Québec prêt à accueillir plus d’immigrants, s’ils sont francophones
Il pourrait bientôt y avoir plus d’immigrants perma‐ nents au Québec. Mais uni‐ quement s’ils sont franco‐ phones.
Le gouvernement Legault, qui s’était pourtant récem‐ ment fermement opposé à une hausse des seuils d’immi‐ gration, songe à la création d’un nouveau programme ou d’une nouvelle catégorie qui viserait spécifiquement les immigrants déjà installés au Québec.
On parle par exemple des diplômés d’une institution francophone – dans les uni‐ versités et les cégeps – ou de travailleurs temporaires fran‐ cophones bien intégrés au Québec depuis plusieurs an‐ nées.
Cette idée est dans les car‐ tons, nous ont confirmé plu‐ sieurs sources, tant du côté de Québec que d'Ottawa. Des discussions vont avoir pro‐ chainement lieu sur ce sujet.
L’objectif serait de garder ces familles, ces étudiants et ces travailleurs dans la pro‐ vince, en créant ainsi une autre voie plus rapide vers la résidence permanente.
Un inventaire toujours très important
Le Québec accueillera cette année un nombre re‐ cord d’immigrants perma‐ nents. Outre les quelque 50 000 personnes initialement prévues, un rattrapage de 18 000 immigrants supplé‐ mentaires a été programmé, en raison de problématiques liées à la pandémie. Ces objec‐ tifs, selon des informations provenant d’Ottawa, sont en passe d’être remplis. Selon nos informations, ces seuils ne suffisent cependant pas à vider l’inventaire de de‐ mandes, toujours très impor‐ tant. À l’heure actuelle, plus de 40 000 travailleurs qualifiés québécois attendent leur rési‐ dence permanente, qui leur est délivrée en fonction des cibles de Québec.
Urgence de protéger la langue française
Selon nos informations, l’équipe de François Legault aurait pris conscience de l’ur‐ gence de protéger la langue française en attirant ainsi plus d’immigrants francophones de manière durable au Qué‐ bec.
Voir les leviers qu’on a pour choisir plus de franco‐ phones, ça me semble être une priorité, nous a glissé une source gouvernementale, alors qu’Ottawa compte atti‐ rer 500 000 nouveaux rési‐ dents permanents par an d’ici 2025.
Le nombre d’immigrants admis au Québec comme rési‐ dents permanents, actuelle‐ ment aux alentours de 50 000, pourrait ainsi augmenter, mais rien n’est encore formel‐ lement décidé, nous a-t-on précisé.
Aucun chiffre sur d’éven‐ tuels nouveaux seuils ne cir‐ cule non plus. On est en train de brasser ça, a mentionné une autre source.
Le gouvernement Legault pourrait notamment propo‐ ser différentes options dans les prochains mois à Ottawa, mais aussi aux acteurs québé‐ cois du milieu de l’immigra‐ tion.
Repoussées en raison de la campagne électorale, des consultations publiques sont prévues l’année prochaine pour définir le prochain plan triennal d’immigration au Québec.
Ça va aboutir assez vite, af‐ firme-t-on, tout en soutenant qu’il faut également évaluer ri‐ goureusement l’impact sur les logements et services sociaux.
Legault reste prudent
Interrogé après la publica‐ tion de ce reportage, le pre‐ mier ministre François Legault n’a pas nié ces informations. Il est cependant resté prudent, en mentionnant que son gou‐ vernement n’est pas prêt, pour le moment, à augmenter ses cibles d’immigration. Il faut trouver le moyen dans les 50 000 [immigrants] d’en avoir plus qui parlent francais. Une fois qu’on aura atteint cet objectif-là, on pourra se parler [et voir si] c’est possible d’ac‐ cueillir plus d’immigrants fran‐ cophones. La ministre de l’Im‐ migration, Christine Fré‐ chette, est en train de regar‐ der actuellement différentes options, notamment concer‐ nant les étudiants étrangers francophones, a-t-il reconnu.
Québec a déjà les pou‐ voirs, mais…
En réalité, rien n’empêche, à l’heure actuelle, Québec de revoir déjà ses critères de sé‐ lection et de choisir plus d’im‐ migrants francophones dans les catégories économiques. Selon l’accord Québec-Ottawa en immigration, le gouverne‐ ment provincial dispose de ces pouvoirs.
Imposer une obligation de connaître la langue française pour immigrer au Québec n’est cependant pas à l’étude. Cette idée se heurte au monde des affaires – bien connu par la nouvelle mi‐ nistre de l’Immigration Chris‐ tine Fréchette – qui a déjà fait connaître son opposition.
Le milieu entrepreneurial privilégie, tout comme le gou‐ vernement Legault, une fran‐ cisation des immigrants, dès leur arrivée, à travers notam‐ ment les entreprises. Ainsi, ces dernières peuvent recru‐ ter plus aisément des tra‐ vailleurs très convoités, anglo‐ phones, dans des secteurs de pointe.
Québec ne peut pas de‐ mander non plus à Ottawa de délivrer en priorité des rési‐ dences permanentes aux can‐ didats francophones. Cette éventualité, nous a-t-on indi‐ qué, pourrait se heurter aux tribunaux.
La création cependant d’un nouveau programme spécifique avec d’autres cri‐ tères, comme l’envisage Qué‐ bec, pourrait régler cette si‐ tuation et faciliterait grande‐ ment les négociations avec Ottawa, qui verrait cette éventualité d’un bon oeil.
Le plan d’immigration au Québec pour 2023 devrait être déposé d’ici la mi-dé‐ cembre. Le prochain plan triennal, pour 2024-2026, sera quant à lui connu dans un an.