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Dominique Anglade : le périlleux chemin vers le vote de confiance

- Hugo Lavallée

Plusieurs ne donnaient dé‐ jà pas cher de la peau de Dominique Anglade à titre de cheffe du Parti libéral du Québec avec le vote de confiance qui l’attend l’an prochain. Les événements des derniers jours semblent avoir réduit ses chances de survie encore plus.

Depuis la défaite histo‐ rique du 3 octobre, le mécon‐ tentement au sein des troupes libérales était plutôt diffus. À micro fermé, des mili‐ tants et d’anciens élus évo‐ quaient çà et là leur désir de voir la cheffe quitter ses fonc‐ tions, sans toutefois oser ré‐ clamer sa tête publiqueme­nt.

Les choses ont changé en quelques heures à peine avec l’expulsion de la députée Ma‐ rie-Claude Nichols. L’insatis‐ faction s’est rapidement cris‐ tallisée autour de quelques anciens élus, sortis sur la place publique, la plus connue d’entre eux étant sans contre‐ dit l’ex-vice-première ministre

Lise Thériault. Les militants déçus, qui se demandaien­t qui pourrait coaliser le mé‐ contenteme­nt anti-Anglade, savent maintenant dans quelle direction se tourner.

Il est bien peu probable que le mea culpa en demiteinte, offert hier par Domi‐ nique Anglade, réfrène ceux qui veulent lui faire obstacle. Au contraire, sa réticence à présenter des excuses en bonne et due forme à Mme Nichols semble avoir remonté davantage ceux qui étaient déjà indisposés, comme en té‐ moigne l’entrevue offerte hier par Paule Robitaille à 24/60.

Évoquant un leadership malade, l’ancienne députée s’est montrée impitoyabl­e : Dominique, ça a été difficile pour elle de communique­r [...], de travailler avec des dé‐ putés qui ne pensent pas tou‐ jours comme elle. Et là, avec Marie-Claude Nichols, c'est re‐ belote. C’est quelque chose qu’elle devra corriger. Est-ce qu'il n'est pas trop tard? C'est la question que je me pose.

Après avoir eu des propos très durs la semaine dernière, estimant que Dominique An‐ glade a creusé sa propre tombe, Lise Thériault n’a pas cru bon en ajouter.

Quel intérêt y a-t-il à ré‐ intégrer le caucus?

On ne sait encore rien des intentions de Marie-Claude

Nichols, mais on a bien pris note du communiqué laco‐ nique qu’elle a publié la se‐ maine dernière. La députée entend demeurer au service de ses concitoyen­s autant que des valeurs libérales.

Dans l’état actuel des choses, elle pourrait très bien juger qu’elle sera mieux à même de les défendre comme députée indépen‐ dante – rôle dans lequel elle aura pleine liberté pour agir comme elle l’entend – que comme députée libérale, d’au‐ tant qu’elle et Mme Anglade n’ont jamais semblé avoir beaucoup d’atomes crochus. Il sera toujours temps de ré‐ évaluer la situation si un nou‐ veau chef prend les rênes du parti.

Après avoir publiqueme­nt tendu la main à son ancienne députée, Dominique Anglade ne peut maintenant qu’at‐ tendre et espérer. Il est toute‐ fois ironique de voir la cheffe libérale se trouver ainsi à la merci d’une collègue qu’elle se faisait fort d’expulser de son caucus il n’y a même pas une semaine.

En quatre jours, le rapport de force s’est complèteme­nt inversé, et même si Mme Ni‐ chols a sans doute une part de responsabi­lité dans ce qui s’est produit. Cette dernière a refusé un poste de critique aux transports, même si le dossier revêt en ce moment une importance capitale.

Au-delà du sort réservé à la députée de Vaudreuil, les événements des derniers jours risquent surtout de ter‐ nir l’image de Dominique An‐ glade auprès de ses propres militants. En campagne, cette dernière avait multiplié les at‐ taques envers François Le‐ gault, accusant son vis-à-vis caquiste de diviser pour mieux régner. La réputation de cheffe rassembleu­se, ca‐ pable d’unir les Québécois, qu’elle espérait se tailler sera dorénavant beaucoup plus difficile à promouvoir.

L’épreuve du vote de confiance

Il ne faut pourtant pas s’y méprendre. Si Dominique An‐ glade choisit vraiment de s’ac‐ crocher, c’est à une véritable course qu’on assistera au cours des prochains mois.

La constituti­on du Parti li‐ béral du Québec prévoit la te‐ nue d’assemblées dans cha‐ cune des circonscri­ptions pour désigner les membres qui participer­ont au prochain congrès du parti et qui, de facto, pourront prendre part au vote de confiance à l’égard de leur cheffe.

Sur le terrain, partisans comme opposants de Domi‐ nique Anglade s’activeront pour influer sur le choix des délégués. Dans les circonscri­p‐ tions où les membres sont plus rares, les deux clans par‐ tiront de zéro. On vendra des cartes de membre de part et d’autre et on fera du pointage. À voir les difficulté­s que l’équipe de Mme Anglade a eues à organiser la dernière campagne électorale, rien n’est acquis pour elle.

D’autres membres du par‐ ti, de par leur statut, seront de facto délégués au congrès. Si Dominique Anglade n’a pro‐ bablement rien à craindre des députés qu’elle a elle-même recrutés, il pourrait en être autrement des représenta­nts d’autres instances, comme la commission jeunesse du par‐ ti. Le fait que leur président refuse de dire s’il appuiera ou non sa cheffe, comme nous l’apprenait hier La Presse ca‐ nadienne, n’est pas de bon augure à cet égard.

Jean Charest est le dernier des chefs libéraux à s’être sou‐ mis à l’exercice, et deux fois plutôt qu’une. En 1998, il avait recueilli 95 % d’appuis et en 2008, 97 %.

Pour Dominique Anglade, l’épreuve de force ne fait que commencer. Et, pour l'instant, elle n'a fait que donner des munitions à ses opposants.

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