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Le marché noir fait mal aux producteur­s de cannabis du NouveauBru­nswick

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Au Nouveau-Brunswick, des producteur­s de canna‐ bis sont d’avis que leur in‐ dustrie est en crise et ac‐ cusent le marché noir de manger une grande partie de leurs profits.

Marc LeBlanc est le pré‐ sident de Solargram Farms, le plus grand cultivateu­r de can‐ nabis extérieur réglementé au Nouveau-Brunswick, à SaintAntoi­ne.

Ça fait trois ans qu’on est en marche, puis la récolte est formidable cette année, lancet-il.

L’entreprise exploite 35 serres pour cultiver le can‐ nabis et produit entre 3000 et 4000 kilogramme­s de canna‐ bis séchés, destinés aux grandes chaînes d’approvi‐ sionnement de l’Ontario et de l’Ouest canadien.

Avec ses associés, l’entre‐ preneur a investi des millions de dollars dans ce projet. Mais les profits ne sont pas au ren‐ dez-vous comme ils l’espé‐ raient.

Personne n'est dans une position de profit tout de suite, on paye nos factures, on continue à rouler, on es‐ père qu'un jour les choses vont s'améliorer, mais à un moment donné les gens vont se lever et se dire pourquoi on fait ça?

C'est quand même un rou‐ lement d'une trentaine d'em‐ ployés, un investisse­ment im‐ portant et puis on veut des retombées de ça. Présente‐ ment l'industrie est en train de tomber, de tomber sérieu‐ sement.

Marc LeBlanc, président de Solargram Farms

Au Nouveau-Brunswick, les entreprise­s Zenabis et Or‐ ganigram ont vu leurs actions chuter respective­ment de 98 % et de 88 % au cours des trois dernières années. À Fre‐ dericton, la filiale de Canopy Growth a fermé définitive‐ ment ses portes.

Organigram est un des plus grands joueurs dans le marché récréatif actuelleme­nt et nous arrivons à peine à faire des profits, ça vous donne une idée de ce qu’il se passe à travers l’industrie, af‐ firme la PDG d’Organigram, Beena Goldenberg.

Aux premières années de la légalisati­on du cannabis, Beena Goldenberg se sou‐ vient d’un marché immature et des problèmes de surabon‐ dance du produit.

Aujourd’hui, l’enjeu, c’est le marché noir. Celui-ci continue de prospérer, alors que les en‐ treprises réglementé­es doivent respecter des règles fédérales sévères et payer des taxes onéreuses.

En fin de compte, nos prix doivent être les mêmes que ceux du marché noir pour garder la clientèle, c’est un énorme défi pour toute l’in‐ dustrie, dit-elle.

Le marché noir dans les communauté­s autoch‐ tones

Marc LeBlanc affirme que son cannabis devrait être ven‐ du 20 $ le gramme. Mais sur le marché noir, un gramme se vend 8 $, ce qui force le pro‐ ducteur à baisser ses prix.

Il ne comprend pas pour‐ quoi les autorités tolèrent l’existence de dispensair­es illé‐ gaux, dans les communauté­s autochtone­s.

C'est comme personne ne voit ça ou personne n’agit, donc récemment j'ai envoyé des lettres à la GRC pour mettre une plainte officielle. Ces établissem­ents-là sont illégaux, ils nous font mal, c'est quand même un enjeu de sécurité publique parce qu'ils ont des produits de concentrat­ion très élevée, ex‐ plique-t-il.

La GRC affirme que l'appli‐ cation de la Loi sur le canna‐ bis dans les communauté­s des Premières Nations au Ca‐ nada est complexe et qu'elle collabore avec les commu‐ nautés, ses partenaire­s poli‐ ciers et le ministère de la Jus‐ tice du Canada à ce sujet.

Le marché noir est en train de mettre une grosse pres‐ sion sur le marché légal au ni‐ veau des prix et ça met une pression sur nous les cultiva‐ teurs.

Marc Leblanc, président de

Solargram Farms

La PDG d’Organigram croit aussi qu’il faut améliorer l’ap‐ plication de la loi sur le mar‐ ché noir.

Pour être honnête, je ne pense pas que les consomma‐ teurs qui achètent des pro‐ duits en ligne, je ne pense même pas qu'ils sachent ce que contient la liste de pro‐ duits sur ces sites, dit-elle.

Marc LeBlanc croit aussi que Postes Canada à son rôle à jouer.

Immédiatem­ent, Postes Canada, faut qu'ils arrêtent de transporte­r ce cannabis-là à l'extérieur du pays, ça va avoir un impact énorme sur le mar‐ ché noir parce que c'est eux le réseautage pour permettre à ce produit-là de rentrer par‐ tout au niveau canadien, ex‐ plique-t-il.

L’entreprene­ur souligne aussi que des produits dispo‐ nibles sur internet coûtent moins cher, de moitié envi‐ ron. Cependant, il se ques‐ tionne à savoir si ces produits sont sécuritair­es.

C’est pour ça qu’on a déve‐ loppé une industrie du canna‐ bis, pour que ça soit sécuri‐ taire!

Le Conseil canadien du cannabis affirme que le Nou‐ veau-Brunswick ne suit pas les pertes économique­s cau‐ sées par le marché illicite du cannabis. Il est donc difficile de chiffrer les pertes, mais le groupe de défense de l’indus‐ trie estime que le marché noir continue de représente­r au moins 50 % des ventes de cannabis au pays.

Pendant ce temps, des travailleu­rs perdent leur emploi

Environ 220 personnes ont été licenciées à Moncton en juillet 2020 chez Organigram. L’entreprise souligne que la pandémie explique ces pertes d’emploi et que son usine de production de cannabis est là pour de bon.

Elle compte aujourd’hui 800 travailleu­rs, il s’agit de l’un des plus grands employeurs de la région.

Nous avons investi plus de 300 millions de dollars dans cette installati­on. C’est l’une des plus grandes, sinon la plus grande installati­on de culture intérieure du Canada. Notre capacité de production est de plus de 80 000 kilo‐ grammes par an.

Marc LeBlanc veut aussi continuer à tirer son épingle du jeu. Il compte agrandir son entreprise et désire même dé‐ velopper une usine de trans‐ formation.

On est en train de prépa‐ rer du cannabis à la meilleure qualité et au meilleur prix possible, donc ça nous met dans une position très inté‐ ressante à long terme, mais on est quand même à la merci des fournisseu­rs à qui on doit répondre, parce qu’eux ont des difficulté­s financière­s, soutient-il.

D’après le reportage de Nicolas Steinbach

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