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La géothermie : une deuxième vie pour les anciennes mines

- Camille Carpentier

Le complexe minier KingBeaver-Bell a laissé un im‐ mense cratère dans le pay‐ sage de Thetford Mines. Abandonné depuis 2008, l’endroit est hanté par le spectre de l’amiante. Pour des experts en géothermie, c’est une véritable mine d’or.

Le professeur Jasmin Ray‐ mond s’intéresse au potentiel géothermiq­ue d’anciens sites miniers près de Thetford Mines. Il croit que le lac qui s’est formé dans le puits d'ex‐ ploitation de la mine KingBeaver pourrait être exploité pour climatiser et chauffer des bâtiments avoisinant­s.

Nous, on pense que ces fosses-là sont particuliè­re‐ ment intéressan­tes pour des bâtiments où il y a de fortes demandes de climatisat­ion, comme des serres fermées ou des centres de données où il y a des serveurs qui ont besoin d'être refroidis, avance le chercheur spécialist­e de la géothermie à l’Institut natio‐ nal de la recherche scienti‐ fique (INRS).

Son équipe a été manda‐ tée par la société Asbestos, propriétai­re du site, d'évaluer le potentiel géothermiq­ue de l'ancienne mine. La minière cherche à revalorise­r des sites qui ne sont plus exploités.

Il y a un an, l’équipe de re‐ cherche a donc plongé des capteurs thermiques dans la zone la plus profonde du lac. Attachés tout le long d’un câble d’une centaine de mètres, les petits appareils permettent de mesurer la températur­e à tous les ni‐ veaux de profondeur.

Samuel Lacombe, étudiant à la maîtrise en science de la terre à l’INRS, a la responsabi‐ lité de compiler les données.

On voit carrément les va‐ riations en fonction de la sai‐ son, indique l’étudiant. On at‐ teint une températur­e constante à peu près autour de 40 mètres de profondeur. Après, c'est que des tempéra‐ tures de 4,8 [degrés Celsius].

Un potentiel à exploiter

Jasmin Raymond croit que cette eau à 4,8 degrés Celsius pourrait être pompée pour refroidir des bâtiments du‐ rant l’été. Jasmin Raymond es‐ time qu’en une année, le po‐ tentiel énergétiqu­e de ce sys‐ tème de climatisat­ion pour‐ rait atteindre 1,9 mégawatt.

On pourrait climatiser cinq à huit hectares de serres fer‐ mées, calcule le chercheur.

Même si une pompe géo‐ thermique nécessite de l’élec‐ tricité pour fonctionne­r, elle permet d’importante­s écono‐ mies d’énergie.

La pompe à chaleur va prendre la chaleur du bâti‐ ment et va la retourner dans l'eau [du lac]. Le fait de trans‐ férer la chaleur vers l'eau, ça va être plus efficace que de la retourner vers l'air extérieur.

C’est de 30 % à 40 % plus efficace qu'un système de cli‐ matisation convention­nel.

Jasmin Raymond, profes‐ seur à l'INRS

L’eau peut aussi permettre de faire des économies sur le chauffage durant l’hiver. Dans ce cas-ci, l’eau pompée dans les profondeur­s du lac est re‐ froidie jusqu’à 2 degrés Cel‐ sius. Cette opération libère de l’énergie qui est ensuite trans‐ férée dans le bâtiment.

Ça, c'est plus efficace que prendre simplement de l'élec‐ tricité pour chauffer un bâti‐ ment, ou brûler du gaz natu‐ rel, explique le chercheur.

Il fait le calcule que la masse d’eau pourrait générer annuelleme­nt 0,4 mégawatt d’énergie en chauffage. Ce se‐ rait suffisant pour chauffer quatre usines de 9000 mètres carrés ou encore une serre de 2 à 4 hectares.

Les économies ne s’ar‐ rêtent pas là. Généraleme­nt, l’installati­on d’un système de pompe géothermiq­ue coûte très cher, puisqu’il est néces‐ saire d’effectuer des forages. Or, dans le cas d’une ancienne mine, l’installati­on pourrait être effectuée plus facilement.

L'idée, c'est qu'on pourrait aménager le même type de système, mais à un coût beaucoup plus modeste, parce qu'on n'a pas besoin de forage, précise Jasmin Ray‐ mond.

Une deuxième phase de recherche

Jasmin Raymond et son équipe doivent maintenant déterminer si le site est pro‐ pice à l’installati­on d’un tel système.

Mariana Goldoni, étu‐ diante à la maîtrise en science

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