Faye HeavyShield fait dialoguer les ancêtres au Musée d’art de Joliette
Faye HeavyShield inaugure son entrée au Musée d'art de Joliette avec sa percu‐ tante exposition Clan, une série de six installations minimalistes à taille hu‐ maine et en perpétuelles interactions.
Membre de la Confédéra‐ tion des Pieds-Noirs au coeur des Grandes-Prairies du sud de l'Alberta, l'artiste visuelle is‐ sue de la nation Kainai par‐ vient à créer une véritable sy‐ nergie entre ses oeuvres.
En trente ans de pratique, Faye Heavyshield, 70 ans, continue de puiser dans ses souvenirs d'enfance et les ex‐ périences de ses proches. Son expo solo aux multiples fa‐ cettes met en lumière les rela‐ tions familiales à travers plu‐ sieurs générations de femmes autochtones.
J'ai grandi avec l'histoire de ma communauté, déclare l'ar‐ tiste en entrevue. J'ai été bai‐ gnée par ma langue [sik‐ sikáí’powahsin] et mes tradi‐ tions. Ma vision des choses est le résultat de cette exis‐ tence que je continue d'avoir auprès des miens.
Déjà à 26 ans, lorsqu'elle s'inscrit à l'Université des arts de l'Alberta, elle se souvient avoir commencé à collecter des objets tels que des os, de l'herbe et du bois pour narrer de manière conceptuelle sa propre histoire évoquant sou‐ vent la résilience. J'utilise des matériaux naturels et des ob‐ jets plutôt simples, note-t-elle. Je propose au fond une expé‐ rience ancrée dans la vie de tous les jours.
Il n'y a pas une seule ma‐ nière de comprendre les choses. De mon côté, j'aime fabriquer des oeuvres qui ont une relation forte qu'elle soit dans la matière ou autre.
Faye HeavyShield
Elle explique ainsi qu'on ne peut pas vraiment lire ou dé‐ coder une oeuvre sans com‐ prendre les liens subjectifs (le territoire, le temps) et les ma‐ tériaux (les textiles, la sculp‐ ture) qui unissent l'ensemble de l'exposition. À la manière justement d'un clan, les pièces de l'expo sont inti‐ mement imbriquées entre elles.
HeavyShield pointe du doigt l'installation intitulée Where You Were, Here I Am (Là où tu étais, me voici) com‐ posée d'une plateforme en bois sur laquelle flottent une multitude de drapeaux blancs.
Cette oeuvre référentielle est reliée avec les images que l'on peut voir sur les deux écrans accrochés au mur, ajoute-t-elle. Il y a ma mère, mes filles et mes petites-filles plantant les drapeaux dans le sol de notre territoire.
Bagage culturel
Les visiteurs noteront que les femmes portent toutes la même robe blanche qui re‐ prend l'habit que portait sa grand-mère aujourd'hui dis‐ parue. Les robes sont regrou‐ pées dans la salle d'exposition et baptisées The Grandmo‐ thers (Les grands-mères).
Des photographies du clan familial sont également repro‐ duites en grand-format avec toujours comme point de dé‐ part le portrait original de la grand-mère. Dans la perfor‐ mance vidéo, toutes les femmes communiquent avec une personne [son arrièregrand-mère] qu'elles n'ont ja‐ mais rencontrée et dont elles sont pourtant issues.
La communication est sans parole, mais en passant par la terre, il y a un message directement adressé aux an‐ cêtres.
Faye HeavyShield
Elle précise aussi que l'ex‐ po – d'une grande poésie – est en quelque sorte un hom‐ mage à sa grand-mère qu'elle a connue très jeune. Elle était une conteuse incroyable. Elle avait beaucoup de talent et je lui dois probablement ma car‐ rière d'artiste, car sans elle, je n'aurai jamais eu ce bagage culturel qu'elle m'a laissé en héritage.
HeavyShield prétend ne rien inventer artistiquement, elle dit écouter plutôt son in‐ térieur. Son processus créatif découle, selon elle, d'une pen‐ sée organique ancrée dans un récit personnel dans lesquels les souvenirs du passé et la réalité du présent ouvrent une réflexion vers l'avenir.
L'exposition Clan est pré‐ sentée au Musée d'art de Jo‐ liette du 15 octobre 2022 au 15 janvier 2023.