Hydro-Québec a versé des millions de dollars à McKinsey pour l’aider à gérer ses barrages
Avant de lancer des tra‐ vaux de réfection d'une centrale hydroélectrique, Hydro-Québec fait valider sa décision auprès du cabi‐ net-conseil McKinsey, a ap‐ pris Radio-Canada. Et ce n'est pas le seul rôle joué, en coulisses, par cette firme américaine dans les affaires de la société d'État québécoise.
Hydro-Québec confirme que ce cabinet travaille sur des mandats stratégiques, des questions d'approvision‐ nements et des innovations. Au cours des six dernières an‐ nées, la société d'État a versé 31 millions de dollars à McKin‐ sey et doit encore lui payer sept millions de dollars pour des mandats en cours.
Des experts et des sources à l'interne s'interrogent toute‐ fois sur l'ampleur et sur la per‐ tinence de cette relation d'af‐ faires. Hydro-Québec assure que cette firme de consul‐ tants lui fait économiser de l'argent et que les secrets in‐ dustriels sont bien protégés.
Des consultants qui as‐ sistent aux réunions
Dans certains dossiers, il y a tout le temps des gens de McKinsey aux réunions, ra‐ conte un cadre d'Hydro-Qué‐ bec qui n'est pas autorisé à parler publiquement. Ça frustre beaucoup de gens.
Tout comme avec le gou‐ vernement Legault durant la pandémie, McKinsey ne prend pas les décisions, mais la firme joue un rôle clé dans le processus de prise de déci‐ sions pour valider des choix. Ça alourdit le processus, dé‐ nonce ce gestionnaire.
Souvent, les consultants arrivent à la même conclusion que les ingénieurs initiale‐ ment, raconte cette source. C'est quoi, l'intérêt?
Il y a une perte de confiance, de courage. Ça de‐ vient une culture d’entreprise.
Un cadre d'Hydro-Québec qui a requis l'anonymat
Ils sont écoutés aveugle‐ ment par moments, constate une autre source interne qui a requis l'anonymat. Une troi‐ sième source s'interroge quant à elle sur la sous-trai‐ tance d’une expertise dont l’État devrait disposer.
Certains contrats sans appels d'offres
Sur les 38 millions de dol‐ lars de contrats accordés, des contrats d'une valeur de 5,8 millions l'ont été sans ap‐ pel d'offres, par entente de gré à gré. Le mode de sollicita‐ tion utilisé pour l’ensemble des dossiers respecte le cadre réglementaire, assure HydroQuébec.
Hydro-Québec se faire « challenger » veut
L'an dernier, McKinsey a obtenu un contrat de cinq millions de dollars de la part d'Hydro-Québec pour analy‐ ser les coûts et la pertinence de travaux de réfection dans les centrales hydroélectriques jusqu'en 2024. C’est de l’exper‐ tise qu’on a chez nous, mais on cherche à valider les déci‐ sions, explique le porte-parole de la société d'État, Maxence Huard-Lefebvre.
À l'interne, Hydro-Québec utilise même un concept ins‐ piré de McKinsey, appelé « so‐ lution technique optimale », dont l'objectif consiste à ne dépenser ni trop ni trop peu pour un projet.
C’est bon de requestionner ses pratiques, des fois, puis de se ''challenger' et de se de‐ mander si on investit les bonnes sommes. [...] Ça peut nous confirmer qu’on est sur la bonne voie.
Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole d'Hydro-Québec
Hydro-Québec fait aussi valoir qu'elle tire profit du ré‐ seau international de la firme, qui lui permet de se tenir au fait des meilleures pratiques à l’échelle mondiale et de prendre des décisions éclai‐ rées par la suite.
Par exemple, McKinsey a aidé Hydro-Québec à se posi‐ tionner dans les marchés d'in‐ novation. On peut penser aux matériaux de batteries et à tout ce qui se fait dans nos instituts de recherche, ex‐ plique Maxence Huard-Le‐ febvre.
On veut rester des leaders mondiaux. C’est un domaine qui évolue vite partout.
Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole d'Hydro-Québec
Des rogent experts s'inter‐
Le professeur Sylvain Au‐ dette, membre associé à la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal, estime que le recours aux consultants comme McKinsey peut être utile, « avec parci‐ monie », pour éviter des em‐ bauches ponctuelles, pour analyser des pratiques inter‐ nationales ou pour valider une décision.