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Parti conservate­ur du Québec : l’heure des choix

- Hugo Lavallée

Pas facile de gagner et de perdre à la fois. C’est sans doute cette contradict­ion apparente qui provoque en ce moment autant de re‐ mous au sein du Parti conservate­ur du Québec (PCQ).

Le PCQ a recueilli plus d’un demi-million de votes le mois dernier – soit 9 fois plus qu’aux élections précé‐ dentes – mais n’est pas parve‐ nu à faire élire un seul député.

Conséquenc­e : une guerre intestine couve, nous appre‐ nait plus tôt cette semaine notre collègue Alexandre Du‐ val. À qui revient la responsa‐ bilité de la défaite? Ceux qui ont orchestré la dernière cam‐ pagne électorale doivent-ils conserver leur poste ou les fautes qu’ils ont commises méritent-elles qu’on fasse le grand ménage?

Bien sûr, toute formation politique qui souhaite pro‐ gresser doit attribuer les postes clefs aux bonnes per‐ sonnes. La campagne menée par les conservate­urs était certes lacunaire – on n’a qu’à penser à la façon dont a été géré l’épisode des taxes im‐ payées –, mais les militants auraient tort de consacrer trop d’énergie à chercher des coupables. L’essentiel est ailleurs.

Au-delà des questions or‐ ganisation­nelles, le parti de‐ vra surtout clarifier sa posi‐ tion idéologiqu­e, comme cela a déjà été abondammen­t sou‐ ligné ces derniers temps. C’est que la croissance du PCQ, de‐ puis un an et demi, a été aussi fulgurante que désordonné­e.

À la base militante tradi‐ tionnelle du parti – mobilisée autour de politiques fiscales et économique­s résolument à droite – s’est greffée toute une foule d’électeurs ayant surtout en commun leur op‐ position aux mesures sani‐ taires. Ils partagent aussi, bien souvent, une certaine mé‐ fiance à l’égard de l’État et de ses institutio­ns.

Lors du grand rassemble‐ ment tenu au Centre Vidéo‐ tron durant la campagne élec‐ torale, l’hétérogéné­ité de la foule était visible. Des gens venus des quatre coins du Québec exhibaient fièrement les affiches à l’effigie du candi‐ dat de leur circonscri­ption. Quelques anglophone­s parse‐ maient l’auditoire. Des entre‐ preneurs bien nantis cô‐ toyaient les électeurs les plus modestes, mais l’éclectisme n’y était pas que socioécono‐ mique.

Interrogés sur les ratés du système de santé, des ci‐ toyens prônaient le désenga‐ gement le plus complet de l’État, tandis que d’autres sou‐ haitaient au contraire couper les subvention­s aux entre‐ prises pour mieux financer les services publics. L'ambiguïté était la même sur les enjeux identitair­es.

Quelle direction prendre?

Comme le soulignait cette semaine dans un texte la mili‐ tante Joanne Marcotte, le vi‐ rage à gauche du Pari libéral et l’interventi­onnisme écono‐ mique de la Coalition avenir Québec (CAQ) ont libéré une place à la droite du spectre économique où le PCQ peut espérer croître. C’est visible‐ ment cet espace que le chef du parti a tenté d’occuper du‐ rant la campagne électorale.

Sur la question identitair­e en revanche, la direction du Parti conservate­ur s’est mon‐ trée plus ambiguë. Lorsqu’il s’est lancé dans la course à la direction du Parti conserva‐ teur du Québec en no‐ vembre 2020, Éric Duhaime avait déclaré qu’il serait très ferme sur la défense et la pro‐ motion de l’identité québé‐ coise, de notre culture unique et de notre langue française.

On connaît la suite. Der‐ rière une affichette sur la‐ quelle figuraient les mots Bill 96 marqués d’un signe d’interdicti­on rouge, le chef conservate­ur a plutôt promis en campagne d’abroger la loi censée renforcer la loi 101.

Les positions du parti en matière d’immigratio­n sont aussi équivoques. Si Éric Du‐ haime a évoqué la construc‐ tion d’un mur à la frontière pour juguler l’arrivée des de‐ mandeurs d’asile en territoire québécois, des militants sou‐ haitent plutôt augmenter les seuils dans un souci d’éliminer toute entrave au développe‐ ment économique.

D’autres enjeux mériteront sans doute d’être soulevés ces prochains mois. Le parti de‐ vrait-il adopter une position plus affirmée sur la question de l’environnem­ent? Aller plus loin au chapitre de la privati‐ sation des services publics? Promettre des réformes de pour renforcer le lien de confiance entre les citoyens et leurs institutio­ns?

Si les résultats des der‐ nières élections guideront sans doute les militants dans leur réflexion, rien n’est hélas blanc ou noir. C’est que le PCQ a fait des gains dans des cir‐ conscripti­ons disparates.

Sur quel électorat mi‐ ser?

À l’échelle du Québec, les conservate­ur ont indéniable‐ ment obtenu leurs meilleurs résultats dans la région de Chaudière-Appalaches. C’est dans Beauce-Sud que le score a été le plus élevé, le candidat Jonathan Poulin ayant obtenu 16 187 votes et 43,4 % d’ap‐ pui.

En fait, le PCQ a obtenu plus de votes dans les 7 cir‐ conscripti­ons de ChaudièreA­ppalaches, qu’il n’en a obte‐ nu dans les 27 de l’île de Montréal. Le parti a aussi très bien fait dans la région de la Capitale-Nationale, en Mauri‐ cie et au Centre-du-Québec.

Il faut aussi souligner les bons scores obtenus par le PCQ dans une poignée de cir‐ conscripti­ons de l’ouest de l’île de Montréal. Dans le château fort libéral de D’Arcy-McGee, le PCQ est allé chercher 22,0 % d’appui, soit 5677 votes bien comptés. Aucun de ses adver‐ saires libéraux de l’île de Montréal n’a cependant été sérieuseme­nt inquiété comme ont pu l’être les candi‐ dats de la Coalition avenir Québec dans la grande région de Québec.

Les conservate­urs ont jus‐ qu’ici voulu ménager la chèvre et le chou, en courtisant plu‐ sieurs clientèles électorale­s à la fois, mais ils devront tôt ou tard faire des choix. Il semble inévitable dans les circons‐ tances que cela entraîne des départs autant que de nou‐ velles adhésions.

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