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Pénurie de personnel, inflation, relance… Voilà ce qui attend le ministre Lacombe

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L’annonce de la nomina‐ tion de Mathieu Lacombe au poste de ministre de la Culture et des Communica‐ tions a été positiveme­nt accueillie par le milieu culturel québécois, qui at‐ tend de lui du soutien no‐ tamment pour faire face aux problèmes de pénurie de main-d’oeuvre et d’ex‐ plosion des coûts alors que certains secteurs, dont les arts de la scène, restent fragilisés par la pandémie de COVID-19.

On va donner la chance au coureur, dit Catherine VoyerLéger, directrice du Conseil québécois du théâtre (CQT). Ce qui est encouragea­nt c’est que les rumeurs disent qu’il a été nommé à ce ministère à sa demande alors on peut imaginer qu’il a de l’appétit pour le secteur.

Le milieu culturel espère que le mandat de l’ex-ministre de la Famille à la culture s’ins‐ crira dans la durée. Je sou‐ haite que l’on ait la stabilité que l’on a eue pendant quatre ans avec Mme Roy, souligne Patrick Kearney, président du Regroupeme­nt des festivals régionaux artistique­s indé‐ pendants (REFRAIN).

De potentiell­es syner‐ gies entre la jeunesse et la culture

Contrairem­ent à sa prédé‐ cesseure Nathalie Roy, Ma‐ thieu Lacombe s’est vu attri‐ buer deux autres portefeuil­les puisqu’il est aussi désormais ministre responsabl­e de la Jeunesse ainsi que des régions de l’Abitibi-Témiscamin­gue et de l’Outaouais. Cette charge accrue le rendra-t-il moins dis‐ ponible pour la culture?

Plusieurs organisati­ons y voient plutôt l’occasion de créer des synergies puisque des enjeux culturels concernent en particulie­r les jeunes. Depuis la pandémie, l’entrée des jeunes diplômés dans une carrière profession‐ nelle en culture est vraiment difficile, constate Catherine Voyer-Léger.

De son côté, Eve Paré, la directrice générale de l’ADISQ, se montre optimiste. On a complèteme­nt confiance que le ministre Lacombe nous ac‐ cordera toute l’attention né‐ cessaire. Elle croit que sa double casquette en culture et en jeunesse pourrait l’aider à relever l’un de ses défis : re‐ connecter les jeunes à la mu‐ sique québécoise.

Le poids de l’inflation

Plusieurs priorités at‐ tendent Mathieu Lacombe dans ses nouvelles fonctions. Le milieu culturel souffre par‐ ticulièrem­ent de la pénurie de personnel – selon les chiffres de Compétence Culture, la pandémie a amené 19 000 personnes à quitter ce sec‐ teur d’activité entre 2019 et 2021 – et de l’inflation, qui a fait exploser les coûts.

On estime que faire un événement semblable à ceux qu’on présentait en 2019 coûte 25 % de plus au‐ jourd'hui, explique Martin Roy, président du Regroupe‐ ment des événements ma‐ jeurs internatio­naux (REMI).

L’inflation augmente le coût de production tant en enregistre­ment sonore qu’en spectacle, renchérit Eve Paré. [Or], les marges étaient très minces et on sait que les consommate­urs n’ont pas des budgets infiniment élas‐ tiques.

Une meilleure rémuné‐ ration pour une meilleure rétention du personnel

La hausse du coût de la vie accroît le problème de réten‐ tion des talents dans le milieu culturel.Les gens ne partent plus parce qu’on leur propose 5 000 dollars de plus de salaire ailleurs, ils partent parce qu’on leur offre 40 000 dollars de plus ailleurs, explique Ca‐ therine Voyer-Léger, qui se dit inquiète pour les années à ve‐ nir.

Si on n’arrive plus à faire marcher nos organismes culturels parce qu’il manque trop d’employés compétents, on va avoir un problème col‐ lectivemen­t.

Catherine Voyer-Léger, di‐ rectrice du CQT

Comme ses autres col‐ lègues, elle aimerait que le fonctionne­ment même des organisati­ons culturelle­s soit mieux subvention­né ce qui permettrai­t de payer davan‐ tage le personnel et d’amélio‐ rer les conditions de travail, mais aussi de ne pas amener des équipes, déjà épuisées par la pandémie, à travailler sur le dépôt de demandes de subvention­s par projet pour trouver du financemen­t.

Beaucoup de nos orga‐ nismes parviennen­t à réaliser leur mission en allant cher‐ cher des subvention­s au pro‐ jet pour compléter des sub‐ ventions au fonctionne­ment déficiente­s, mais ce n’est plus possible, affirme David Lafer‐ rière, président de l’Associa‐ tion profession­nelle des diffu‐ seurs de spectacles (RIDEAU) et directeur général et artis‐ tique du Théâtre Gilles-Vi‐ gneault, à Saint-Jérôme.

Le milieu de la culture a passé tellement de décennies à faire des miracles avec trois fois rien que c’est devenu un peu notre marque de com‐ merce, poursuit Catherine Voyer-Léger. Mais on ne peut plus continuer à ce rythme-là, car on est en train de brûler

notre monde.

Consolider les arts en‐ core en difficulté­s après la pandémie

Le milieu culturel de‐ mande aussi à Mathieu La‐ combe de poursuivre les ef‐ forts de relance entamés pour aider l’ensemble du secteur, mais surtout les arts vivants, à sortir de la crise pandé‐ mique.

Il ne faut pas prendre ac‐ quis que tout reprend, on n’est pas encore sorti du bois, insiste David Laferrière. Des spectacles sont encore annu‐ lés en raison de la COVID-19.

Les publics ne sont pas en‐ core tous revenus dans les salles, ajoute-t-il, soulignant le besoin de recréer un lien de confiance avec les specta‐ teurs et spectatric­es. Cer‐ taines discipline­s plus nichées, comme la danse, ont encore moins retrouvé leur niveau d’achalandag­e.

Les cinémas non plus ne sont pas aussi remplis qu’avant la pandémie. La fré‐ quentation a été assez bonne cet été, mais elle a été déce‐ vante au mois de septembre, selon Éric Bouchard, copré‐ sident de l’Associatio­n des propriétai­res de cinémas du Québec (APCQ). Il faut pro‐ mouvoir la culture québé‐ coise pour faire revenir les gens, juge-t-il.

Pour une meilleure pro‐ tection des artistes

Autre priorité pour le mi‐ nistre Lacombe : améliorer la reddition de comptes pour s’assurer que l’argent des sub‐ ventions versées aux produc‐ teurs et productric­es ruisselle bien jusqu’aux artistes. Ce point avait déjà été souligné en juin dernier lors de l’adop‐ tion du projet de loi sur la ré‐ forme du statut de l’artiste.

Il y a encore des artistes qui travaillen­t sans contrat, sans minimum garanti et sans protection. Une grande part du secteur de la musique fonctionne comme ça, ex‐ plique Sophie Prégent, prési‐ dente de l'Union des artistes (UDA). À un moment donné, il va bien falloir qu’il y ait plus de poigne et de réglementa‐ tion pour que les artistes soient capables de gagner leur vie.

La grande fragilité du mi‐ lieu engendrée par la pandé‐ mie a démontré la nécessité de renforcer le filet social pour les artistes.

Il faut regarder toutes les solutions : un revenu de base, une assurance-emploi pour les travailleu­rs autonomes en culture …, plaide Luc Fortin, président de la Guilde des musiciens et musicienne­s du Québec (GMMQ).

Pour relever tous ces défis, le milieu culturel attend de

Mathieu Lacombe qu’il com‐ prenne ses réalités et qu’il fasse preuve de bienveilla­nce. Je l’invite à nous écouter, car le milieu a déjà beaucoup de pistes de solution , conclut Patrick Kearney.

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