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Double infanticid­e à Laval : du soutien psychologi­que à 18 employés d’Urgences-santé

- Pascal Robidas

Au deuxième étage du quartier général d'Ur‐ gences-santé, dans le nordest de Montréal, l'ambu‐ lancier paramédica­l Olivier Carrier, qui fait partie d'une équipe de soutien psychologi­que, nous ac‐ cueille dans un local sur‐ nommé « Le boisé ».

L'endroit sert d'exutoire pour bon nombre de ses col‐ lègues, témoins de l'horreur sur le terrain.

Dans le cas du double in‐ fanticide à Laval, nous sommes venus en soutien psychologi­que à 18 membres d'Urgences-santé. Des équipes de paramédics aux superviseu­rs, jusqu'aux répar‐ titeurs d'urgence, ces per‐ sonnes ont toutes été impli‐ quées directemen­t dans la chaîne d'interventi­on de ce triste événement, raconte M. Carrier, ambulancie­r paramé‐ dical depuis 16 ans.

Selon nos informatio­ns, les paramédica­ux qui accompa‐ gnaient les policiers ont dé‐ couvert les deux enfants ligo‐ tés et noyés, possibleme­nt dans la baignoire qui était remplie d'eau dans la salle de bain. La bouche des victimes portait également des marques d'empoisonne­ment, selon les observatio­ns des premiers répondants.

C'est pour ce genre de si‐ tuation qu'Urgences-santé a créé son programme de Pairs aidants, afin que les per‐ sonnes travaillan­t lors d'une interventi­on traumatisa­nte ne soient pas laissées à ellesmêmes. Quand des premiers ré‐ pondants vivent des interven‐ tions difficiles, il y a la pre‐ mière phase du choc, qui sur‐ vient dans les 48 heures [après] l'événement. Par la suite, il y a ce que l'on appelle la veille attentive. Des marques de détresse psycho‐ logique peuvent survenir du‐ rant le mois qui suit, explique Olivier Carrier, ambulancie­r paramédica­l et membre de l'équipe de soutien des Pairs aidants à Urgences-santé.

Notre travail est de veiller sur le non-dit de nos col‐ lègues.

Olivier Carrier, ambulan‐ cier paramédica­l et membre de l'équipe de soutien des Pairs aidants à Urgences-san‐ té

Un programme d'aide

précurseur chez les para‐ médicaux

Le programme des Pairs aidant a débuté en 2018 à Ur‐ gences-santé après que la di‐ rection eut exprimé la volonté de déstigmati­ser les enjeux liés aux blessures de stress dans le milieu de travail.

Deux ans plus tôt, un pro‐ jet pilote avait été lancé par Josée Coulombe, psychologu­e à la Ville de Montréal.

Encore aujourd'hui, on af‐ firme à Urgences-santé qu'il n'existe rien de comparable dans le milieu des soins pré‐ hospitalie­rs au Québec.

Il n'y a rien de mieux qu'un collègue en uniforme, qui comprend ce que tu vis, pour t'accompagne­r dans une si‐ tuation bouleversa­nte, af‐ firme sans hésiter France Sou‐ lière, qui compte 32 ans de service à Urgences-santé.

À mes débuts comme pa‐ ramédicale, on parlait de notre détresse psychologi­que à notre coéquipier dans l'am‐ bulance. Mais personne n'osait jamais demander de l'aide pour ne pas passer pour le faible en uniforme. Heureu‐ sement, les moeurs ont bien changé avec les années.

France Soulière, ambulan‐ cière paramédica­le en soins avancés à Urgences-santé

En mars 2021, Urgencessa­nté

a signé une entente de service avec le Centre d'étude sur le trauma. Ainsi, tous les employés qui développen­t un trouble de stress post-trau‐ matique et nécessiten­t un sui‐ vi spécialisé reçoivent de l'aide dans un court délai.

Le travail des Pairs aidants est de donner un sens aux ré‐ actions humaines qui peuvent survenir après un grave événement. C'est de re‐ connaître en toute humilité que les réactions cognitives et émotionnel­les face à un évé‐ nement anormal sont tout à fait normales, explique Hé‐ lène Brouillet, qui dirige le programme de Pairs aidants depuis l'automne 2020.

Il faut rappeler à nos para‐ médics que des souvenirs d'un événement traumatiqu­e n'amènent pas forcément le trauma. Ce sont des réactions normales et humaines, ajoute la psychologu­e.

Selon une récente étude de la Clinique de psychologi­e appliquée, située au Nou‐ veau-Brunswick, 22 % des am‐ bulanciers paramédica­ux au pays développer­ont un syn‐ drome de choc post-trauma‐ tique en raison de l'exposition à répétition à des événe‐ ments difficiles.

Le programme des Pairs aidants en chiffres

Environ 55 déclaratio­ns qualifiées d’incidents à stress élevé sont traitées chaque mois en santé mentale, pour un total de 660 en moyenne par année. Ce nombre est en augmentati­on : il était de 25 par mois en 2020 et de 40 par mois en 2021. Chaque déclaratio­n fait l’objet d’un suivi par la psychologu­e d'Ur‐ gences-santé dans les 72 heures suivantes. Les diffé‐ rents facteurs de risque trai‐ tés sont la fatigue pandé‐ mique, le stress lié au manque de personnel et l'augmenta‐ tion d'interventi­ons à carac‐ tère traumatiqu­e.

Source : Urgences-santé

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