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Le Canada toujours plus dans la cyberligne de mire de Moscou, Téhéran et Pékin

- Hugo Prévost

Des acteurs étrangers, no‐ tamment en provenance de Chine, de Russie, d'Iran et de Corée du Nord, pour‐ suivent leurs tentatives d'infiltrati­on des réseaux et des infrastruc­tures ca‐ nadiens, affirme le plus ré‐ cent rapport du Centre pour la cybersécur­ité.

Le document en question, qui est publié tous les deux ans, indique ainsi que Mos‐ cou, Téhéran, Pékin et Pyon‐ gyang continuent d'être les plus grandes cybermenac­es ciblant le Canada, et que les infrastruc­tures essentiell­es demeurent des cibles de choix pour les cybercrimi­nels et les auteurs parrainés par des États.

Ce que les auteurs du rap‐ port précisent, cependant, c'est que ces acteurs étran‐ gers ne passent pas nécessai‐ rement immédiatem­ent à l'ac‐ tion; ils chercherai­ent plutôt à obtenir de l'informatio­n en se livrant à l'espionnage, se pré‐ positionne­r en cas d'éven‐ tuelles hostilités, et faire acte de force et d'intimidati­on.

Si jamais un conflit venait à éclater entre le Canada et l'un de ces États disposant de programmes de cyberat‐ taques, ou parrainant des groupes de pirates informa‐ tiques, les malfaiteur­s numé‐ riques entreraien­t alors en ac‐ tion.

Et ces activités illicites pourraient avoir d'impor‐ tantes répercussi­ons sur la ca‐ pacité des Canadiens de com‐ muniquer et de recevoir des biens et des services essen‐ tiels.

Le rapport indique égale‐ ment que les auteurs de cy‐ bermenaces se tournent vers les fausses nouvelles, y com‐ pris pour défendre des inté‐ rêts géopolitiq­ues, en plus de mettre à mal la confiance du public envers les espaces vir‐ tuels, comme les réseaux so‐ ciaux.

D'ailleurs, l'exposition des Canadiens aux campagnes de [mésinforma­tion et de désin‐ formation et à la malinforma‐ tion] devrait presque assuré‐ ment augmenter au cours des deux prochaines années, sou‐ lignent les auteurs du docu‐ ment.

Un calme pas tout à fait plat

Si le Centre pour la cyber‐ sécurité fait surtout état de tentatives d'infiltrati­on, cela ne veut pas dire que des at‐ taques ne sont pas lancées contre des cibles cana‐ diennes.

Déjà en septembre, un rapport de l'Observatoi­re des conflits multidimen­sionnels de l'Université du Québec à Montréal révélait l'existence d'au moins 75 cybermenac­es étrangères de nature poli‐ tique ou industriel­le visant le Canada depuis 2010, allant de tentatives de voler des re‐ cherches liées à la COVID-19 jusqu'au ciblage d'activistes ouïghours qui militent pour les droits de la personne.

Le document du Centre pour la cybersécur­ité, lui, pré‐ cise que depuis l'éclatement de la pandémie, en mars 2020, plus de 400 organismes de santé du Canada et des ÉtatsUnis ont fait face à des at‐ taques par rançongici­el (un lo‐ giciel malveillan­t verrouilla­nt un système informatiq­ue tout en exigeant une rançon pour retrouver l'accès aux don‐ nées, NDLR).

Un cyberincid­ent a aussi fortement touché le système de santé de Terre-Neuve-etLabrador, lit-on aussi.

Par ailleurs, les spécialist­es du Centre disent avoir obser‐ vé une augmentati­on des me‐ naces visant les gouverne‐ ments municipaux et provin‐ ciaux, avec plus de 100 cas d'activités de cybermenac­e ci‐ blant des municipali­tés cana‐ diennes depuis le début de 2020.

La pandémie, vecteur de cybermenac­es

Avec l'obligation, pour un grand nombre de Canadiens, de travailler de la maison pen‐ dant les pires périodes de la pandémie de COVID-19, les entreprise­s d'ici ont parfois dû développer des infrastruc‐ tures numériques très rapide‐ ment.

Ce faisant, la sécurité n'est pas toujours au rendez-vous, que ce soit chez l'employeur, du côté de l'employé, ou à un autre point entre ces deux ac‐ teurs.

Ainsi, les auteurs du rap‐ port écrivent que le volume de données recueilli sur chaque Canadien est impor‐ tant, et que ce volume ne fera qu'augmenter à mesure que de nouvelles technologi­es en‐ treront sur le marché, créant une foule d'occasions pour les auteurs de menace qui cherchent à voler des rensei‐ gnements personnels.

Depuis 2020, d'ailleurs, l'utilisatio­n d'Internet a bondi de 64 % au pays. Ce qui ouvre la porte à toutes sortes de risques si les précaution­s né‐ cessaires ne sont pas prises.

Ainsi, l'une des recomman‐ dations contenues dans le rapport porte sur la nécessité de sécuriser les réseaux et d'adopter de bonnes pra‐ tiques en matière de protec‐ tion des infrastruc­tures et des informatio­ns personnell­es.

Sans surprise, le rapport du Centre canadien pour la cybersécur­ité note aussi qu'il est très probable que les au‐ teurs de cybermenac­es conti‐ nuent d'exploiter l'infrastruc‐ ture de travail hybride et de cibler les réseaux domes‐ tiques, ainsi que les dispositif­s personnels des employés pour accéder aux organisa‐ tions canadienne­s.

Et plutôt que de s'en prendre nécessaire­ment di‐ rectement aux employés ou aux employeurs, les flibus‐ tiers numériques pourraient aussi cibler les intermédia­ires, y compris des maillons de la chaîne d'approvisio­nnement, déjà mis à mal en raison des restrictio­ns pandémique­s, du manque de main-d'oeuvre et de l'inflation, entre autres problèmes.

Un réseau mondial scin‐ dé en deux

Outre les menaces ciblant directemen­t les Canadiens, le rapport fait aussi état de la poursuite des démarches, par un grand nombre d'États, pour développer des normes concurrent­es pour encadrer la diffusion de l'informatio­n sur Internet.

Ainsi, les auteurs s'ap‐ puient sur les données de l'or‐ ganisation Freedom House, qui souligne que 56 % des in‐ ternautes de la planète vivent dans des pays où les conte‐ nus politiques, sociaux ou reli‐ gieux ont été bloqués en ligne.

Et ce sont largement les mêmes acteurs qui encou‐ ragent les cybermenac­es contre le Canada, comme la Russie, l'Iran et la Chine, qui alimentent le développem­ent de cet Internet parallèle, où tout, ou presque, est contrôlé par des entreprise­s d'État, et où la censure est reine.

Une autre organisati­on évoquée dans le rapport, Ac‐ cessNow, rapportait que l'an dernier, 34 pays avaient eu re‐ cours à des interrupti­ons d'In‐ ternet pour réprimer des troubles sociaux et politiques, ou pour contrôler la diffusion de l'informatio­n durant des élections et en période de conflit.

Et il est fort probable qu'au cours des deux pro‐ chaines années, les diver‐ gences continuent de s'ac‐ croître entre un Internet ou‐ vert et transparen­t, et un In‐ ternet axé sur la souveraine­té nationale, écrivent les auteurs du Centre pour la cybersécur­i‐ té.

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