Les Innus de Pessamit laissent la forêt aux non-Autochtones en période de chasse
Pour éviter les conflits et pour laisser « tranquilles » les non-Autochtones, les Innus de Pessamit essaient d'éviter d'aller en forêt lorsque les non-Autoch‐ tones chassent l'orignal.
Adélard Benjamin se sou‐ vient du temps de la chasse durant sa jeunesse. Cet Innu de Pessamit, une communau‐ té de la Côte-Nord, raconte : Quand j’étais jeune, dans les années 70, mes parents com‐ mençaient déjà à ne plus aller à la chasse lorsqu’elle ouvrait pour les Blancs.
Dans la zone où se trouve Pessamit, la chasse à l’orignal est ouverte pour les Québé‐ cois jusqu’au 10 octobre.
Eux, ils paient un permis. Nous on peut chasser toute l’année, explique Adélard.
L’Innu ne veut pas déran‐ ger. On est là en paix et la terre est à tout le monde. On préfère éviter les conflits. Adélard Benjamin
C’est mot pour mot ce que dit aussi Michel Kanape, un autre Innu de Pessamit. On attend l’hiver pour aller chas‐ ser l’orignal. Janvier, février, mars…, ajoute-t-il.
Par contre, si un cervidé a la malchance de croiser son chemin, Michel Kanapé l’abat‐ tra sûrement. Mais il ne parti‐ ra pas à l’affût.
Plusieurs communautés ont aussi raconté que cer‐ taines tensions peuvent enta‐ cher cette saison. Adélard se souvient que son père et son grand-père ont déjà été vic‐ times de harcèlement de la part de chasseurs non-Au‐ tochtones. Ils auraient même été visés par des tirs.
Qui est le plus sauvage?, questionne Adélard en ajou‐ tant que certains non-Autoch‐ tones, lorsqu’ils le croisent en forêt, pensent qu’il est là pour voler leur gibier.
Selon lui, beaucoup de non-Autochtones ne connaissent pas les droits des Innus sur le territoire. Beau‐ coup oublient aussi que les Innus étaient là bien avant eux.
Contactée par Espace au‐ tochtones, l'Association des chasseurs pêcheurs ManicOutardes n'avait pas encore répondu à nos demandes d'entrevue au moment de pu‐ blier ces lignes.
Deux manières de chas‐ ser
Il décrit aussi une philoso‐ phie différente derrière la fa‐ çon de chasser des Autoch‐ tones et celles des non-Au‐ tochtones. Nous, on ne met‐ tra pas une tête d’orignal en trophée sur notre voiture, ra‐ conte Adélard.
Les Autochtones ont la ré‐ putation de ne rien jeter de l’orignal qu’ils tuent. On récu‐ père tout. Avant c’était une question de survie, et on a gardé cette habitude, ex‐ plique Adélard.
Michel détaille : On mange le museau, la tête, la langue. On utilise les intestins pour faire des saucisses. On laisse aussi des choses à la nature, mais on essaye de ne rien gas‐ piller.
Si on pouvait manger les sabots, on le ferait !, lance-t-il en riant.
Les techniques de chasse sont aussi différentes. Les Blancs vont utiliser des salines pour attirer le gibier, ils imitent aussi le son de l’ani‐ mal. Nous, on va plutôt aller directement dans les endroits ou les orignaux se tiennent en hiver, en haut des mon‐ tagnes, détaille Michel.
Les deux hommes ra‐ content qu’aucun Autochtone ne va d’ailleurs chasser une bête pour le plaisir.
Généralement, lorsqu’ils tuent un orignal, une partie de la viande est distribuée dans toute la famille et aux aî‐ nés de la communauté qui ne peuvent plus aller dans le bois.
Les Innus ne se privent toutefois pas de profiter de l'automne dans leur territoire. Et avec un peu de chance, un orignal croisera leur route.