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« Ils ont voulu tuer le chant de gorge inuit, mais l’art est toujours vivant », Lydia Etok

- Ismaël Houdassine

Samedi soir au Théâtre Ou‐ tremont, Lydia Etok va li‐ vrer une performanc­e de chants de gorge avec à l’es‐ prit que l’héritage de ses ancêtres aurait pu à jamais s’éteindre. L’artiste inuk ayant grandi au Nunavik, dans le Grand Nord québé‐ cois, exprime à pleine voix son « trésor culturel » comme un pied de nez aux politiques d’assimilati­on.

Quand les colons et les missionnai­res sont arrivés dans l’Arctique et qu’ils ont entendu pour la première fois les chants de gorges inuit, ils ont pensé que c’était la parole du diable, raconte Lydia Etok en secouant la tête. Ils ont alors interdit aux femmes de pratiquer la tradition millé‐ naire qui a par la suite failli disparaîtr­e de la surface de la Terre.

Assise sur une chaise dans sa cuisine, avec sur la table une pile de livres en langue in‐ uktitut baignés d’une lumière ambrée automnale, l’inter‐ prète explique que le chant de gorge n’a bien sûr jamais rien eu de diabolique.

L’ignorance et la volonté de domination ont causé un mal immense au peuple inuit, souffle-t-elle. Mais on est par‐ venu à se relever grâce à notre obstinatio­n et cette vo‐ lonté de ne pas accepter la défaite.

Elle ajoute que le chant – nommé katajjaq en inukti‐ tut – était surtout un jeu de patiente, une activité ludique pour occuper la journée ou bien s’amuser pendant les longues soirées d’hiver. C’était un moyen de laisser passer le temps en attendant le retour des chasseurs, dit-elle.

Perdre le chant de gorge, c’est comme perdre un membre de notre corps. Il y a une part de notre identité qui s’en va et qui ne reviendra plus jamais.

Lydia Etok

La pratique a bel et bien frôlé l’extinction. Elle a survé‐ cu grâce à la déterminat­ion de quelques femmes qui ont continué de chanter en ca‐ chette, malgré la peur et les menaces, indique l’artiste. Les aînées ont sauvé la tradition grâce à leur sagesse. Elles as‐ surent maintenant la trans‐ mission des valeurs tradition‐ nelles aux nouvelles généra‐ tions.

Née à Montréal d’une mère inuk, la chanteuse a vé‐ cu dans le petit village de Kan‐ giqsualujj­uaq, au nord-est de Kujjuaak. Dans sa jeunesse,

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