Les neuf communautés innues veulent coordonner leurs actions
Réunis lors d'un premier sommet depuis 2015, les chefs de la Nation innue annoncent la création d'un organe de concertation au‐ tour des visées d'autodé‐ termination et des ques‐ tions sociales.
L'objectif de ce Secrétariat, dont l'emplacement n'a pas encore été défini, sera d’assu‐ rer la coordination des enjeux politiques communs des com‐ munautés de la Nation innue [...] en tenant compte des spé‐ cificités et des intérêts propres à chaque commu‐ nauté.
L'autodétermination et les problèmes sociaux ont princi‐ palement retenu l'attention, sujets d'une importance capi‐ tale pour les neuf communau‐ tés innues du Québec.
Le Secrétariat permanent aura plusieurs mandats, dont celui d'aider à la concertation des communautés dans le but d'organiser de grands projets énergétiques et de promouvoir de nouveaux projets qui seront éventuelle‐ ment créés sous l'impulsion de la Nation innue.
Aider à la santé globale des communautés
Tous les chefs sont convaincus de l'ampleur des problèmes liés à la sécurité et la santé publique. La création du Secrétariat permettra par ailleurs aux Innus de trouver ensemble la meilleure ma‐ nière d'aider les générations actuelles et futures de leurs communautés.
Pour ce faire, ils comptent employer non seulement des techniques modernes et scientifiques, mais aussi des approches axées sur la guéri‐ son et d'autres processus an‐ crés dans la culture tradition‐ nelle.
Présentement, c'est parti‐ culièrement la dévastation de la drogue qui affecte sociale‐ ment chacune de nos com‐ munautés
Gilbert Dominique, chef de Mashteuiatsh
Le combat s'avère, dans certains cas, plus difficile, alors que l'on apprenait mer‐ credi qui il y a actuellement présence de Hells Angels dans certaines communautés de la Côte-Nord.
Questionné à ce sujet, le chef de Uashat mak Mani-ute‐ nam, Mike Mckenzie, a soule‐ vé qu'il serait souhaitable que chaque communauté innue puisse compter sur une pré‐ sence de police autochtone pour aider à la protection ci‐ vile et à l'encadrement de la jeunesse.
Il y a présentement cinq communautés innues qui on des corps policiers autoch‐ tones, il en resterait quatre [à ajouter].
Mike Mckenzie, chef de Ua‐ shat mak Mani-utenam
Les chefs on également souligné l’importance d’effec‐ tuer des sorties en territoire pour renforcer le lien avec la culture chez des membres des communautés qui vivent une perte de repères, notam‐ ment en raison des contre‐ coups intergénérationnels des pensionnats, qui, doit-on le rappeler, visaient justement à briser la culture des Pre‐ mières Nations.
Les chemins de l'autodé‐ termination
Ce n'est pas la définition des droits qui pose problème chez les Innus. Les neuf chefs s'entendent sur le fait qu'il existe un droit inhérent et in‐ aliénable à l'autodétermina‐ tion. Et c'est en ce sens qu'ils souhaitent tous éviter de donner l'impression que les droits ancestraux leur sont octroyés par Québec ou Otta‐ wa.
Par contre, pour l'instant, la meilleure manière de faire reconnaître ces droits est loin de faire l'unanimité. D'un côté, les trois communautés re‐ groupées sous Petapan, c'est à dire Nutashkuan, Mash‐ teuiatsh et Essipit, croient qu'une reconnaissance éta‐ tique permettra aux Innus de porter plus loin leur autodé‐ termination.
D'autre part, les six autres chefs croient plutôt qu'étant donné que le droit inhérent à l'autonomie gouvernemen‐ tale est une réalité juridique, d'ailleurs inscrite dans l'ar‐ ticle 35 de la Constitution ca‐ nadienne, les Innus n'ont qu'à s'affirmer d'une manière ferme pour que leurs droits soient respectés.
Le chef Réal McKenzie de Matimekush - Lac-John in‐ dique que pour l'instant les chefs des communautés ne faisant pas partie de Petapan ne pourront appuyer le pro‐ cessus de traité tant qu'une consultation réelle n'aura pas eu lieu à propos de son conte‐ nu.
Avec l'expérience, je sais à peu près ce qu'est un traité, comme ceux signés dans l'Ouest ou avec les Cris pour lesquels il y a eu des extinc‐ tions [de droits ancestraux]. Pour que nous le suppor‐ tions, il faudra que les experts de Petapan nous montrent que la question de fond, qui est la reconnaissance des droits, est définie de manière adéquate.
Réal McKenzie, chef de Ma‐ timekush-Lac John
Face à ces réserves, le chef de Mashteuiatsh et porte pa‐ role du regroupement Peta‐ pan Gilbert Dominique rap‐ pelle que le 31 mars prochain, on ne signe pas de traité, mais on met seulement fin aux né‐ gociations.
Il promet que toutes les communautés innues seront consultées avant la signature finale du traité de Petapan. On est transparent, on a pas de cachettes à faire, et on veut travailler ensemble, dit-il. Nous sommes pleinement ral‐ liés par notre conviction pro‐ fonde que nous avons des droits sur Nitassinan [notre terre] qui n'ont jamais, jamais été cédés.
Quant à savoir si des pro‐ blèmes pourraient survenir au sein du nouveau Secréta‐ riat par rapport aux enjeux territoriaux après la signature du traité, puisque les commu‐ nautés membres n'auraient pas nécessairement le même degré de reconnaissance de leurs droits, Réal McKenzie ré‐ pond :
Traité ou pas traité, on est un peuple, on a des droits, et s'il n'y a pas de reconnais‐ sance, c'est le soulèvement d'un peuple.
Réal McKenzie, chef de Ma‐ timekush-Lac-John
Il faudra maintenant voir comment s'articulera réelle‐ ment cette nouvelle instance de consultation innue.
Les chefs n'excluent pas qu'elle puisse mener vers la création d'une nouvelle entité politique regroupant leurs neuf communautés, rappe‐ lant celles qui existent chez les Atikamekw, avec le Conseil de la Nation Atikamekw, ou chez les Cris, avec le Grand Conseil des Cris. Mais, pour l'instant, cette option ne fait pas l'objet de discussions.