Densification urbaine, mais à quel prix?
En 2010, Natalie Cesard et Éric Lavoie s’établissent dans leur nouvelle maison à Lévis, juste à l’ouest du pont Pierre-Laporte. De leur salon, ils voient les ba‐ teaux naviguer sur le fleuve Saint-Laurent. Le site parfait, selon eux, pour profiter pleinement d’une retraite éventuelle. Mais, en 2017, la visite inat‐ tendue d’un courtier qui travaille pour le compte d’un promoteur immobilier vient assombrir leur projet de retraite.
Il nous mentionnait qu'il achèterait toutes les maisons de notre quartier, qu'il les dé‐ molirait et qu'il ferait des tours à condos.
Natalie Cesard
Cette visite survient avant même que la Ville de Lévis n’ait organisé des consulta‐ tions publiques pour changer le zonage du quartier et bien avant que le projet du promo‐ teur immobilier Humaco ne soit annoncé officiellement.
En novembre 2019, le promo‐ teur, soutenu par le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, rend public son projet Cocité Lévis.
Grâce au nouveau zonage, il peut construire des im‐ meubles d’habitation dont le nombre d’étages est illimité, juste à côté de la maison des Cesard-Lavoie. Et le promo‐ teur pourra construire des im‐ meubles de trois à douze étages dans le secteur où ils habitent.
C'est un projet qui corres‐ pond à notre vision de densi‐ fication au niveau de la tête des ponts.
Gilles Lehouillier
Ce projet inquiète plu‐ sieurs résidents du quartier, qui réalisent que le promo‐ teur a acquis plusieurs pro‐ priétés près de chez eux au cours des dernières années. David Leblond, d’Humaco, re‐
connaît qu’une trentaine d’en‐ tentes ont été conclues avec les propriétaires, ajoutant qu’Humaco a toujours bien agi avec les citoyens du quar‐ tier.
Dès le jour un, on s'est ren‐ dus disponibles. On a dit : "Si vous avez des questions ou des inquiétudes, venez nous voir, on est voisins. Nous, ce qu’on veut, c’est une relation de bon voisinage."
David Leblond
Les voisins des Cesard-La‐ voie ont reçu une offre d’Hu‐ maco de 450 000 $ pour leur propriété. Céline Mercier et Alain Côté ne pouvaient l’ac‐ cepter.
On a fait venir un contrac‐ teur. On avait trouvé un ter‐ rain. Il arrivait avec une esti‐ mation de 695 000 $ pour construire la maison, puis aménager le terrain. J'ai dit [à Humaco] : "C'est à vous d'avancer les fonds pour qu'on soit capables de se relo‐ ger ailleurs, puis de ne pas perdre ce qu'on a ramassé toute notre vie".
Alain Côté
L’experte en acceptabilité sociale et professeure asso‐ ciée à l’UQAM, Marie-Ève Maillé, estime que le promo‐ teur est généralement favori‐ sé dans ce genre de négocia‐ tion, parce qu’il discute indivi‐ duellement avec les proprié‐ taires et qu’il contrôle l’infor‐ mation. Mais une chose est claire, selon elle, il doit faire preuve d’ouverture envers les vendeurs.
S'ils doivent se reloger ailleurs, il faut qu'ils puissent avoir quelque chose d'équi‐ valent. Ça serait la moindre des choses, à mon avis. Marie-Ève Maillé
Natalie Cesard n’a rien contre la densification ur‐ baine, mais, selon elle, il fau‐ drait que les citoyens soient respectés dans le processus. Comme son quartier va se transformer, elle souhaite trouver une solution qui va lui permettre de se reloger dans un endroit qui ressemble à son environnement actuel.
Elle a demandé l’aide de son maire, sans succès. Nous avons voulu lui poser des questions, il a refusé. La Ville a plutôt délégué son directeur général adjoint au développe‐ ment durable, Dominic Des‐ lauriers.
Il n'y a personne qui les force à quitter. Ce qu'il faut savoir, c'est que nous, la Ville de Lévis, on ne rentre pas dans le jeu des acquisitions. La Ville ne s'immisce pas dans ce type de transaction là. Dominic Deslauriers
L'an dernier, les Cesard-La‐ voie ont vécu une grosse dé‐ ception. Ils avaient réussi à trouver un promoteur immo‐ bilier intéressé à acheter leur propriété pour près d'un mil‐ lion de dollars, mais il s'est dé‐ sisté tout juste avant de si‐ gner la promesse d'achat.
Le couple se sent pris au piège et ne sait plus quoi faire. De son côté, le promoteur Humaco affirme que la construction de la deuxième phase (immeubles de trois à douze étages) où habite le couple Cesard-Lavoie n’est pas prévue pour l’instant. Pa‐ radoxalement, il continue à acquérir des propriétés.
Le reportage d'Yvan La‐ montagne et de Claude La‐ flamme est diffusé à La fac‐ ture le mardi à 19 h 30 et le sa‐ medi à 12 h 30 à ICI Télé.
sur l’immigration prend fin le 24 novembre.