Face à l’inflation et à la hausse des taux, les familles revoient leurs calculs
Le découragement se lit sur le visage de Jeanine Messanvi lorsqu’elle aborde la question du budget fami‐ lial. Cette dynamique mère de cinq enfants n’est pour‐ tant pas du genre à négli‐ ger ses finances.
Avec son mari, ils ont ache‐ té une maison à Saint-Jeansur-Richelieu en juillet dernier. Tous deux ont des salaires modestes, et s'ils se sont éloi‐ gnés de Montréal, leur lieu de travail, c'est pour avoir accès à la propriété et se procurer une résidence assez spacieuse pour toute la famille.
Après 10 ans en coopéra‐ tive d’habitation, ils avaient mis de l’argent de côté. Assez, pensaient-ils, pour avoir de la marge de manoeuvre.
On avait des économies, donc on a opté pour un taux variable, avec un salaire qui paie l'hypothèque et l'autre qui nous fait vivre, détaille la mère de famille. C'est comme ça qu'on avait fait nos calculs.
Sauf qu'en quelques se‐ maines, les remboursements hypothécaires ont grimpé en flèche. Les versements sont passés de 980 $ à 1209 $ toutes les deux semaines, et l'inflation s'est aussi mise de la partie. J'ai dit à mon mari : on doit s'asseoir et revoir nos calculs.
Depuis, le couple court après les aubaines pour ré‐ duire la facture d'épicerie. Il a aussi pris la décision de vendre sa deuxième voiture.
La famille a également coupé dans les dépenses non essentielles, comme les déco‐ rations d'Halloween, les sor‐ ties hebdomadaires au res‐ taurant ou les vacances de Noël dans un hôtel de Qué‐ bec, une tradition chez elle. Pourtant, malgré les efforts, les fins de mois demeurent difficiles.
J'étais très anxieuse, j'ai rencontré mon médecin, je lui en ai parlé. Je commence à parler des finances avec mes enfants, pour leur expliquer. Je leur ai dit : ''Si on décore à l'Halloween, on ne va pas le faire pour Noël.'' On com‐ mence à couper pour nous, les parents, mais aussi pour les enfants.
Jeanine Messanvi
Une bombe à retarde‐ ment
Jeanine Messanvi est loin d’être la seule à s'inquiéter pour ses finances. Depuis sep‐ tembre, ça a monté de façon assez spectaculaire, constate Hélène Hétu, consultante budgétaire à l'Association co‐ opérative d'économie fami‐ liale (ACEF) de la Rive-Sud.
Depuis lors, ses ateliers af‐ fichent régulièrement com‐ plet, que ce soit pour les ren‐ contres de budget 101, l’activi‐ té bien manger à bon compte ou les séances d’information sur les solutions à l'endette‐ ment.
Surtout, elle constate une demande accrue pour les pe‐ tits prêts de 700 $ et moins et les aides pour loyers non payés, deux programmes of‐ ferts par l’ACEF Rive-Sud.
Selon le dernier rapport d'Equifax, la dette à la consommation totale des Ca‐ nadiens a augmenté de 8,2 % au second trimestre par rap‐ port à la même période l'an dernier.
On voit une hausse impor‐ tante des situations difficiles d'endettement, constate Mme Hétu.
Pour le moment, c'est l'in‐ flation qui fait le plus de dé‐ gâts, mais elle prédit que la hausse des taux d'intérêt est une bombe à retardement.
Elle prévoit que de nom‐ breux ménages vont devoir renouveler leur prêt hypothé‐ caire dans les prochains mois à des taux bien plus élevés que le taux initial.
Les banques vigilantes
De leur côté, les banques sont dans l'expectative, même si elles n'anticipent pas de situation catastrophique à court terme. Le Mouvement Desjardins a cependant pris les devant avec les clients aux finances les plus fragiles.
Un contact a été établi avec chacun d’entre eux pour trouver des stratégies afin de limiter les impacts. Certains se voient proposer des forfaits pour rembourser de manière ponctuelle et non pas toutes les deux semaines ou chaque mois. D’autres décident de re‐ pousser l'échéance du prêt pour diminuer les mensuali‐ tés.
Ils sont peu nombreux à être vulnérables à la hausse des taux d'intérêt, précise la porte-parole principale, Chan‐ tal Corbeil.
Selon la Société cana‐ dienne d'hypothèques et de logement, le taux des prêts hypothécaires ordinaires avec un terme de cinq ans est pas‐ sé de 3,22 % à 6,64 % entre septembre 2021 et septembre 2022.