La consigne élargie doit être repoussée en 2025, plaident les détaillants
Le gouvernement est « en dehors de la track » s’il croit encore possible d’im‐ planter un système de consigne élargie dans un an, selon l’Association des détaillants en alimenta‐ tion du Québec (ADAQ), qui demande « de l’ouverture » au ministre de l’Environne‐ ment pour reporter cette réforme en 2025.
Ce n'est pas qu'on est contre [la consigne élargie] : on veut juste prendre le temps de bien faire les choses, insiste le vice-pré‐ sident aux affaires publiques de l’ADAQ, Stéphane Lacasse.
À compter du 1er no‐ vembre 2023, au Québec, tous les contenants de bois‐ sons de 100 ml à 2 litres de‐ vront être consignés, qu'il soient faits de verre, de plas‐ tique ou de carton enduit de plastique (comme les conte‐ nants de lait, par exemple). Aux bouteilles de bière et de boissons gazeuses s’ajoute‐ ront donc les bouteilles de vin, de spiritueux, de jus et d'eau pétillante, notamment.
Environ deux milliards de contenants additionnels de‐ vraient donc être consignés chaque année au Québec, ce qui accroîtra de manière considérable les volumes de matières retournées chez les épiciers.
Ce changement nécessite‐ ra aussi l’ajout d’infrastruc‐ tures adaptées aux nouveaux formats et aux nouvelles ma‐ tières de contenants consi‐ gnés.
On ne veut pas que ce soit un échec.
Stéphane Lacasse, viceprésident aux affaires pu‐ bliques de l'ADAQ
Plus tôt cette année, l’ADAQ croyait que le travail nécessaire pourrait être ac‐ compli en repoussant la ré‐ forme d’un an, mais il lui ap‐ paraît maintenant clair que la province ne pourra pas y arri‐ ver avant 2025.
L’instauration de la consigne élargie a déjà été re‐ portée au cours du premier mandat de la Coalition avenir Québec (CAQ), mais M. La‐ casse estime que la nouvelle échéance arrive encore trop tôt et entraînerait des rup‐ tures de services.
On est mieux de prendre notre temps, de s'assurer que les lieux soient prêts, que les équipements soient prêts et que les installations soient prêtes pour accueillir le client au jour 1, a fait valoir M. La‐ casse à titre d'illustration.
Écueils à l’horizon
Au-delà des gobeuses, qui devront être réparties dans un minimum de 1500 sites à travers la province, M. La‐ casse indique qu’il y aura des questions réglementaires à résoudre pour implanter ces machines à l’extérieur dans certaines municipalités.
Il entrevoit aussi une pé‐ nurie de camionneurs pour venir vider les gobeuses et pour rediriger les matières ré‐ cupérées vers des centres de tri.
Lors de la dernière cam‐ pagne électorale, l’ADAQ avait écrit à tous les partis poli‐ tiques pour les informer de ses craintes et pour réclamer des engagements de leur part.
M. Lacasse confirme avoir eu un accusé de réception de la CAQ, mais sans plus. Il ré‐ clame maintenant une ren‐ contre avec le ministre Benoît Charette pour lui exposer toute la complexité de la si‐ tuation.
Le ministre a décliné la de‐ mande d’entrevue de RadioCanada. Son attachée de presse confirme cependant avoir effectivement reçu la lettre de l’Association des dé‐ taillants en alimentation et promet qu’une réponse leur sera acheminée sous peu.
Craintes partagées
Au début de la semaine, l’Association québécoise de recyclage des contenants de boissons (AQRCB) a reçu la confirmation qu’elle aura la responsabilité de la gestion du nouveau système de consigne.
L’AQRCB devra, dès le mois de novembre 2022, entre‐ prendre des démarches en vue de conclure des contrats établissant les paramètres qui encadreront la participation des détaillants visés par l’élar‐ gissement de la consigne, in‐ dique le ministère de l’Envi‐ ronnement par courriel.
L’AQRCB et les détaillants ont ainsi plusieurs mois pour convenir de ces paramètres et pour assurer une mise en oeuvre optimale du système modernisé à temps pour le 1er novembre 2023, ajoute le ministère.
Un des administrateurs de l’AQRCB est conscient que sa mission, c’est de tout faire pour y arriver, mais il assure avoir déjà manifesté ses craintes au gouvernement.
On a déjà annoncé au gou‐ vernement les difficultés qu'on allait rencontrer. On a signalé dès le dépôt du règle‐ ment que les délais étaient trop serrés d'après nous.
Martin-Pierre Pelletier, ad‐ ministrateur de l'AQRCB
On avait peur que ça nous mène dans une situation où l'expérience des Québécois ne sera pas à la hauteur de leurs attentes si on va trop vite, ajoute M. Pelletier.
L’ADAQ se demande par ailleurs sur quels éléments factuels se base le ministère de l’Environnement pour affir‐ mer que la date butoir du 1er novembre 2023 est en‐ core réaliste.
Est-ce qu'ils ont des lettres d'intention des fabricants qui vont leur assurer un [nombre suffisant] de machines de ré‐ cupération? se demande M. Lacasse.
Est-ce que le ministère a des lettres de [l’AQRCB] dé‐ montrant le nombre de ca‐ mions supplémentaires qui vont être sur les routes pour récupérer ces contenants-là? Est-ce que la chaîne logistique est prête?
M. Lacasse estime que l’im‐ plantation de la consigne élar‐ gie pourrait nécessiter des in‐ vestissements d’au moins un milliard de dollars.