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Les enjeux des élections de mi-mandat aux États-Unis

- Ximena Sampson

Les Américains ont com‐ mencé à voter par antici‐ pation aux élections de mimandat afin de choisir des milliers d’élus qui les repré‐ senteront au cours des pro‐ chaines années.

Techniquem­ent, les élec‐ tions ont lieu le 8 novembre. Mais déjà, plus de 2 millions de personnes se sont pronon‐ cées dans les États où le vote par anticipati­on a débuté. Une affluence record qui laisse présager un taux de participat­ion élevé pour un scrutin qui, d’habitude, n’at‐ tire pas les foules.

C’est que les enjeux sont importants dans un pays très divisé, sur lequel plane tou‐ jours l’ombre de Donald Trump.

Outre les représenta­nts et les sénateurs, les Américains voteront pour leurs représen‐ tants au sein des États et pour des milliers d’administra‐ teurs qui pourront jouer un rôle déterminan­t en vue de l’élection de 2024.

Aux États-Unis, il y a des élections législativ­es tous les deux ans; celles de mi-mandat surviennen­t à la moitié du mandat présidenti­el de quatre ans. Tout comme les présidenti­elles, elles se tiennent le mardi suivant le premier lundi de novembre.

Le Congrès fédéral

Les élections permettron­t de renouveler tous les sièges de la Chambre des représen‐ tants et le tiers des sièges du Sénat.

La Chambre des représen‐ tants compte 435 membres ayant un mandat de deux ans. Le nombre des représen‐ tants de chaque État est fixé en fonction de sa population. L’État le plus populeux, la Cali‐ fornie, en a 53, tandis que les États les moins peuplés, comme l’Alaska ou le Ver‐ mont, en ont un seul.

Les démocrates dé‐ tiennent actuelleme­nt une mince majorité en Chambre, avec 220 sièges. Les républi‐ cains en ont 212, et 3 sont va‐ cants.

Les sénateurs, eux, sont au nombre de 100, soit deux par État, indépendam­ment de leur population. Leur mandat est de six ans. Le tiers du Sé‐ nat est renouvelab­le, en rota‐ tion, tous les deux ans. Les deux sièges d’un État ne sont habituelle­ment pas soumis au vote des électeurs lors des mêmes cycles électoraux. Cette année, 35 sièges sont en jeu : 21 républicai­ns et 14 dé‐ mocrates.

Ce sont les républicai­ns qui ont la majorité en ce mo‐ ment, avec 50 sénateurs. Les démocrates en ont 48, et 2 sont indépendan­ts. Ces der‐ niers, Bernie Sanders et Angus

King, du Vermont, votent avec les démocrates. Le vote de la vice-présidente, Kamala Harris, qui est également pré‐ sidente du Sénat, fait pencher la balance du côté des démo‐ crates en cas d’égalité.

Les démocrates ne peuvent se permettre de perdre aucun siège, ils doivent, au contraire, en ga‐ gner. Leurs meilleures chances sont en Pennsylvan­ie et au Wisconsin. Ils doivent également essayer de conser‐ ver la Georgie et le Nevada.

L’importance des élec‐ tions de mi-mandat

Le Parti démocrate détient actuelleme­nt la majorité dans les deux Chambres, ce qui a permis au président Biden de faire adopter ses projets de loi moyennant des concession­s à des sénateurs récalcitra­nts.

Cela pourrait se corser après le 8 novembre. Les ana‐ lystes prévoient que les dé‐ mocrates devraient perdre la majorité à la Chambre des re‐ présentant­s. Il sera donc beaucoup plus difficile pour le président de gouverner.

Si le Parti démocrate per‐ dait le contrôle d’une des deux chambres au Congrès, il faudrait qu'il fasse des com‐ promis importants avec le Parti républicai­n, ce qui est peu envisageab­le considéran­t l’hyperpolar­isation en ce mo‐ ment aux États-Unis, estime Marin Fortin-Bouthot, cher‐ cheur et coordonnat­eur de l’Observatoi­re sur les ÉtatsUnis de la Chaire Raoul-Dan‐ durand.

Cela veut dire qu’il va y avoir beaucoup de blocages législatif­s, ajoute Antoine Yo‐ shinaka, professeur de sciences politiques à l’Univer‐ sité de New York à Buffalo, en entrevue à l'émission Tout un matin. Ses projets de loi ne se feront pas entériner par une majorité républicai­ne.

Avec une majorité en Chambre, les républicai­ns pourraient déclencher des procédures de destitutio­n contre M. Biden et des membres de son administra‐ tion, souligne M. Yoshinaka. Ils pourraient également ré‐ clamer la tenue d'audiences publiques sur la gestion de la pandémie de COVID-19 ou le retrait de l’Afghanista­n.

Les élections de mi-man‐ dat sont généraleme­nt défa‐ vorables au parti qui occupe la présidence, surtout à la Chambre des représenta­nts. En 2018, Donald Trump a per‐ du 40 sièges; en 2010, Barack Obama en a perdu 63. Au Sé‐ nat, le portrait est plus chan‐ geant. M. Trump a gagné 2 sièges, M. Obama en a per‐ du 6. En moyenne, le parti présidenti­el perd 28 sièges à la Chambre et 4 au Sénat, se‐ lon les données compilées par The American Presidency Pro‐

ject.

Des milliers d'autres postes en jeu

Les Américains devront faire de multiples autres choix au niveau des États.

Trente-six États doivent ainsi élire leur gouverneur. Vingt gouverneur­s sortants sont républicai­ns et seize sont démocrates.

Certaines de ces courses préparent le terrain pour l’élection de 2024, souligne Marin Fortin-Bouthot. Elles permettent de voir jusqu’à quel point il y a un appui pour ces candidatur­es au niveau des États. Il cite notamment le cas du gouverneur sortant de la Floride, Ron DeSantis, po‐ tentiel rival pour l'ancien pré‐ sident Donald Trump dans la course à la Maison-Blanche.

Il n’y a pas de doute sur sa réélection à la tête de l’État, précise le chercheur, mais l’ampleur de l’appui qu’il ob‐ tiendra dans cette élection pourrait peser dans sa déci‐ sion de se présenter, ou pas, à l’investitur­e républicai­ne en 2024.

D’autres courses à la tête des États seront aussi cru‐ ciales pour jauger le soutien populaire à Donald Trump.

En Arizona, la républicai­ne Kari Lake affronte la secrétaire d’État, Katie Hobbs. Mme Hobbs s’est fait connaître pour avoir défendu les résul‐ tats des élections de l'Arizona contre les allégation­s de fraude de Donald Trump. Kari Lake, pour sa part, appuie fer‐ mement les revendicat­ions de l'ex-président et s'est engagée à interdire le vote par corres‐ pondance si elle gagne.

En Georgie, le gouverneur républicai­n sortant, Brian Kemp, a résisté aux pressions de Donald Trump pour invali‐ der les résultats de l’élection présidenti­elle. Il fait face à la démocrate Stacey Abrams.

En Pennsylvan­ie, le procu‐ reur général démocrate, Josh Shapiro, affronte le sénateur républicai­n Doug Mastriano, un partisan de la théorie du Grand Mensonge, qui a parti‐ cipé au rassemblem­ent du 6 janvier.

Enfin, au Wisconsin, un autre partisan de Donald Trump, le magnat de la constructi­on Tim Michels, fait face au gouverneur démo‐ crate sortant, Tony Evers. M. Michels a faussement affirmé que Trump avait remporté les élections de 2020 et a promis, s'il était élu, d'appliquer une loi interdisan­t les interrup‐ tions de grossesse qui date de 1849.

Des courses détermi‐ nantes pour la prochaine présidenti­elle

En plus des gouverneur­s, les Américains élisent leurs re‐ présentant­s ou leurs séna‐ teurs dans 88 des 99 chambres législativ­es du pays. Plus de 6000 postes sont en jeu au niveau des États.

Les républicai­ns, qui dé‐ tiennent actuelleme­nt 54 % des sièges de législateu­rs éta‐ tiques et contrôlent 62 chambres d’assemblée, de‐ vraient conserver leur avan‐ tage.

Des milliers de postes de maires, de conseiller­s munici‐ paux, de juges et de shérifs sont également à pourvoir.

Ces élections, apparem‐ ment mineures, seront pour‐ tant cruciales pour l’avenir de la démocratie aux États-Unis, estime Antoine Yoshinaka.

C’est que les Américains voteront pour des gouver‐ neurs, des secrétaire­s d’État et des procureurs généraux qui jouent un rôle clé au sein des administra­tions, autant dans le redécoupag­e de la carte électorale que dans la certificat­ion des élections.

Plusieurs parmi les candi‐ dats à ces postes sont des partisans de Donald Trump et des tenants de la théorie du Grand Mensonge, selon la‐ quelle l’élection de 2020 est entachée de fraude et Joe Bi‐ den n’est pas le président légi‐ time des États-Unis.

Selon les données compi‐ lées par CNN, parmi les 27 candidats républicai­ns au poste de secrétaire d’État, 11 ont remis en question ou ten‐ té d'invalider les résultats de 2020. C’est également le cas de 22 candidats au poste de gouverneur (sur 36) et de 19 candidats au poste de sé‐ nateur (sur 35).

À la suite de ces élections, il est possible que l’adminis‐ tration électorale de certains États se retrouve ainsi aux mains d’élus qui adhèrent au Grand Mensonge, souligne Antoine Yoshinaka.

Dans l’Arizona ou le Neva‐ da, des États pivots qui ne sont acquis à aucun des deux partis, l'administra­tion électo‐ rale efficace et neutre est me‐ nacée, estime le chercheur.

En Arizona, par exemple, le candidat républicai­n au poste de secrétaire d’État, Mark Fin‐ chem, est membre de groupe d'extrême droite The Oath Keepers, accusé d’avoir parti‐ cipé à l’assaut du Capitole. Pendant toute sa campagne, il a affirmé que l’élection avait été frauduleus­e. S’il est élu, Finchem sera responsabl­e de diriger les élections de l'État en 2024.

S’ils prennent le pouvoir, ils vont avoir les moyens d'al‐ térer en leur faveur le proces‐ sus électoral ou de remettre en cause la légitimité des ré‐ sultats, si jamais l'élection n'al‐ lait pas dans leur sens.

Marin Fortin-Bouthot, co‐ ordonnateu­r de l’Observa‐ toire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand

Les secrétaire­s d'État sont habituelle­ment les plus hauts responsabl­es des élections dans leur État; leurs responsa‐ bilités vont de l'administra‐ tion de la base de données des électeurs à la certificat­ion des résultats. Ce sont des postes partisans, mais qui ont un grand pouvoir sur admi‐ nistration des élections, ajoute M. Fortin-Bouthot.

Les gouverneur­s et les sé‐ nateurs jouent, eux aussi, un rôle important dans la certifi‐ cation des résultats et dans la mise en place des règles élec‐ torales.

L’arrivée au pouvoir d’élus qui remettent en question la légitimité du président serait très problémati­que pour la démocratie à l’approche des élections de 2024, croit M. Fortin-Bouthot.

Combien de candidats ré‐ publicains qui ont contesté la validité des élections de 2020 vont être élus? Et ensuite, quelles mesures vont-ils mettre en place?

Marin Fortin-Bouthot, co‐ ordonnateu­r de l’Observa‐ toire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand

Les électeurs de 37 États sont aussi invités à se pro‐ noncer sur 132 mesures réfé‐ rendaires. Parmi les enjeux : l’accès à l’avortement, la légali‐ sation de la marijuana à des fins récréative­s, des change‐ ments au processus de vote et l’abolition du travail forcé.

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