoit une bourse du gouverneme­nt français afin de poursuivre ses études à l'École des Beaux-Arts de Paris, de 1958 à 1959.

Lors de ce séjour en France, il découvre la philoso‐ phie de l’architecte francosuis­se Le Corbusier, créateur du purisme et adepte de la simplicité des formes, de la ri‐ gueur et de l'organisati­on. Sa chapelle Notre-Dame-duHaut, à Ronchamp, est une révélation pour le jeune Cana‐ dien.

De retour à Winnipeg, Étienne Gaboury est embau‐ ché par Libling Michener Ar‐ chitects, où il travaille deux ans avant d'ouvrir un cabinet d’architecte­s avec son frère, Adrien. Dans les années 1960, fortement inspiré par l'esprit du renouveau religieux ré‐ gnant à l'époque du concile Vatican II, Gaboury dessine les plans de nombreuses églises catholique­s.

Il réalise notamment l'église des Saints-Martyrs-Ca‐ nadiens, à Winnipeg, et celle de Saint-Claude, au sud-ouest de la ville. C’est la première église en Amérique du Nord dont la constructi­on s’appuie sur les nouvelles normes vati‐ canes.

L’architecte reçoit ensuite le mandat de concevoir une église destinée à la paroisse du Précieux-Sang. Inspiré par les exigences de la nouvelle li‐ turgie, il crée un toit en double spirale de poutres en bois atteignant un oeil-deboeuf. C’est aussi une oeuvre où certains entrevoien­t l’héri‐ tage métis de M. Gaboury.

Après l’incendie de la ca‐ thédrale de Saint-Boniface en 1968, Étienne Gaboury se voit confier la tâche de la rebâtir. Celle-ci sera construite dans un style résolument mo‐ derne, tout en préservant le squelette mégalithiq­ue de l’ancienne cathédrale.

En 1975, il prend part à la création de l’édifice de la Mon‐ naie royale canadienne en tant qu’architecte-concep‐ teur. Il travaille aussi sur la conceptual­isation de La Fourche dans les années 1980.

En 1998, le cabinet d’Étienne Gaboury se joint à Guy Préfontain­e et à David Perry, avec lesquels il parti‐ cipe à la conception du Centre étudiant du Collège universi‐ taire de Saint-Boniface, du pont Provencher et de l'Espla‐ nade Riel, ainsi que d’une école à Norway House, collec‐ tivité autochtone située à 800 kilomètres au nord de Winnipeg.

Malgré ces créations mo‐ numentales, l’architecte a tou‐ jours soutenu que sa propre maison à Winnipeg était l'oeuvre dont il était le plus fier. Elle représente exacte‐ ment ce que je voulais réaliser , avait-il dit à Radio-Canada en 2012.

Un esprit brillant sou‐ cieux de l’identité cultu‐ relle

Dans les années 60, Étienne Gaboury a conçu la Bibliothèq­ue régionale Jolys à Saint-Pierre-Jolys au Manito‐ ba. La bibliothéc­aire en chef, Nicole Grégoire évoque un ef‐ fet de surprise lorsque la nou‐ velle de son décès est tom‐ bée.

C’est une perte pour la fa‐ mille, mais c’est une perte pour la communauté manito‐ baine.

Mme Grégoire ajoute qu'il a toujours su refléter l’identité manitobain­e, franco-manito‐ baine et métisse dans son tra‐ vail.

Dans ses oeuvres, on voyait le métis, on voyait la francophon­ie, renchérit Guy Préfontain­e, ami et ancien col‐ lègue d'Étienne Gaboury.

La réalisatri­ce française Laurence Véron qui a débuté sa carrière à Saint-Boniface fait part de sa tristesse, dans une publicatio­n Facebook, sa‐ medi, le présentant comme un esprit brillant et un grand coeur.

J'ai eu le bonheur de bien connaître Étienne et sa fa‐ mille. J'ai également eu la chance de réaliser un docu‐ mentaire sur lui et de parta‐ ger sa passion de l'architec‐ ture, "mère des arts", comme il disait, écrit-elle.

Le directeur général de la Société de la francophon­ie Manitobain­e, Daniel Boucher, le présente comme un homme de vision dont les oeuvres étaient tout à fait ex‐ traordinai­res.

Étienne Gaboury est le père de Lise Gaboury-Diallo, autrice et professeur­e titulaire à l'Université de Saint-Boni‐ face.

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