La santé publique du Nunavik dit avoir les mains liées par le manque de logement
Face à la vague de décès de nourrissons qui a frappé le Nunavik en 2021, la santé publique régionale sou‐ tient que ses efforts de pré‐ vention sont limités par le manque de logements, qui force des familles entières à partager des espaces de vie inadéquats.
La Régie régionale de san‐ té et de services sociaux du Nunavik réagit ainsi au rap‐ port de la coroner Gene‐ viève Thériault, publié récem‐ ment.
Dans son enquête, la coro‐ ner souligne le lien étroit entre le surpeuplement des logements et le décès soudain d’une dizaine d’enfants de moins d’un an, durant l’an‐ née 2021.
L’enjeu soulevé par la coro‐ ner Thériault est toutefois dé‐ jà bien connu à la santé pu‐ blique régionale.
Manque d’espace
Il n’est pas rare, au Nuna‐ vik, de voir des chambres pleines à craquer. Différentes générations se partagent ré‐ gulièrement des logements trop petits.
Par manque d’espace, les nourrissons doivent souvent partager le lit des adultes.
La situation pose un risque sérieux pour la santé du bébé, qui pourrait se re‐ trouver accidentellement écrasé durant son sommeil.
La Régie régionale a donc financé l’achat de lits sécuri‐ taires pour bébé dans toutes les communautés du Nunavik au cours des dernières an‐ nées.
Les autorités de santé se sont toutefois rendu compte que le manque d’espace dans les pièces faisait en sorte que les lits n’étaient généralement pas utilisés.
Les jeunes parents n’ont souvent pas leur propre loge‐ ment et doivent vivre avec toute la parenté. Pour leur pe‐ tite famille à eux, ils n’ont qu’une pièce dans laquelle ils vont mettre des matelas par terre. Ça remplit le plancher et il n’y a tout simplement pas de place pour une bassinette, explique la Dr Faisca Richer, adjointe médicale à la direc‐ tion de santé publique du Nu‐ navik.
La lutte au tabagisme est aussi un cheval de bataille im‐ portant de la Santé publique régionale.
L’exposition à la fumée se‐ condaire chez les nourrissons a été identifiée comme étant un facteur de risque impor‐ tant.
Encore une fois, le manque d’espace dans les logements mine les efforts de la santé publique.
La mère peut avoir la meilleure volonté du monde d’arrêter de fumer durant la grossesse et après, mais si elle ne vit pas dans son propre lo‐ gement, ça va être extrê‐ mement difficile pour elle d’imposer aux autres qu’il n’y ait aucune fumée secondaire dans la maison, ajoute la Dre Richer.
Cette dernière identifie donc le manque de logement comme un élément central dans les problèmes de santé publique de la région.
Si on était capable de com‐ bler le manque de logements, à l’aide d’un financement adé‐ quat et du soutien correct de nos gouvernements, on tra‐ vaillerait non seulement sur la prévention de la mort subite du nourrisson, mais aussi sur les enjeux de tuberculose, ex‐ plique-t-elle.
On n’aurait probablement pas eu la vague de COVID qu’on a eue. On aurait fort probablement beaucoup moins de suicides, de violence et d’abus chez les enfants, ajoute la Dre Faisca Richer.
Augmenter l’offre de lo‐ gement
Dans son rapport, la coro‐ ner Thériault recommande la construction rapide de loge‐ ments pour réduire les fac‐ teurs de risque chez les fa‐ milles. Elle interpelle le gou‐ vernement fédéral et provin‐ cial pour qu’ils se saisissent du dossier.
Le ministre fédéral des Re‐ lations Couronnes-Autoch‐ tones, Marc Miller, a réagi à la publication du rapport de la coroner. Il reconnaît que les besoins sont grands, et que le financement actuel est insuf‐ fisant pour pallier le manque de logement.
On sait que, durant les deux derniers cycles budgé‐ taires, ce n'était pas assez pour combler l’écart en loge‐ ment. La cible, c’est 2030. Il va falloir que le gouvernement, peu importe lequel, fasse des investissements soutenus pour les prochains cycles bud‐ gétaires. C’est quelque chose qu’on regarde d’année en an‐ née. Il ne faut pas lâcher prise, explique le ministre Marc Mil‐ ler.
La coroner a aussi interpel‐ lé le secrétariat des Affaires autochtones du Québec, maintenant appelé ministère des Relations avec les Pre‐ mières Nations et les Inuits. Le ministre responsable, Ian Lafrenière, n’a pas souhaité répondre à nos questions pour le moment.
Sur le terrain, les attentes sont grandes. Récemment, l’Office municipal d’Habitation Kativik faisait état de 800 loge‐ ments manquants dans la ré‐ gion.
La construction est no‐ tamment ralentie par les coûts prohibitifs du transport des matériaux au Nord et la courte saison de construc‐ tion.
Une centaine de loge‐ ments sont actuellement construits chaque année dans la région, un rythme qui ne ré‐ pond pas à la croissance dé‐ mographique rapide au Nu‐ navik.
Le problème restera donc entier, tant et aussi long‐ temps que les ressources né‐ cessaires ne seront pas inves‐ ties pour accélérer la construction.