Caraquet veut donner un coup de pouce aux huîtres de Neguac
Nous sommes le 3 octobre. Une délégation de trois re‐ présentants de la ville de Caraquet débarque à SaintPierre-et Miquelon et est reçue avec tous les égards usuels de la diplomatie.
Pour avoir fait de l'interna‐ tional, on a reçu un accueil plus haut que ce qu'une mu‐ nicipalité mérite, a affirmé le maire de Caraquet, Bernard Thériault, dans son compterendu au conseil municipal. On nous dit que le nec plus ul‐ tra c'est quand le préfet vous invite à déjeuner à sa rési‐ dence, tu ne peux pas avoir mieux. On est allés puis on a bien mangé.
Les représentants de Cara‐ quet ont en tête une collabo‐ ration avec Saint-Pierre-et-Mi‐ quelon dans le domaine de l'aquaculture, plus précisé‐ ment la culture des huîtres. Il s'agit d'un des quatre axes de développement et de collabo‐ ration identifiés par le maire avec le tourisme, la culture et le patrimoine.
Le jour même de l'arrivée des représentants munici‐ paux dans l'archipel français, le 3 octobre donc, apparaît sur le site de vente par Inter‐ net Kijiji une annonce qui concerne, justement, la culture des huîtres dans la baie de Caraquet.
L'équipement nécessaire pour l'ostréiculture est à vendre et le transfert d'un bail sur une batture de 15 acres est offert.
Celui qui fait paraître cette annonce est l'aquaculteur Mi‐ chel Poitras.
La pandémie n'a pas aidé, surtout l'an dernier, en ce qui a trait au manque de maind'oeuvre, dit-il. Ce technicien en aquaculture se concentre ces temps-ci sur un projet d'ensemencement de sau‐ mons dans la rivière Népisi‐ guit pour la Première Nation de Pabineau.
Il n'est pas le seul à avoir délaissé la culture des huîtres dans la baie de Caraquet au fil des ans.
Vingt-cinq ans passés, il y avait plus de 300 pêcheurs dans de petits bateaux qui pêchaient les huîtres dans la baie de Caraquet, indique-t-il. L'année dernière, il n'y en avait plus que trois.
L'intérêt d'un produc‐ teur de moules de Mique‐
Alors que ce déclin de la culture des huîtres dans la baie de Caraquet se poursuit, le conseil municipal de Cara‐ quet montre des signes d'in‐ térêt envers cette industrie pour contribuer à la voir se développer.
Faut-il s'étonner de cet in‐ térêt?
Le maire Thériault a été ministre des Pêches et de l'Aquaculture de 1994 à 1997 dans le gouvernement libéral de Frank McKenna.
Une conseillère munici‐ pale, Florence Albert, a été pendant longtemps à l'emploi du ministère des Pêches et Océans. Elle a fait la recherche et la rédaction du Plan de ges‐ tion intégrée de la pêche com‐ merciale de l'huître 2001 2006 pour le secteur est du Nouveau-Brunswick.
Dans l'archipel français, les trois représentants de Cara‐ quet, le maire, le directeur gé‐ néral et l'agente du patri‐ moine ont visité, à Miquelon, le producteur de moules Da‐ niel Orsiny. Ce dernier est au coeur de l'axe de développe‐ ment de l'ostréiculture dont il est question.
Une tournée au Nou‐ veau-Brunswick
Petit retour en arrière. En novembre 2021, ce même producteur de moules de Mi‐ quelon fait une tournée dans la Péninsule acadienne, à Moncton et à l'Île-du-PrinceEdouard.
Une idée lui trotte dans la tête depuis quelques années : faire baigner des huîtres de taille commerciale du Nou‐ veau-Brunswick dans les eaux de Miquelon, le temps qu'elles prennent le goût de l'eau de la région, pour en‐ suite les mettre sur le marché localement.
Il n'y a pas d'huîtres dans la mer de Saint-Pierre-et-Mi‐ quelon. Du moins, elles n'y naissent pas.
Daniel Orsiny rencontre notamment des producteurs d'ici et des représentants de l'institut de recherche Valores à Shippagan, en compagnie d'une fonctionnaire du minis‐ tère des Pêches et Océans.Mais, depuis, plus rien.
À la discrétion des en‐ trepreneurs
À Pêches et Océans, un porte-parole, Steve Hachey, indique qu'il s'agissait d'un programme de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique [APECA] et qu'il n'y a pas eu de suivi après cette visite. Il suggère de contacter l'institut de re‐ cherche Valores et l'APECA pour en savoir davantage.
À l'institut Valores, on n'en a plus entendu parler depuis. Aucune analyse d'échantillon d'eau ne nous a été deman‐ dée, indique le responsable des communications, Robert Landry.
L'APECA fait savoir qu'elle a appuyé un projet en no‐ vembre 2021 visant l'accueil d'une délégation aquacole en provenance de Saint-Pierreet-Miquelon dans le cadre de ses responsabilités au sein de la Commission mixte de co‐ opération régionale.
Une porte-parole de l'APE‐ CA précise que l'éventualité d’un projet de collaboration entre producteurs reste à la discrétion des entrepreneurs.
À Shippagan, les dirigeants de l'Étang Ruisseau Bar, une importante entreprise de culture d'huîtres, confirment qu'ils ont bien rencontré le mytiliculteur Daniel Orsiny l'an dernier, que des discus‐ sions ont eu lieu, mais qu'il n'y a pas eu de suite.
Ça va se concrétiser
Questionné sur les éven‐ tuelles retombées écono‐ miques concrètes à la suite de cette mission de la ville de Ca‐ raquet à Saint-Pierre-et-Mi‐ quelon, le maire Thériault parle en premier lieu d'ostréi‐ culture.
On sait déjà par exemple qu'il y a un producteur qui a déjà les yeux sur une collabo‐ ration avec notre région dans le domaine de la culture de l'huître, a-t-il expliqué. On a déjà des contacts et ça va se concrétiser.
Devant son conseil munici‐ pal, le maire omet de préciser quelle entreprise, ici, partici‐ perait à un partenariat d'af‐ faire avec l'aquaculteur mi‐ quelonnais.
Au courant de rien
Encore à ce jour, le plus im‐ portant producteur d'huîtres de la baie de Caraquet est la Ferme ostréicole Dugas. L'en‐ treprise exporte ses huîtres dans les autres provinces ca‐ nadiennes et aux États-Unis.
J'ai de la relève, lance le propriétaire, Gaétan Dugas, avec enthousiasme . Mes trois fils travaillent avec moi et ils ont l'intention de prendre l'entreprise et la faire grandir.
Quand il est question des démarches de la municipalité de Caraquet pour favoriser un partenariat avec Saint-Pierreet-Miquelon dans le domaine des huîtres, il se montre éton‐ né. Je n'étais pas au courant qu'une délégation allait à Saint-Pierre-et-Miquelon pour parler des huîtres, dit-il.
Absolument personne ne m'a contacté. C'est la pre‐ mière nouvelle pour moi. Je ne savais pas qu'il y avait un axe de discussion qui concer‐ nait l'ostréiculture avec la dé‐ légation de la ville de Cara‐ quet. Je n'ai entendu parler de rien.
Gaétan Dugas, propriétaire de la Ferme ostréicole Dugas, à Caraquet
Gaétan Dugas n'est pas convaincu qu'un partenariat du genre serait un grand gé‐ nérateur d'emplois.
Mais, ça dépend de l'inté‐ rêt réel à Saint-Pierre-et-Mi‐ quelon, précise-t-il. Je ne peux pas en dire davantage parce que je ne suis au courant de rien.
Les huîtres de Neguac
Joint au téléphone à Mi‐ quelon, le producteur de moules Daniel Orsiny affirme que c'est avec La Maison BeauSoleil de Neguac qu'il veut faire un partenariat, dans une municipalité à envi‐ ron 70 kilomètres au sud de Caraquet.
Il explique qu'il aimerait obtenir de 4000 à 5000 huîtres de taille moyenne, prêtes à vendre, simplement pour les faire baigner quelques se‐ maines dans l'eau de Mique‐ lon avant de les offrir locale‐ ment.
Il a déjà fait un essai, quand il a emporté des huîtres de La Maison BeauSo‐ leil, l'an dernier, qui ont passé l'hiver dans l'eau là-bas. Elles sont très bonnes, avec un goût plus prononcé, plus io‐ dé, précise-t-il. Et il n'y a pas eu de mortalité.
Contrairement à ce qu'a in‐ diqué le maire de Caraquet dans son compte-rendu aux élus, il ne s'agit pas pour l'en‐ trepreneur miquelonnais d'acheter de jeunes huîtres et de les faire croître là-bas, mais simplement les laisser baigner un peu.
S'il le pouvait, Daniel Orsi‐ ny achèterait des huîtres de Neguac pour les mettre à l'eau environ un mois, de la mi-novembre à la mi-dé‐ cembre, juste avant les Fêtes.
La visite des trois repré‐ sentants de Caraquet aux ins‐ tallations du producteur de moules de Miquelon devait durer une heure, selon le pro‐ gramme officiel.
Comment s'est-elle dérou‐ lée?
Le maire de Caraquet a dit qu'il pouvait m'aider, raconte le producteur. Il connaît Amé‐ dée, le directeur de La Maison BeauSoleil. Ils ont visité mon atelier. Je leur ai fait goûter des moules et des huîtres. On n'a pas eu le temps de s'as‐ seoir, le maire a dit qu'il n'avait pas beaucoup de temps devant lui. La visite a duré environ 30 minutes.
Joindre Amédée
Daniel Orsiny ne voit pas un éventuel partenariat avec La Maison BeauSoleil comme étant complexe à réaliser. Il mentionne que cela prend certaines approbations, no‐ tamment celle de Pêches et Océans.
Je vous dirais que le plus difficile pour moi c'est de joindre Amédée, dit-il, en fai‐ sant référence au directeur général de la Maison BeauSo‐ leil, Amédée Savoie. Ça doit bien faire un mois et demi que je tente de le joindre au téléphone.
Nous avons également tenté de joindre le directeur général de La Maison BeauSo‐ leil pour en savoir davantage sur ce partenariat auquel la municipalité de Caraquet vou‐ drait donner un coup de pouce.
Il n'y a pas de façon de le joindre, dit la personne qui ré‐ pond, d'un air amusé. Il est dans les bois. Il sera de retour lundi.