Le Manitoba devient la 4e province à mettre fin à l’emprisonnement de migrants
Le gouvernement du Mani‐ toba n'acceptera plus d'in‐ carcérer dans ses prisons provinciales des migrants détenus par l'Agence des services frontaliers du Ca‐ nada (ASFC), a appris RadioCanada.
Ces personnes ne de‐ vraient pas languir dans les prisons provinciales alors qu'elles n'ont pas été recon‐ nues coupables d'un crime, a déclaré le bureau du ministre de la Justice du Manitoba, Kel‐ vin Goertzen, dans un courriel en réponse à nos questions.
Justice Manitoba estime que les prisons provinciales devraient être utilisées pour détenir les personnes recon‐ nues coupables de crimes ou en attente de jugement pour des infractions graves, et non pas pour détenir des voya‐ geurs et des réfugiés qui ar‐ rivent au Manitoba avec des documents incomplets ou un autre enjeu lié au traitement de leur dossier d'immigration, a expliqué le bureau du mi‐ nistre Goertzen.
En vertu d'ententes avec différentes provinces, l'ASFC envoie dans des prisons pro‐ vinciales des migrants déte‐ nus pour des raisons adminis‐ tratives.
Ces ressortissants étran‐ gers, y compris des deman‐ deurs d'asile, sont soumis aux mêmes conditions que la po‐ pulation carcérale, bien qu'ils ne fassent pas l'objet d'accu‐ sations criminelles.
Environ 2000 migrants ont été incarcérés dans des pri‐ sons provinciales chaque an‐ née de 2015 à 2020.
Un ancien ministre libé‐ ral critique le gouverne‐ ment Trudeau
Le bureau du ministre Goertzen, qui est conserva‐ teur, affirme avoir adopté la même position que celle dé‐ fendue par Lloyd Axworthy, un ancien ministre libéral des Affaires étrangères dans le gouvernement de Jean Chré‐ tien.
M. Axworthy est au‐ jourd'hui président du Conseil mondial pour les réfugiés et la migration.
Joint par Radio-Canada, M. Axworthy a confirmé qu'il avait rencontré le ministre Goertzen pour lui demander de revoir sa position au sujet de l'emprisonnement des mi‐ grants.
Je suis très heureux que le ministre Goertzen ait répon‐ du de cette manière, a réagi M. Axworthy. Selon l'ancien ministre libéral, c'était la chose à faire par rapport à cette pratique qu'il qualifie de très scandaleuse.
Je pense que ça contre‐ vient à tous les principes que nous avons en termes de pro‐ tection des droits des per‐ sonnes au Canada.
Lloyd Axworthy, ancien ministre libéral des Affaires étrangères
Le Manitoba devient la quatrième province après la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse et l'Alberta à informer Ottawa qu'elle n’ac‐ ceptera plus d’incarcérer des migrants dans ses prisons.
M. Axworthy, qui a aussi été ministre de l’Immigration, demande au gouverne‐ ment Trudeau de mettre fin à toutes ses ententes avec les provinces.
Les gouvernements pro‐ vinciaux démontrent leur en‐ gagement envers un meilleur respect des droits des per‐ sonnes déplacées et notre gouvernement fédéral devrait comprendre le message et abroger ces ententes, a-t-il af‐ firmé.
C'est malheureux que le gouvernement fédéral ne veuille pas faire cette réforme, mais je pense que les pro‐ vinces finiront par faire le tra‐ vail pour lui, a-t-il dit.
M. Axworthy affirme avoir rencontré à ce sujet le mi‐ nistre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, respon‐ sable de l'Agence des services frontaliers.
Selon M. Axworthy, si le ministre Mendicino semble ouvert à des changements, les agents frontaliers dis‐ posent de beaucoup de dis‐ crétion pour décider qui sera incarcéré.
La détention liée à l'immi‐ gration doit toujours être une mesure de dernier recours et n'être utilisée que dans les cas à haut risque, a affirmé pour sa part le bureau du mi‐ nistre Mendicino, tout en pro‐ mettant de faire mieux.
Le ministre explore des pistes possibles pour ac‐ croître et améliorer l’utilisa‐ tion des solutions de re‐ change à la détention et mettre fin à la détention dans les établissements correction‐ nels provinciaux, a indiqué l’attachée de presse du mi‐ nistre, Audrey Champoux.
Secret autour des en‐ tentes
L'Agence des services fron‐ taliers du Canada avait déjà indiqué que le Manitoba n'était pas l'une des provinces avec lesquelles elle avait signé un protocole d'entente officiel en matière de détention de l'immigration.
Mais tant l'Agence que le Manitoba refusent de dire quel type d'arrangement les liait.
Nous avons avisé l'ASFC qu'elle devra trouver un en‐ droit plus convenable pour ces personnes d'ici jan‐ vier 2024 , a dit le bureau du ministre manitobain de la Jus‐ tice.
En vertu de contrats avec d'autres provinces, celles-ci doivent donner douze mois de préavis à l'ASFC pour mettre fin à leur entente.
Le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Sas‐ katchewan maintiennent pour l'instant leurs contrats avec Ottawa en vertu des‐ quels elles sont payées pour incarcérer des migrants dans leurs prisons.